Au niveau mondial, il existe 30.000 plantes connues à partir desquelles nous pouvons nous alimenter", souligne Roberto Burdese, président de Slow Food Italie. (Crédits : Slow Food)
80 pavillons au design futuriste étalés sur un million de mètres carrés, 150 restaurants, des partenaires tels que McDonalds et Coca-Cola et 2,5 milliards d'euros dépensés pour le chantier: l'exposition universelle 2015, qui a ouvert ses portes à Milan le 1er mai, est loin de faire consensus. La cohérence de la formule retenue par les organisateurs par rapport au thème officiel de l'événement "Nourrir la planète - Energie pour la vie", fait notamment débat. Parmi les voix critiques, Slow Food, association créée en 1989 en Italie en réaction à l'essor de la restauration rapide, et qui se bat désormais internationalement pour rétablir un lien entre le plaisir de la nourriture d'une part et, de l'autre, le respect de l'environnement comme des communautés de producteurs. Roberto Burdese, président de l'antenne italienne et présent sur le pavillon de Slow Food à l'Expo, a expliqué à La Tribune le point de vue de l'association.
La Tribune: De quelle façon avez-vous contribué au choix du thème de l'Expo 2015?
Roberto Burdese: "Dès la présentation de la candidature de la ville de Milan, en 2006, nous avons été consultés, et nous avons continué à être beaucoup sollicités aussi ensuite. C'est un paradoxe car le résultat final n'a rien à voir avec ce que nous préconisions, et n'a à nos yeux aucun sens. Les dynamiques propres à la politique italienne, mais aussi inhérentes à toutes les expositions universelles, ont eu le dessus."
La Tribune: Comment imaginiez-vous "l'Expo?
Roberto Burdese: "Pour nous, il s'agissait de véritablement illustrer l'interrogation qui concerne l'humanité entière de "comment nourrir la planète". Nous avions dessiné l'Expo telle qu'elle aurait eu un sens pour nous: chaque pays aurait présenté, dans un potager s'ouvrant sur l'axe principal de l'exposition, les produits que sa terre peut lui fournir pour nourrir sa population tous les jours. Au niveau mondial, il existe 30.000 plantes connues à partir desquelles nous pouvons nous alimenter.
D'éventuels pavillons auraient pu être construits afin d'illustrer les modes d'élaboration d'aliments typiques: ils auraient ainsi pu être maintenus après la fin de l'Expo et devenir des laboratoires permanents, alors que le potager planétaire aurait pu être transformé en parc public. L'ensemble aurait coûté à chaque exposant beaucoup moins que la plupart des pavillons construits aujourd'hui. Mais notre idée n'a pas été retenue, et cela non pas pour des raisons techniques : selon le secrétaire du Bureau international de l'exposition, Vicente Loscertales, il n'était pas vraisemblable de "penser que 150.000 visiteurs viennent chaque jour à Milan juste pour voir comment se cultivent les aubergines du Togo".
La Tribune: Pourquoi êtes-vous néanmoins présents à l'événement?
Roberto Burdese: "Nous avons finalement fait ce choix il y a deux ans, afin que les sujets qui nous sont chers soient au moins abordés quelque part dans le cadre de l'Expo. Aucun pavillon ne s'y penche, sauf en partie celui du Vatican, qui ose faire référence aux "conflits" liés à la nourriture.
A travers nos installations, nous essayons notamment de montrer que la solution pour "Nourrir la planète", avec des aliments sains et respectueux de l'homme comme de la nature, consiste à miser sur la biodiversité. Nous voudrions que ceux qui entrent dans notre pavillon comme spectateurs, en ressortent avec la conscience qu'ils peuvent désormais être acteurs, puisque chacun peut déclencher le changement grâce à ses choix. Il y a urgence, car en Afrique par exemple la globalisation a rasé des systèmes agricoles ancestraux entiers qui constituaient la base de l'alimentation locale.
La possibilité de déguster dans notre pavillon certains des vins et fromages qui correspondent à notre philosophie vient en complément, afin de confirmer notre propos. Ils incarnent la biodiversité -l'Italie compte encore 600 vignes cultivées différentes!- mais aussi la passion que peut susciter la nourriture, et qui est le meilleur vecteur du changement. Sans toutefois oublier qu'au quotidien, c'est la diversité des produits de saison issus du potager qui constitue la base d'une alimentation saine et soutenable: c'est pourquoi ils sont au centre de nôtre pavillon."
La Tribune: Comment répondre à ceux qui critiquent votre décision d'être ici?
Roberto Burdese: "Notre choix d'être présents à l'Expo malgré notre déception a fait l'objet de critiques compréhensibles de la part des mouvements les plus radicaux. Nous avons d'ailleurs eu la mauvaise surprise de découvrir que McDonalds non seulement est présent, mais qu'il est aussi logé à une centaine de mètres de notre pavillon. J'encourage tous les visiteurs à aller leur demander comment ils font pour vendre un hamburger à 1,30 euro...
Cependant, et bien que nous ayons été placés à l'opposé de l'entrée principale, nous recevons beaucoup de visiteurs et de commentaires positifs. Noua avons par ailleurs décidé d'organiser à Milan en octobre un événement parallèle: une réunion des jeunes paysans, pêcheurs, artisans etc. de notre réseau Terra Madre. Ils sont les vrais protagonistes de la question de comment "nourrir la planète". Et si personne ne leur donne la parole, nous le ferons."
Latribune.fr
La Tribune: De quelle façon avez-vous contribué au choix du thème de l'Expo 2015?
Roberto Burdese: "Dès la présentation de la candidature de la ville de Milan, en 2006, nous avons été consultés, et nous avons continué à être beaucoup sollicités aussi ensuite. C'est un paradoxe car le résultat final n'a rien à voir avec ce que nous préconisions, et n'a à nos yeux aucun sens. Les dynamiques propres à la politique italienne, mais aussi inhérentes à toutes les expositions universelles, ont eu le dessus."
La Tribune: Comment imaginiez-vous "l'Expo?
Roberto Burdese: "Pour nous, il s'agissait de véritablement illustrer l'interrogation qui concerne l'humanité entière de "comment nourrir la planète". Nous avions dessiné l'Expo telle qu'elle aurait eu un sens pour nous: chaque pays aurait présenté, dans un potager s'ouvrant sur l'axe principal de l'exposition, les produits que sa terre peut lui fournir pour nourrir sa population tous les jours. Au niveau mondial, il existe 30.000 plantes connues à partir desquelles nous pouvons nous alimenter.
D'éventuels pavillons auraient pu être construits afin d'illustrer les modes d'élaboration d'aliments typiques: ils auraient ainsi pu être maintenus après la fin de l'Expo et devenir des laboratoires permanents, alors que le potager planétaire aurait pu être transformé en parc public. L'ensemble aurait coûté à chaque exposant beaucoup moins que la plupart des pavillons construits aujourd'hui. Mais notre idée n'a pas été retenue, et cela non pas pour des raisons techniques : selon le secrétaire du Bureau international de l'exposition, Vicente Loscertales, il n'était pas vraisemblable de "penser que 150.000 visiteurs viennent chaque jour à Milan juste pour voir comment se cultivent les aubergines du Togo".
La Tribune: Pourquoi êtes-vous néanmoins présents à l'événement?
Roberto Burdese: "Nous avons finalement fait ce choix il y a deux ans, afin que les sujets qui nous sont chers soient au moins abordés quelque part dans le cadre de l'Expo. Aucun pavillon ne s'y penche, sauf en partie celui du Vatican, qui ose faire référence aux "conflits" liés à la nourriture.
A travers nos installations, nous essayons notamment de montrer que la solution pour "Nourrir la planète", avec des aliments sains et respectueux de l'homme comme de la nature, consiste à miser sur la biodiversité. Nous voudrions que ceux qui entrent dans notre pavillon comme spectateurs, en ressortent avec la conscience qu'ils peuvent désormais être acteurs, puisque chacun peut déclencher le changement grâce à ses choix. Il y a urgence, car en Afrique par exemple la globalisation a rasé des systèmes agricoles ancestraux entiers qui constituaient la base de l'alimentation locale.
La possibilité de déguster dans notre pavillon certains des vins et fromages qui correspondent à notre philosophie vient en complément, afin de confirmer notre propos. Ils incarnent la biodiversité -l'Italie compte encore 600 vignes cultivées différentes!- mais aussi la passion que peut susciter la nourriture, et qui est le meilleur vecteur du changement. Sans toutefois oublier qu'au quotidien, c'est la diversité des produits de saison issus du potager qui constitue la base d'une alimentation saine et soutenable: c'est pourquoi ils sont au centre de nôtre pavillon."
La Tribune: Comment répondre à ceux qui critiquent votre décision d'être ici?
Roberto Burdese: "Notre choix d'être présents à l'Expo malgré notre déception a fait l'objet de critiques compréhensibles de la part des mouvements les plus radicaux. Nous avons d'ailleurs eu la mauvaise surprise de découvrir que McDonalds non seulement est présent, mais qu'il est aussi logé à une centaine de mètres de notre pavillon. J'encourage tous les visiteurs à aller leur demander comment ils font pour vendre un hamburger à 1,30 euro...
Cependant, et bien que nous ayons été placés à l'opposé de l'entrée principale, nous recevons beaucoup de visiteurs et de commentaires positifs. Noua avons par ailleurs décidé d'organiser à Milan en octobre un événement parallèle: une réunion des jeunes paysans, pêcheurs, artisans etc. de notre réseau Terra Madre. Ils sont les vrais protagonistes de la question de comment "nourrir la planète". Et si personne ne leur donne la parole, nous le ferons."
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