La fécondité ne diminuant que progressivement, la population mozambicaine devrait doubler d'ici 2050, pour atteindre 60 millions, dont 55 % auront moins de 25 ans. Or, le Mozambique est encore loin de la possibilité de saisir cette opportunité démographique, car la croissance démographique continue de dépasser l'expansion des possibilités d'éducation et d'emploi pour les jeunes. Le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) estime que le nombre de 15-24 ans non employés ni scolarisés a augmenté d'un million – a donc plus que doublé – au cours des dix années séparant les recensements de 2007 et 2017.
Pourtant, avec le bon dosage de politiques, le Mozambique peut accélérer sa transition démographique et enregistrer des dividendes économiques importants et durables.
Plus précisément, encourager simultanément des réformes économiques axées sur l'emploi et des investissements dans la planification familiale et l'éducation pourrait mener à un PIB par habitant de plus de 8 000 dollars d'ici 2051, semblable à celui d'un pays à revenu intermédiaire supérieur comme l'Afrique du Sud ou la Namibie. Par rapport à ce résultat, un scénario de statu quo ne prévoyant pas de tels investissements coûterait au pays 6 000 $ par habitant en perte de PIB. Le Mozambique serait également confronté aux coûts économiques et sociaux associés à une dette publique plus élevée, à une pression supplémentaire sur un système de santé déjà surchargé, à une productivité plus faible et à un chômage des jeunes plus élevé.
Une urbanisation menée par les jeunes sera cruciale pour les perspectives d'avenir du Mozambique. L'urbanisation, en particulier si elle est associée à une infrastructure et une allocation de ressources adéquates et bien planifiées, peut enrichir les pays. C'est également un moteur clé de la transition démographique du Mozambique, le taux de fécondité ayant déjà baissé à un rythme beaucoup plus rapide dans les zones urbaines, où il s’établit à 3,6 enfants par femme, que dans les zones rurales du pays, où il reste à 6,1 enfants par femme.
Le gouvernement doit investir massivement dans les jeunes maintenant s’il veut en récolter les bénéfices à long terme. L'augmentation des dépenses consacrées à la santé sexuelle et reproductive des adolescents sera cruciale. Les investissements qui créent une demande pour de tels services doivent être complétés par une augmentation simultanée de leur offre, qui soit capable de résister aux augmentations tendancielles comme aux chocs, depuis l'urbanisation jusqu’aux catastrophes liées au climat, qui continuent d'affecter le pays.
L'éducation à la sexualité et à la santé reproductive est essentielle pour générer une demande de services tels que la planification familiale. Les programmes scolaires complets d'éducation sexuelle ont conduit à une augmentation de l'utilisation de la contraception et du préservatif, et ont retardé les premiers rapports sexuels, entre autres résultats notables. Mais les décideurs politiques doivent envisager des moyens technologiques ou d'autres moyens innovants de dispenser cette éducation rapidement et efficacement.
Depuis 2019, les jeunes créateurs mozambicains de l'application mobile Dika ont fourni des informations géospatiales sur les services adaptés aux jeunes et des conseils opportuns liés à la santé sexuelle et reproductive. Dika est une innovation qui a étendu ses services en 2020 pour incorporer du contenu lié à la COVID-19, développé par et pour les jeunes, afin d'aider à aplatir la courbe d'infection du Mozambique.
Néanmoins, les compétences numériques restent faibles au Mozambique. Seulement 7 % de la population – 15 % dans les zones urbaines et 2 % dans les régions rurales – utilisent régulièrement Internet. Et seulement 22% des femmes ont accès à un téléphone portable.
Il existe pourtant plusieurs manières innovantes d'étendre la distribution des services de santé reproductive. Il s'agit notamment d'utiliser des drones ou de chaînes d'approvisionnement du secteur privé pour fournir des fournitures médicales, d’augmenter l'utilisation de la télémédecine grâce à des solutions informatiques telles que l'intelligence artificielle, et de rendre les contraceptifs injectables plus largement disponibles.
Au Mozambique, l'UNFPA soutient les efforts visant à élargir l'accès aux méthodes modernes de planification familiale, en particulier les injections contraceptives que les filles dans les zones difficiles d'accès peuvent administrer facilement et en toute sécurité. Cette initiative est susceptible de réussir, étant donné que 45% des utilisatrices de contraceptifs modernes au Mozambique utilisent déjà des injectables – une option beaucoup plus populaire et discrète que la pilule ou les implants.
Enfin, les données – ventilées par âge et par sexe – restent vitales pour développer un système de santé plus réactif et résilient. Dans un pays où le mariage et l'activité sexuelle peuvent commencer dès l'âge de dix ans et où plus d'une fille sur trois âgée de 15 à 19 ans a donné naissance à au moins un enfant, le manque de données ventilées peut rendre les filles et les jeunes invisibles.
Les projections de l'ONU montrent que la demande de contraception au Mozambique dépassera les cinq millions d'utilisateurs d'ici 2030. Malgré les progrès du pays dans la réduction des besoins non satisfaits en matière de planification familiale, les réductions de financement mondiales récemment annoncées pour UNFPA Supplies – le partenariat phare de l'agence pour les produits de santé reproductive, y compris les préservatifs et les implants contraceptifs pour la planification familiale – sont préoccupantes.
Ces réductions de financement augmentent le déficit existant de fourniture de planification familiale dans le pays. Sur la base de la situation globale du financement des contraceptifs au Mozambique à la mi-juin, l'UNFPA estime (en utilisant les données de Family Planning 2020) que la baisse du nombre d'utilisatrices de contraceptifs au cours des trois prochaines années pourrait entraîner plus de 177 000 avortements à risque et 1 800 décès maternels.
Alors que le Mozambique entre dans une décennie potentiellement transformatrice, il est essentiel de considérer la démographie du pays non seulement comme une opportunité de développement économique, mais aussi en termes de perspectives de vie des adolescentes. Cela commence par leur accès équitable aux services de santé sexuelle et reproductive, et donc leur capacité à prendre en charge leur corps et leur avenir.
La réalisation de ces objectifs nécessitera des investissements concertés, de l'innovation et de nouvelles formes de partenariats. La population jeune en plein essor du Mozambique est dans une course contre la montre. Libérer son potentiel – surtout en réduisant son taux de fécondité – peut ouvrir la voie à d'énormes gains socio-économiques, tout comme dans d’autres pays d’Afrique et au-delà.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Andrea M. Wojnar, est représentant du United Nations Population Fund pour le Mozambique, et ancien représentant UNFPA au Sénégal et directeur pays pour la Gambie.
© Project Syndicate 1995–2021
Pourtant, avec le bon dosage de politiques, le Mozambique peut accélérer sa transition démographique et enregistrer des dividendes économiques importants et durables.
Plus précisément, encourager simultanément des réformes économiques axées sur l'emploi et des investissements dans la planification familiale et l'éducation pourrait mener à un PIB par habitant de plus de 8 000 dollars d'ici 2051, semblable à celui d'un pays à revenu intermédiaire supérieur comme l'Afrique du Sud ou la Namibie. Par rapport à ce résultat, un scénario de statu quo ne prévoyant pas de tels investissements coûterait au pays 6 000 $ par habitant en perte de PIB. Le Mozambique serait également confronté aux coûts économiques et sociaux associés à une dette publique plus élevée, à une pression supplémentaire sur un système de santé déjà surchargé, à une productivité plus faible et à un chômage des jeunes plus élevé.
Une urbanisation menée par les jeunes sera cruciale pour les perspectives d'avenir du Mozambique. L'urbanisation, en particulier si elle est associée à une infrastructure et une allocation de ressources adéquates et bien planifiées, peut enrichir les pays. C'est également un moteur clé de la transition démographique du Mozambique, le taux de fécondité ayant déjà baissé à un rythme beaucoup plus rapide dans les zones urbaines, où il s’établit à 3,6 enfants par femme, que dans les zones rurales du pays, où il reste à 6,1 enfants par femme.
Le gouvernement doit investir massivement dans les jeunes maintenant s’il veut en récolter les bénéfices à long terme. L'augmentation des dépenses consacrées à la santé sexuelle et reproductive des adolescents sera cruciale. Les investissements qui créent une demande pour de tels services doivent être complétés par une augmentation simultanée de leur offre, qui soit capable de résister aux augmentations tendancielles comme aux chocs, depuis l'urbanisation jusqu’aux catastrophes liées au climat, qui continuent d'affecter le pays.
L'éducation à la sexualité et à la santé reproductive est essentielle pour générer une demande de services tels que la planification familiale. Les programmes scolaires complets d'éducation sexuelle ont conduit à une augmentation de l'utilisation de la contraception et du préservatif, et ont retardé les premiers rapports sexuels, entre autres résultats notables. Mais les décideurs politiques doivent envisager des moyens technologiques ou d'autres moyens innovants de dispenser cette éducation rapidement et efficacement.
Depuis 2019, les jeunes créateurs mozambicains de l'application mobile Dika ont fourni des informations géospatiales sur les services adaptés aux jeunes et des conseils opportuns liés à la santé sexuelle et reproductive. Dika est une innovation qui a étendu ses services en 2020 pour incorporer du contenu lié à la COVID-19, développé par et pour les jeunes, afin d'aider à aplatir la courbe d'infection du Mozambique.
Néanmoins, les compétences numériques restent faibles au Mozambique. Seulement 7 % de la population – 15 % dans les zones urbaines et 2 % dans les régions rurales – utilisent régulièrement Internet. Et seulement 22% des femmes ont accès à un téléphone portable.
Il existe pourtant plusieurs manières innovantes d'étendre la distribution des services de santé reproductive. Il s'agit notamment d'utiliser des drones ou de chaînes d'approvisionnement du secteur privé pour fournir des fournitures médicales, d’augmenter l'utilisation de la télémédecine grâce à des solutions informatiques telles que l'intelligence artificielle, et de rendre les contraceptifs injectables plus largement disponibles.
Au Mozambique, l'UNFPA soutient les efforts visant à élargir l'accès aux méthodes modernes de planification familiale, en particulier les injections contraceptives que les filles dans les zones difficiles d'accès peuvent administrer facilement et en toute sécurité. Cette initiative est susceptible de réussir, étant donné que 45% des utilisatrices de contraceptifs modernes au Mozambique utilisent déjà des injectables – une option beaucoup plus populaire et discrète que la pilule ou les implants.
Enfin, les données – ventilées par âge et par sexe – restent vitales pour développer un système de santé plus réactif et résilient. Dans un pays où le mariage et l'activité sexuelle peuvent commencer dès l'âge de dix ans et où plus d'une fille sur trois âgée de 15 à 19 ans a donné naissance à au moins un enfant, le manque de données ventilées peut rendre les filles et les jeunes invisibles.
Les projections de l'ONU montrent que la demande de contraception au Mozambique dépassera les cinq millions d'utilisateurs d'ici 2030. Malgré les progrès du pays dans la réduction des besoins non satisfaits en matière de planification familiale, les réductions de financement mondiales récemment annoncées pour UNFPA Supplies – le partenariat phare de l'agence pour les produits de santé reproductive, y compris les préservatifs et les implants contraceptifs pour la planification familiale – sont préoccupantes.
Ces réductions de financement augmentent le déficit existant de fourniture de planification familiale dans le pays. Sur la base de la situation globale du financement des contraceptifs au Mozambique à la mi-juin, l'UNFPA estime (en utilisant les données de Family Planning 2020) que la baisse du nombre d'utilisatrices de contraceptifs au cours des trois prochaines années pourrait entraîner plus de 177 000 avortements à risque et 1 800 décès maternels.
Alors que le Mozambique entre dans une décennie potentiellement transformatrice, il est essentiel de considérer la démographie du pays non seulement comme une opportunité de développement économique, mais aussi en termes de perspectives de vie des adolescentes. Cela commence par leur accès équitable aux services de santé sexuelle et reproductive, et donc leur capacité à prendre en charge leur corps et leur avenir.
La réalisation de ces objectifs nécessitera des investissements concertés, de l'innovation et de nouvelles formes de partenariats. La population jeune en plein essor du Mozambique est dans une course contre la montre. Libérer son potentiel – surtout en réduisant son taux de fécondité – peut ouvrir la voie à d'énormes gains socio-économiques, tout comme dans d’autres pays d’Afrique et au-delà.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Andrea M. Wojnar, est représentant du United Nations Population Fund pour le Mozambique, et ancien représentant UNFPA au Sénégal et directeur pays pour la Gambie.
© Project Syndicate 1995–2021