Éclairer l’Afrique : le pouvoir transformateur de la Mission 300

Lundi 27 Janvier 2025

En Afrique, près de 600 millions de personnes vivent dans la précarité énergétique, privées d’un accès fiable à l’électricité, condition essentielle à la vie moderne. Cette statistique stupéfiante ne se résume pas à un manque d’électricité. Elle se traduit par des opportunités limitées en matière d’éducation, de soins de santé, d’égalité des genres et de croissance économique.


Le complexe NOOR Ouarzazate, au Maroc, est l’une des plus grandes installations de production d’énergie solaire en Afrique, démontrant l’engagement de la région en faveur des énergies renouvelables
Le complexe NOOR Ouarzazate, au Maroc, est l’une des plus grandes installations de production d’énergie solaire en Afrique, démontrant l’engagement de la région en faveur des énergies renouvelables
La Mission 300, une initiative audacieuse portée par le Groupe de la Banque africaine de développement et le Groupe de la Banque mondiale, en collaboration avec des partenaires clés, vise à changer cette situation en offrant un premier accès à l’électricité à 300 millions d’Africains d’ici à 2030. Le Sommet africain de l’énergie, prévu à Dar es Salam les 27 et 28 janvier 2025, constitue une étape clé de cet effort baptisé « Mission 300 ».
 
L’importance de l’accès à l’énergie
 
L’énergie est le moteur du développement. Sans une électricité abordable, fiable et durable, l’Afrique ne peut ni réaliser ses aspirations en matière de développement ni s’assurer la place qui lui revient dans l’économie mondiale. L’accès à l’énergie est la pierre angulaire de la transformation économique, ouvrant la voie à l’éducation, aux soins de santé et à la génération de revenus.
 
En outre, il favorise l’égalité des genres en réduisant le temps que les femmes consacrent à des tâches laborieuses et chronophages telles que la cuisine avec des combustibles traditionnels ou la collecte de bois de chauffage. Le succès de la Mission 300 ne se limite donc pas à l’électrification ; il s’agit de sauver et d’autonomiser des vies et des communautés. Il s’agit également de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de préserver la biodiversité.
 
Cependant, le chemin à parcourir s’avère ardu. Au rythme actuel de l’électrification, conjugué à la croissance rapide de la population africaine, le nombre de personnes vivant sans accès à l’électricité pourrait demeurer largement inchangé. Il est donc impératif d’agir, et la Mission 300 fournit une feuille de route pour parvenir à un accès universel à l’énergie d’ici à 2030, conformément à l’Objectif de développement durable n°7 des Nations unies et à l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
 
Le rôle de la Mission 300
 
La Mission 300 investira dans la construction et la réhabilitation de nouvelles capacités de production, de réseaux de transport, y compris les interconnexions régionales et intrarégionales, ainsi que de réseaux de distribution afin de bâtir des systèmes électriques robustes et fiables. Elle sera complétée par des réformes dans le secteur de l’énergie pour garantir l’accessibilité et la durabilité du service d’électricité et la viabilité financière des services publics, tandis que les partenariats avec le secteur privé aideront à mobiliser des financements à la vitesse et à l’échelle requises.
 
Outre l’accès à l’électricité à partir de systèmes électriques interconnectés, la vision transformatrice de la Mission 300 donnera la priorité aux mini-réseaux et aux systèmes solaires domestiques autonomes pour fournir de l’électricité aux régions et aux communautés mal desservies, notamment dans les zones fragiles et reculées où l’extension du réseau interconnecté est difficilement réalisable. Ces solutions d’énergie renouvelable distribuée (ERD) sont faciles à déployer, rapides, rentables, modulaires et durables, et elles peuvent garantir qu’aucune communauté ne soit laissée pour compte dans le cadre de la Mission 300. Les solutions ERD devraient représenter plus de 50 % des nouvelles connexions d’ici à 2030.
 
Un moment décisif : le Sommet africain de l’énergie
 
Le prochain Sommet africain de l’énergie à Dar es Salam sera un moment décisif pour la Mission 300. Organisé par le gouvernement de la République-Unie de Tanzanie, l’Union africaine, le Groupe de la Banque africaine de développement, le Groupe de la Banque mondiale et l’Union africaine, le sommet réunira plus de 25 chefs d’État et de gouvernement, des responsables d’organisations internationales, dont des banques, des experts en énergie et des dirigeants du secteur privé pour tracer une voie commune vers l’accès universel à l’énergie.
 
Les principaux résultats du sommet incluent l’adoption de la Déclaration de Dar es Salam sur l’énergie par l’ensemble du continent ainsi que douze pactes nationaux pour l’énergie élaborés conjointement par les pays et les partenaires de la Mission 300. La Déclaration de Dar es Salam sur l’énergie présentera les engagements en matière de réformes et d’actions nécessaires pour réaliser la Mission 300, tandis que les douze pactes nationaux pour l’énergie s’appuieront sur les principes de la Déclaration pour établir des actions et des mesures concrètes spécifiques à chaque pays en vue d’accélérer l’accès à l’électricité, dont des plans d’expansion électrique à moindre coût, la fourniture d’un accès au dernier kilomètre grâce au réseau et aux énergies renouvelables distribuées, la mise en place de systèmes énergétiques financièrement viables, l’interconnexion régionale et la promotion de la participation du secteur privé dans le secteur de l’énergie. Les douze pays qui présenteront des pactes pour l’énergie représentent près de la moitié de la population mondiale qui n’a pas accès à l’électricité.
 
Un autre résultat important sera l’adhésion de nouveaux partenaires à la Mission 300. Plusieurs partenaires devraient annoncer l’octroi de ressources financières et d’une aide technique supplémentaires en vue de la réalisation de l’objectif de la Mission 300.
 
Pourquoi maintenant ?
 
Premièrement, c’est l’objectif commun et le leadership visionnaire des présidents du Groupe de la Banque africaine de développement et du Groupe de la Banque mondiale, qui ont conduit à l’élaboration d’une approche structurée pour résoudre définitivement le problème du déficit d’électricité en Afrique, en collaboration avec d’autres partenaires du développement.
 
Deuxièmement, le continent africain est doté de ressources énergétiques abondantes, notamment de sources d’énergie renouvelable, dont 60 % du meilleur potentiel solaire mondial, dont seule une infime partie a été exploitée.
 
Troisièmement, le coût des technologies liées aux énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire, a considérablement diminué ces dernières années, ce qui rend compétitive la production d’électricité à partir de ces sources par rapport aux sources d’énergie conventionnelles. De plus, l’accès aux technologies de l’information et de la communication et leur numérisation permettent aujourd’hui de mettre en place des plateformes de paiement qui prennent en charge les solutions d’énergie renouvelable décentralisée.
 
Combinés les uns aux autres, ces éléments offrent des opportunités sans précédent pour combler le déficit d’accès à l’énergie du continent, tout en adoptant une trajectoire de croissance à faible émission de carbone afin de soutenir les objectifs climatiques de l’Afrique.
 
Un appel à l’action
 
La Mission 300 est plus qu’une initiative énergétique : c’est un impératif moral. Elle constitue un engagement collectif pour sortir des millions de personnes de la pauvreté, favoriser une croissance économique inclusive et créer un avenir résilient et vert.
Son succès dépend néanmoins d’un soutien solide de toutes les parties prenantes : gouvernements, partenaires du développement, secteur privé et société civile. Ensemble, nous devons donner la priorité aux réformes, mobiliser des investissements et tirer parti des partenariats pour transformer le paysage énergétique de l’Afrique.
 
Nous devons tirer parti de ce moment décisif. Le Sommet africain de l’énergie ne doit pas être une simple plateforme de discussion sur l’énergie. Il doit constituer un tournant dans l’accès à l’énergie en Afrique.
 
Travaillons donc à la réalisation de la Mission 300 et éclairons littéralement la vie de millions de personnes, créant ainsi un changement durable qui suscitera une immense fierté chez les générations futures.
 
En conclusion, le chemin à parcourir est peut-être semé d’embûches, mais il est aussi truffé d’opportunités. Avec de la détermination, de l’innovation et de la collaboration, nous pouvons parvenir à un accès universel à l’énergie en Afrique. Le moment est venu pour nous d’écrire l’histoire.
 
Par Kevin Kariuki, vice-président du Groupe de la Banque africaine de développement chargé de l’Électricité, de l’Énergie, du Climat et de la Croissance verte
 
 
Actu-Economie


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