Le géant indien frémit. Avec la chute de sa devise, réapparaît le spectre d'une crise qu'elle avait déjà connue au début en 1991. Le Premier ministre Manmohan Singh, l'a lui-même évoquée, en affirmant que cette nouvelle crise n'était pas du même ordre. Outre, la crise de la roupie, l'Inde connaît un ralentissement - certes relatif - de sa croissance. Dans ce contexte, la question d'avancer les élections générales avant le mois de mai 2014 a de nouveau été évoquée parmi les membres de la classe politique indienne. Comment expliquer cette crise monétaire en passe de se traduire en crise politique ?
· La roupie au plus bas
La devise indienne atteignait lundi son plus bas niveau historique. Ce mardi, un dollar s'échangeait ainsi contre 64,11 roupies au début de la journée. La veille, elle avait déjà crevé le plancher en chutant à 63,22 roupies pour un dollar. Plus largement, en deux ans, la monnaie du pays a perdu plus de 40% de sa valeur depuis juillet 2013.
· Quand la Fed secoue Bombay
Principales causes invoquées par la plupart des analystes : la crainte d'un durcissement attendu de la politique monétaire américaine. L'impact d'une éventuelle fin du programme de rachat d'obligations par la Fed "se fait déjà sentir depuis deux mois", explique Jean-Joseph Boillot, Économiste, conseiller au club du CEPII et auteur avec Stanislas Dembinski de "Chindiafrique" (éd. Odile Jacob).
"Les capitaux hésitent entre les Etats-Unis et le pays émergents", détaille-t-il. "Quand l'inflexion de la politique monétaire américaine a été annoncée, les flux de capitaux se sont reportés vers le dollar", explique l'économiste qui ne voit pas de "raison que cela cesse". La Bourse indienne en fait les frais : "il y a encore un mois, l'indice SENSEX dépassait les 20.000 points", pointe le chercheur. Depuis, cet indice s'effondre. Il ainsi perdu 7% en trois jours, descendant sous les 18.000 points avant de remonter légèrement à la clôture ce mardi.
>> . La Fed s'apprêterait à réexaminer sa politique monétaire, selon un de ses membres
· Des causes structurelles
En Inde " le déficit de la balance des paiements courants est la source de tous les problèmes", insiste Jean-Joseph Boillot. Ce déficit est chiffré à près de 4,5% du produit intérieur brut, selon une note du bureau d'analyse économique de BNP Paribas. A cela, il faut ajouter un contexte de ralentissement relatif de la croissance. Pour l'année 2012-2013, la Banque centrale indienne a ainsi ramené son estimation de croissance de 5,8% à 5,5%. Un niveau bien inférieur aux 9% de hausse du PIB qu'a connu le pays au cours des années précédentes. En outre, "même dans le domaine de l'investissement direct étranger, on sent une hésitation. Dès lors que la campagne électorale est tendue, ces investisseurs peuvent s'inquiéter d'un changement de cap", indique l'économiste du Centre d'études prospectives et d'informations internationales.
· Que peut faire la banque centrale indienne?
Face à cette situation la Banque centrale indienne (RBI) disposerait de peu de marges de manœuvre. Celle-ci est "très gênée car une politique de contrôle de la masse monétaire peut avoir un impact négatif sur la croissance et l'investissement. Elle est donc obligée d'agir par petits coups. Et pour l'instant elle ne s'en sort pas trop mal", estime Jean-Joseph Boillot. La RBI a par exemple tenté d'enrayer le recul de la roupie en interdisant par exemple les importations d'or, en limitant à 75.000 dollars par an au lieu de 200.000 la somme que peuvent sortir les Indiens du pays mais aussi en contrôlant les achats immobiliers à l'étranger.
· Les autres pays émergents concernés, l'Indonésie très vulnérable
L'Inde n'est pas la seule à ressentir les effets des prévisions des investisseurs au sujet de la politique monétaire américaine. D'autres monnaies des pays émergents ont également été affectées, notamment le réal brésilien ou la roupie indonésienne.
L'Indonésie, comme l'Inde, est d'autant plus vulnérable que le déficit de ses comptes courants est élevé (4,4% du PIB au deuxième trimestre). Dans une note citée par Reuters, la banque Crédit Suisse s'inquiète : "Bien que le niveau actuel des réserves reste équivalant au niveau appréciable de 5,5 mois d'importations, la banque ne peut pas continuer à brûler ses réserves au rythme actuel sans que les marchés s'inquiètent du déclenchement d'un scénario de crise".
Enfin, plus largement, pour certains analystes la crise elle-même risquerait d'amplifier ces phénomènes. "L'Inde n'a aucun rôle d'entraînement dans la région puisque cette situation a pour conséquence d'affaiblir l'économie, il existe en revanche des risques de contagion indirecte dans les autres pays émergents, notamment la Chine", juge Jean-Joseph Boillot qui conclut :"Au G20, se posera la question du poids trop important que prend la politique monétaire américaine."
La tribune.fr
· La roupie au plus bas
La devise indienne atteignait lundi son plus bas niveau historique. Ce mardi, un dollar s'échangeait ainsi contre 64,11 roupies au début de la journée. La veille, elle avait déjà crevé le plancher en chutant à 63,22 roupies pour un dollar. Plus largement, en deux ans, la monnaie du pays a perdu plus de 40% de sa valeur depuis juillet 2013.
· Quand la Fed secoue Bombay
Principales causes invoquées par la plupart des analystes : la crainte d'un durcissement attendu de la politique monétaire américaine. L'impact d'une éventuelle fin du programme de rachat d'obligations par la Fed "se fait déjà sentir depuis deux mois", explique Jean-Joseph Boillot, Économiste, conseiller au club du CEPII et auteur avec Stanislas Dembinski de "Chindiafrique" (éd. Odile Jacob).
"Les capitaux hésitent entre les Etats-Unis et le pays émergents", détaille-t-il. "Quand l'inflexion de la politique monétaire américaine a été annoncée, les flux de capitaux se sont reportés vers le dollar", explique l'économiste qui ne voit pas de "raison que cela cesse". La Bourse indienne en fait les frais : "il y a encore un mois, l'indice SENSEX dépassait les 20.000 points", pointe le chercheur. Depuis, cet indice s'effondre. Il ainsi perdu 7% en trois jours, descendant sous les 18.000 points avant de remonter légèrement à la clôture ce mardi.
>> . La Fed s'apprêterait à réexaminer sa politique monétaire, selon un de ses membres
· Des causes structurelles
En Inde " le déficit de la balance des paiements courants est la source de tous les problèmes", insiste Jean-Joseph Boillot. Ce déficit est chiffré à près de 4,5% du produit intérieur brut, selon une note du bureau d'analyse économique de BNP Paribas. A cela, il faut ajouter un contexte de ralentissement relatif de la croissance. Pour l'année 2012-2013, la Banque centrale indienne a ainsi ramené son estimation de croissance de 5,8% à 5,5%. Un niveau bien inférieur aux 9% de hausse du PIB qu'a connu le pays au cours des années précédentes. En outre, "même dans le domaine de l'investissement direct étranger, on sent une hésitation. Dès lors que la campagne électorale est tendue, ces investisseurs peuvent s'inquiéter d'un changement de cap", indique l'économiste du Centre d'études prospectives et d'informations internationales.
· Que peut faire la banque centrale indienne?
Face à cette situation la Banque centrale indienne (RBI) disposerait de peu de marges de manœuvre. Celle-ci est "très gênée car une politique de contrôle de la masse monétaire peut avoir un impact négatif sur la croissance et l'investissement. Elle est donc obligée d'agir par petits coups. Et pour l'instant elle ne s'en sort pas trop mal", estime Jean-Joseph Boillot. La RBI a par exemple tenté d'enrayer le recul de la roupie en interdisant par exemple les importations d'or, en limitant à 75.000 dollars par an au lieu de 200.000 la somme que peuvent sortir les Indiens du pays mais aussi en contrôlant les achats immobiliers à l'étranger.
· Les autres pays émergents concernés, l'Indonésie très vulnérable
L'Inde n'est pas la seule à ressentir les effets des prévisions des investisseurs au sujet de la politique monétaire américaine. D'autres monnaies des pays émergents ont également été affectées, notamment le réal brésilien ou la roupie indonésienne.
L'Indonésie, comme l'Inde, est d'autant plus vulnérable que le déficit de ses comptes courants est élevé (4,4% du PIB au deuxième trimestre). Dans une note citée par Reuters, la banque Crédit Suisse s'inquiète : "Bien que le niveau actuel des réserves reste équivalant au niveau appréciable de 5,5 mois d'importations, la banque ne peut pas continuer à brûler ses réserves au rythme actuel sans que les marchés s'inquiètent du déclenchement d'un scénario de crise".
Enfin, plus largement, pour certains analystes la crise elle-même risquerait d'amplifier ces phénomènes. "L'Inde n'a aucun rôle d'entraînement dans la région puisque cette situation a pour conséquence d'affaiblir l'économie, il existe en revanche des risques de contagion indirecte dans les autres pays émergents, notamment la Chine", juge Jean-Joseph Boillot qui conclut :"Au G20, se posera la question du poids trop important que prend la politique monétaire américaine."
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