Le mardi 12 avril 2005, Txema Gisasola comptait sans doute parmi les plus heureux des hommes, en tout cas au sein du groupe coopératif Mondragón. Son entreprise, Fagor Electrodomésticos, venait de racheter son concurrent français Brandt et ainsi de doubler sa taille, pour la modique somme de 162 millions d'euros - un montant qui devait par la suite se révéler excessif et que la coopérative d'Arrasate [nom basque de la commune de Mondragón] allait traîner comme un boulet.
Ce jour-là, Gisasola est devenu directeur des "Projets stratégiques et culture d'entreprise" au sein du groupe Fagor. Il n'a ensuite pas cessé de gravir les échelons, jusqu'à devenir numéro un du fabricant d'électroménager et, en janvier 2012, président du conseil général [en charge de la stratégie] du groupe Mondragón. Aujourd'hui, on cherche les responsables de la débâcle de la coopérative, et beaucoup montrent du doigt Txema Gisasola. Lui n'est plus un homme heureux, et ceux qui le connaissent le disent abattu.
La chute de Fagor a en réalité des causes multiples. A commencer par l'argent qui coulait à flots au moment du rachat de Brandt - c'est un péché extrêmement fréquent dans ces cas-là. La bulle immobilière continuait d'enfler, et l'Espagne construisait 700 000 appartements par an : autant de logements qu'il fallait équiper, et qui s'équipaient très souvent de produits Fagor.
C'est à partir de la fin 2007, puis surtout en 2008, qui fut la dernière année bénéficiaire pour l'entreprise, que tout s'est révélé n'être qu'un mirage. La bulle a éclaté brutalement, entraînant une chute irrémédiable des ventes, mais aussi un bouclage complet des marchés financiers. Cependant, la force d'inertie était puissante, et sur le moment, Fagor, dans son élan de croissance, pouvait s'enorgueillir de sa cinquième place dans le secteur européen des fabricants d'électroménager.
De vieilles habitudes inefficaces
Une expansion mal maîtrisée en Chine (certains estiment que l'internationalisation de l'entreprise a été le fait d'"amateurs") et de lourds investissements en Pologne (marché sur lequel Fagor est entrée vers 1999) ont achevé d'alourdir l'entreprise basque, qui n'a pas su réagir à temps. Quand elle a voulu se mettre à courir, elle n'en était plus capable. Et d'autant moins que cette entreprise, comme l'ensemble de la coopérative Mondragón, devait passer par des assemblées de sociétaires pour la moindre décision (c'est l'essence même de l'esprit coopératif, l'exercice de la propriété collective), et qu'elle pâtissait de vieilles habitudes devenues inefficaces.
Parmi ces vieilles habitudes, il y avait l'idée, enracinée dans le personnel mais aussi chez les gérants, que le groupe serait toujours là pour dispenser ses attentions et, surtout, de l'argent de celle qui était après tout le "joyau de la couronne". La vraie révolution qui a scellé la crise de Fagor, ce fut précisément quand "papa Mondragón" a pour la première fois de son histoire décidé de regarder d'autres de ses "enfants"- d'autres coopératives qui en ont eu assez de déverser de l'argent pour tenter de combler un trou insondable.
Courrier international
Ce jour-là, Gisasola est devenu directeur des "Projets stratégiques et culture d'entreprise" au sein du groupe Fagor. Il n'a ensuite pas cessé de gravir les échelons, jusqu'à devenir numéro un du fabricant d'électroménager et, en janvier 2012, président du conseil général [en charge de la stratégie] du groupe Mondragón. Aujourd'hui, on cherche les responsables de la débâcle de la coopérative, et beaucoup montrent du doigt Txema Gisasola. Lui n'est plus un homme heureux, et ceux qui le connaissent le disent abattu.
La chute de Fagor a en réalité des causes multiples. A commencer par l'argent qui coulait à flots au moment du rachat de Brandt - c'est un péché extrêmement fréquent dans ces cas-là. La bulle immobilière continuait d'enfler, et l'Espagne construisait 700 000 appartements par an : autant de logements qu'il fallait équiper, et qui s'équipaient très souvent de produits Fagor.
C'est à partir de la fin 2007, puis surtout en 2008, qui fut la dernière année bénéficiaire pour l'entreprise, que tout s'est révélé n'être qu'un mirage. La bulle a éclaté brutalement, entraînant une chute irrémédiable des ventes, mais aussi un bouclage complet des marchés financiers. Cependant, la force d'inertie était puissante, et sur le moment, Fagor, dans son élan de croissance, pouvait s'enorgueillir de sa cinquième place dans le secteur européen des fabricants d'électroménager.
De vieilles habitudes inefficaces
Une expansion mal maîtrisée en Chine (certains estiment que l'internationalisation de l'entreprise a été le fait d'"amateurs") et de lourds investissements en Pologne (marché sur lequel Fagor est entrée vers 1999) ont achevé d'alourdir l'entreprise basque, qui n'a pas su réagir à temps. Quand elle a voulu se mettre à courir, elle n'en était plus capable. Et d'autant moins que cette entreprise, comme l'ensemble de la coopérative Mondragón, devait passer par des assemblées de sociétaires pour la moindre décision (c'est l'essence même de l'esprit coopératif, l'exercice de la propriété collective), et qu'elle pâtissait de vieilles habitudes devenues inefficaces.
Parmi ces vieilles habitudes, il y avait l'idée, enracinée dans le personnel mais aussi chez les gérants, que le groupe serait toujours là pour dispenser ses attentions et, surtout, de l'argent de celle qui était après tout le "joyau de la couronne". La vraie révolution qui a scellé la crise de Fagor, ce fut précisément quand "papa Mondragón" a pour la première fois de son histoire décidé de regarder d'autres de ses "enfants"- d'autres coopératives qui en ont eu assez de déverser de l'argent pour tenter de combler un trou insondable.
Courrier international