L'Ukraine n'a jamais réussi la refonte son État après l'effondrement de l'URSS. Au lieu de cela, les anciennes élites soviétiques se sont cramponnées au pouvoir (ainsi qu'à la plupart des richesses du pays), par le biais de pratiques de corruption qui se sont enracinées dans l'économie et dans le système politique du pays. Réformer ces deux institutions va représenter un défi majeur, auquel les dirigeants de l'Ukraine se sont engagés dernièrement.
Depuis le mois de février de l'an dernier, lorsque le Parlement a destitué de ses fonctions le président de l'époque Viktor Ianoukovytch par une majorité de plus des deux tiers, l'Ukraine a organisé de nouvelles élections pour les deux institutions. Des centaines de hauts responsables ont été remplacés par de jeunes professionnels formés en Occident et le gouvernement s'efforce à présent fiévreusement de mettre en œuvre des réformes profondes et complètes, dont une nouvelle loi sur les marchés publics et un train de mesures législatives de lutte contre la corruption. Des dizaines d'organismes d'inspection superflus ont été supprimés, réduisant considérablement le fardeau réglementaire. Le mois dernier, le président Petro Porochenko a limogé le gouverneur de la région de Dnipropetrovsk, le magnat milliardaire Igor Kolomoisky.
Plus récemment les autorités ont travaillé à la réforme du secteur de l'énergie : une plaque tournante de la corruption. Le 1er avril, les tarifs du gaz domestique ont quadruplé, les portant à la moitié du prix du marché, en compensation des indemnités prévues allouées aux pauvres. En outre, le Parlement a adopté une loi qui harmonise les normes énergétiques avec celles de l'Union européenne, délimitant ainsi clairement le rôle de l'État et ouvrant le marché du gaz aux investisseurs.
Mais l'Ukraine a encore beaucoup de chemin à faire. La bonne nouvelle est que l'opinion publique comprend et soutient dans une large mesure les efforts de réforme du gouvernement. La mauvaise nouvelle est que l'Ukraine est toujours confrontée à des menaces de déstabilisation considérables, en commencer par une nouvelle offensive militaire russe.
Une attaque russe, par exemple sur Marioupol, deuxième port de l'Ukraine orientale (et qui représente environ un tiers des exportations du pays), pourrait dévaster une économie déjà en chute libre. Malgré plusieurs facteurs (les sanctions occidentales, un manque de soutien public à la guerre en Ukraine et le déclin rapide de l'économie russe), censés décourager le Kremlin de prendre une telle mesure, cela risque bien de ne pas suffire. Après tout, les dirigeants russes se sont montrés imprévisibles.
Même en l'absence de nouvelle agression russe, les difficultés économiques de l'Ukraine pourraient prévenir de nouvelles avancées sur la réforme. L'économie s'est contractée de 6,8% en glissement annuel en 2014 et la production a plongé de 15% sur les deux derniers trimestres. En outre, avec le pays à court de réserves à fin février, la hryvnia (la monnaie ukrainienne) a perdu la moitié de sa valeur : ainsi l'inflation annuelle a bondi à 45% en mars. Une débâcle financière à grande échelle a été évitée seulement parce que le FMI a fourni un décaissement rapide qui a doublé les réserves de l'Ukraine à 9,9 milliards de dollars. A la fin du mois, le taux de change a plus ou moins récupéré.
Le financement international que l'Ukraine a reçu, bien que précieux, reste néanmoins insuffisant pour soutenir la réforme et une reprise véritable. Le dernier programme de plan de sauvetage prévoit environ 40 milliards dollars de financement, dont presque la moitié proviendra du FMI, au cours des quatre prochaines années. Cela signifie que cette année l'Ukraine recevra seulement 10 milliards de dollars, ce qui est insuffisant pour permettre au pays de reconstituer ses réserves et de structurer sa dette.
En effet, compte tenu des importantes dettes obligataires de l'Ukraine, dont beaucoup arriveront à échéance d'ici les deux prochaines années, il y a un déficit de 15,3 milliards de dollars dans le plan de sauvetage, que le FMI et le gouvernement ukrainien cherchent à coupler sur une restructuration de la dette. Mais même s'ils y parviennent, l'Ukraine aura besoin de plus de financement qu'elle n'en reçoit à présent.
Il y a aussi besoin de davantage de soutien stratégique. L'opposition massive des responsables politiques européens à fournir à l'Ukraine des armes défensives est difficile à comprendre. Les dirigeants européens affirment qu'ils veulent éviter de donner à la Russie des raisons d'intensifier sa guerre contre l'Ukraine. Mais cela est déjà le cas et le combat de l'Ukraine contre la Russie est après tout une défense des valeurs européennes fondamentales et donc de l'Europe elle-même. Le drapeau de l'UE recouvrait les cercueils des Ukrainiens tués dans ce combat.
Les dirigeants européens font valoir que le point central de leur politique envers l'Ukraine doit consister à soutenir sa relance économique. Mais là encore, l'Europe fait trop peu, offre des crédits dérisoires de 1,8 milliards d'euros (1,9 milliards de dollars) cette année, quand 10 milliards d'euros seraient plus appropriés. Si les États-Unis coupaient la poire en deux avec l'Europe (au minimum), la crise financière de l'Ukraine pourrait enfin être limitée.
Le 28 avril, le gouvernement de l'Ukraine va accueillir une conférence des donateurs à Kiev. À un moment où les dirigeants du pays et la population sont plus déterminés que jamais à lutter contre la corruption, à mettre au point une économie productrice de richesses et à devenir une démocratie libérale normale, l'Europe devrait s'empresser de lui venir en aide. Il est temps que les politiciens occidentaux se souviennent de leurs idéaux et qu'ils se lèvent pour les défendre.
Anders Åslund, senior fellow au Petersen Institute est l'auteur de Ukraine: What Went Wrong and How to Fix It .
Depuis le mois de février de l'an dernier, lorsque le Parlement a destitué de ses fonctions le président de l'époque Viktor Ianoukovytch par une majorité de plus des deux tiers, l'Ukraine a organisé de nouvelles élections pour les deux institutions. Des centaines de hauts responsables ont été remplacés par de jeunes professionnels formés en Occident et le gouvernement s'efforce à présent fiévreusement de mettre en œuvre des réformes profondes et complètes, dont une nouvelle loi sur les marchés publics et un train de mesures législatives de lutte contre la corruption. Des dizaines d'organismes d'inspection superflus ont été supprimés, réduisant considérablement le fardeau réglementaire. Le mois dernier, le président Petro Porochenko a limogé le gouverneur de la région de Dnipropetrovsk, le magnat milliardaire Igor Kolomoisky.
Plus récemment les autorités ont travaillé à la réforme du secteur de l'énergie : une plaque tournante de la corruption. Le 1er avril, les tarifs du gaz domestique ont quadruplé, les portant à la moitié du prix du marché, en compensation des indemnités prévues allouées aux pauvres. En outre, le Parlement a adopté une loi qui harmonise les normes énergétiques avec celles de l'Union européenne, délimitant ainsi clairement le rôle de l'État et ouvrant le marché du gaz aux investisseurs.
Mais l'Ukraine a encore beaucoup de chemin à faire. La bonne nouvelle est que l'opinion publique comprend et soutient dans une large mesure les efforts de réforme du gouvernement. La mauvaise nouvelle est que l'Ukraine est toujours confrontée à des menaces de déstabilisation considérables, en commencer par une nouvelle offensive militaire russe.
Une attaque russe, par exemple sur Marioupol, deuxième port de l'Ukraine orientale (et qui représente environ un tiers des exportations du pays), pourrait dévaster une économie déjà en chute libre. Malgré plusieurs facteurs (les sanctions occidentales, un manque de soutien public à la guerre en Ukraine et le déclin rapide de l'économie russe), censés décourager le Kremlin de prendre une telle mesure, cela risque bien de ne pas suffire. Après tout, les dirigeants russes se sont montrés imprévisibles.
Même en l'absence de nouvelle agression russe, les difficultés économiques de l'Ukraine pourraient prévenir de nouvelles avancées sur la réforme. L'économie s'est contractée de 6,8% en glissement annuel en 2014 et la production a plongé de 15% sur les deux derniers trimestres. En outre, avec le pays à court de réserves à fin février, la hryvnia (la monnaie ukrainienne) a perdu la moitié de sa valeur : ainsi l'inflation annuelle a bondi à 45% en mars. Une débâcle financière à grande échelle a été évitée seulement parce que le FMI a fourni un décaissement rapide qui a doublé les réserves de l'Ukraine à 9,9 milliards de dollars. A la fin du mois, le taux de change a plus ou moins récupéré.
Le financement international que l'Ukraine a reçu, bien que précieux, reste néanmoins insuffisant pour soutenir la réforme et une reprise véritable. Le dernier programme de plan de sauvetage prévoit environ 40 milliards dollars de financement, dont presque la moitié proviendra du FMI, au cours des quatre prochaines années. Cela signifie que cette année l'Ukraine recevra seulement 10 milliards de dollars, ce qui est insuffisant pour permettre au pays de reconstituer ses réserves et de structurer sa dette.
En effet, compte tenu des importantes dettes obligataires de l'Ukraine, dont beaucoup arriveront à échéance d'ici les deux prochaines années, il y a un déficit de 15,3 milliards de dollars dans le plan de sauvetage, que le FMI et le gouvernement ukrainien cherchent à coupler sur une restructuration de la dette. Mais même s'ils y parviennent, l'Ukraine aura besoin de plus de financement qu'elle n'en reçoit à présent.
Il y a aussi besoin de davantage de soutien stratégique. L'opposition massive des responsables politiques européens à fournir à l'Ukraine des armes défensives est difficile à comprendre. Les dirigeants européens affirment qu'ils veulent éviter de donner à la Russie des raisons d'intensifier sa guerre contre l'Ukraine. Mais cela est déjà le cas et le combat de l'Ukraine contre la Russie est après tout une défense des valeurs européennes fondamentales et donc de l'Europe elle-même. Le drapeau de l'UE recouvrait les cercueils des Ukrainiens tués dans ce combat.
Les dirigeants européens font valoir que le point central de leur politique envers l'Ukraine doit consister à soutenir sa relance économique. Mais là encore, l'Europe fait trop peu, offre des crédits dérisoires de 1,8 milliards d'euros (1,9 milliards de dollars) cette année, quand 10 milliards d'euros seraient plus appropriés. Si les États-Unis coupaient la poire en deux avec l'Europe (au minimum), la crise financière de l'Ukraine pourrait enfin être limitée.
Le 28 avril, le gouvernement de l'Ukraine va accueillir une conférence des donateurs à Kiev. À un moment où les dirigeants du pays et la population sont plus déterminés que jamais à lutter contre la corruption, à mettre au point une économie productrice de richesses et à devenir une démocratie libérale normale, l'Europe devrait s'empresser de lui venir en aide. Il est temps que les politiciens occidentaux se souviennent de leurs idéaux et qu'ils se lèvent pour les défendre.
Anders Åslund, senior fellow au Petersen Institute est l'auteur de Ukraine: What Went Wrong and How to Fix It .