Pour rendre la mondialisation plus inclusive, il faudra adopter des politiques de lutte contre les inégalités au sein des économies avancées et stimuler la convergence des niveaux de vie entre l'Afrique et les pays à revenus élevés. Les décideurs politiques africains, avec le soutien de partenaires externes, peuvent jouer un rôle. Ils peuvent accélérer l'intégration régionale, combler les lacunes dans les compétences de la main-d'œuvre et de l'infrastructure numérique et créer un mécanisme pour s'approprier et réglementer les données numériques de l'Afrique.
Depuis que la première révolution industrielle a entraîné une envolée du commerce international, l'Afrique est restée largement en marge de l'économie mondiale. Les principaux bénéficiaires de cette première mondialisation ont été les économies avancées actuelles, qui ont connu les premières technologies industrielles. Ce phénomène a conduit à son tour à la « grande divergence » dans les niveaux de revenus entre le Nord et le Sud.
Dernièrement, l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les années 1990 a considérablement réduit le coût des transports et a introduit une nouvelle vague de mondialisation caractérisée par l'émergence de chaînes de valeur mondiales complexes. Ces chaînes de valeur mondiales ont contribué à la « grande convergence » de ces dernières décennies en stimulant la production industrielle dans des pays comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Pologne, la Corée du Sud, Taïwan et Singapour, en leur permettant de rattraper leur retard sur les pays avancés.
Mais les pays africains ont pourtant été tenus à l'écart de ce processus. La part du contient en termes de marchandises mondiales stagne autour de 3 % , proche de sa part en termes de production industrielle mondiale.
La mondialisation a sans aucun doute apporté des avantages à l'Afrique. L'augmentation des revenus ailleurs dans le monde a accru la demande en matières premières et en ressources en provenance d'Afrique, ce qui a stimulé plusieurs économies nationales. La mondialisation a également favorisé le transfert de connaissances, en permettant aux pays africains d'améliorer leur niveau de vie avec une « progression par bonds » grâce aux nouvelles technologies.
Mais une myriade de défis vient grandement contrebalancer de tels avantages. D'une part, la mondialisation a contribué à la désindustrialisation prématurée . Parce que les économies avancées peuvent maintenant produire des marchandises meilleur marché, les pays africains ont eu des difficultés à développer des industries locales créatrices d'emplois. En outre, certaines sociétés multinationales dans la région ne paient pas leurs impôts par le biais de mécanismes comptables et juridiques sophistiqués - et légaux - comme le transfert de bénéfices, en privant ainsi les gouvernements de ressources indispensables au développement économique.
La mondialisation contribue également au changement climatique, qui a un effet disproportionné sur l'Afrique en dépit de sa contribution limitée au problème. Les cyclones Idai et Kenneth, qui ont récemment dévasté le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe, sont un exemple tragique de ce qui nous attend.
Il n'y a donc rien de surprenant à ce que la disparité économique entre l'Afrique et les pays les plus riches se soit accentuée au cours des dernières décennies, avec un taux des revenus de l'Afrique par rapport à ceux des économies avancées qui est passé de 12 % au début des années 1980 à 8 % aujourd'hui . Afin d'inverser cette tendance et de permettre à l'Afrique de bénéficier davantage de la mondialisation, les décideurs de la région doivent accélérer leurs efforts dans trois domaines.
Tout d'abord, les gouvernements doivent promouvoir l'intégration régionale pour renforcer l'économie de l'Afrique et pour la rendre plus efficace, afin de faire avancer son ordre du jour à l'échelle internationale. Les progrès réalisés jusqu'à présent sont très encourageants. La Zone de libre-échange continentale africaine a récemment obtenu le minimum de 22 ratifications nécessaires pour entrer en vigueur, en créant ainsi un marché africain unique pour les biens et services. La ZLEC, ainsi que le Marché unique des transports aériens africains et le Protocole sur la libre circulation des personnes, va permettre de débloquer l'immense potentiel économique de la région.
Ensuite, l'Afrique doit améliorer son infrastructure numérique et ses compétences technologiques pour éviter d'être encore plus marginalisée. À l'heure actuelle, le coût de l'accès à Internet en Afrique est le plus élevé au monde et la pénétration d'Internet n'est que de 37 %, soit bien en-deçà de la moyenne mondiale de 57 %.
En outre, le faible coût de la main-d'œuvre peu qualifiée, à laquelle l'Afrique a toujours eu recours, est de moins en moins un avantage concurrentiel, compte tenu de l'avènement de la Quatrième Révolution industrielle et de l'augmentation des normes de production et des exigences en matière d'infrastructure des chaînes de valeur mondiales. L'éducation et les programmes de formation doivent donc se concentrer davantage sur le développement d'un savoir-faire numérique, ainsi que sur des compétences indispensables comme l'esprit critique et sur les capacités cognitives et socio-comportementales.
Enfin, l'Afrique doit créer un régime de propriété et de réglementation de ses données numériques. À l'époque moderne, le capital a remplacé le foncier en tant qu'actif essentiel et comme déterminant des richesses. Mais dans l'économie numérique, les données sont la clé - comme le démontrent la ruée au sein des entreprises de technologie d'envergure mondiale comme Facebook, Google et Tencent qui cherchent à contrôler les données. Comme le soutient Kai-Fu Lee dans son livre AI Superpowers , (Les Superpuissances de l'intelligence artificielle), l'abondance des données générées par la grande population de la Chine est en train de donner au pays un avantage sur les États-Unis dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Le boom démographique de l'Afrique signifie que le continent génère également de grandes quantités de données, en particulier à mesure que la numérisation progresse, que s'étendent les plateformes d'e-commerce, que la classe moyenne se développe et que les dépenses de consommation augmentent. Ces nouvelles richesses issues des données vont augmenter pour ceux qui s'emploient activement à la récolte, au régime de propriété et à la réglementation de ces renseignements, en laissant aux retardataires le soin de les rattraper.
Le potentiel de l'Afrique est peut-être énorme, mais il est confronté à des défis redoutables. En 2030, le continent comptera près de 90 % des personnes les plus pauvres du monde . Si la mondialisation ne fonctionne pas mieux pour l'Afrique que par le passé, ses promesses de prospérité partagée ne vont pas se réaliser.
Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des finances du Nigéria, présidente de Gavi, the Vaccine Alliance et co-présidente de la Commission mondiale sur l'économie et le climat. Brahima Coulibaly, chercheur et directeur de l'Initiative de croissance de l'Afrique à la Brookings Institution, économiste en chef du groupe des nouvelles économies de marché du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine.
© Project Syndicate 1995–2019
Depuis que la première révolution industrielle a entraîné une envolée du commerce international, l'Afrique est restée largement en marge de l'économie mondiale. Les principaux bénéficiaires de cette première mondialisation ont été les économies avancées actuelles, qui ont connu les premières technologies industrielles. Ce phénomène a conduit à son tour à la « grande divergence » dans les niveaux de revenus entre le Nord et le Sud.
Dernièrement, l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la communication dans les années 1990 a considérablement réduit le coût des transports et a introduit une nouvelle vague de mondialisation caractérisée par l'émergence de chaînes de valeur mondiales complexes. Ces chaînes de valeur mondiales ont contribué à la « grande convergence » de ces dernières décennies en stimulant la production industrielle dans des pays comme la Chine, l'Inde, l'Indonésie, la Pologne, la Corée du Sud, Taïwan et Singapour, en leur permettant de rattraper leur retard sur les pays avancés.
Mais les pays africains ont pourtant été tenus à l'écart de ce processus. La part du contient en termes de marchandises mondiales stagne autour de 3 % , proche de sa part en termes de production industrielle mondiale.
La mondialisation a sans aucun doute apporté des avantages à l'Afrique. L'augmentation des revenus ailleurs dans le monde a accru la demande en matières premières et en ressources en provenance d'Afrique, ce qui a stimulé plusieurs économies nationales. La mondialisation a également favorisé le transfert de connaissances, en permettant aux pays africains d'améliorer leur niveau de vie avec une « progression par bonds » grâce aux nouvelles technologies.
Mais une myriade de défis vient grandement contrebalancer de tels avantages. D'une part, la mondialisation a contribué à la désindustrialisation prématurée . Parce que les économies avancées peuvent maintenant produire des marchandises meilleur marché, les pays africains ont eu des difficultés à développer des industries locales créatrices d'emplois. En outre, certaines sociétés multinationales dans la région ne paient pas leurs impôts par le biais de mécanismes comptables et juridiques sophistiqués - et légaux - comme le transfert de bénéfices, en privant ainsi les gouvernements de ressources indispensables au développement économique.
La mondialisation contribue également au changement climatique, qui a un effet disproportionné sur l'Afrique en dépit de sa contribution limitée au problème. Les cyclones Idai et Kenneth, qui ont récemment dévasté le Malawi, le Mozambique et le Zimbabwe, sont un exemple tragique de ce qui nous attend.
Il n'y a donc rien de surprenant à ce que la disparité économique entre l'Afrique et les pays les plus riches se soit accentuée au cours des dernières décennies, avec un taux des revenus de l'Afrique par rapport à ceux des économies avancées qui est passé de 12 % au début des années 1980 à 8 % aujourd'hui . Afin d'inverser cette tendance et de permettre à l'Afrique de bénéficier davantage de la mondialisation, les décideurs de la région doivent accélérer leurs efforts dans trois domaines.
Tout d'abord, les gouvernements doivent promouvoir l'intégration régionale pour renforcer l'économie de l'Afrique et pour la rendre plus efficace, afin de faire avancer son ordre du jour à l'échelle internationale. Les progrès réalisés jusqu'à présent sont très encourageants. La Zone de libre-échange continentale africaine a récemment obtenu le minimum de 22 ratifications nécessaires pour entrer en vigueur, en créant ainsi un marché africain unique pour les biens et services. La ZLEC, ainsi que le Marché unique des transports aériens africains et le Protocole sur la libre circulation des personnes, va permettre de débloquer l'immense potentiel économique de la région.
Ensuite, l'Afrique doit améliorer son infrastructure numérique et ses compétences technologiques pour éviter d'être encore plus marginalisée. À l'heure actuelle, le coût de l'accès à Internet en Afrique est le plus élevé au monde et la pénétration d'Internet n'est que de 37 %, soit bien en-deçà de la moyenne mondiale de 57 %.
En outre, le faible coût de la main-d'œuvre peu qualifiée, à laquelle l'Afrique a toujours eu recours, est de moins en moins un avantage concurrentiel, compte tenu de l'avènement de la Quatrième Révolution industrielle et de l'augmentation des normes de production et des exigences en matière d'infrastructure des chaînes de valeur mondiales. L'éducation et les programmes de formation doivent donc se concentrer davantage sur le développement d'un savoir-faire numérique, ainsi que sur des compétences indispensables comme l'esprit critique et sur les capacités cognitives et socio-comportementales.
Enfin, l'Afrique doit créer un régime de propriété et de réglementation de ses données numériques. À l'époque moderne, le capital a remplacé le foncier en tant qu'actif essentiel et comme déterminant des richesses. Mais dans l'économie numérique, les données sont la clé - comme le démontrent la ruée au sein des entreprises de technologie d'envergure mondiale comme Facebook, Google et Tencent qui cherchent à contrôler les données. Comme le soutient Kai-Fu Lee dans son livre AI Superpowers , (Les Superpuissances de l'intelligence artificielle), l'abondance des données générées par la grande population de la Chine est en train de donner au pays un avantage sur les États-Unis dans le domaine de l'intelligence artificielle.
Le boom démographique de l'Afrique signifie que le continent génère également de grandes quantités de données, en particulier à mesure que la numérisation progresse, que s'étendent les plateformes d'e-commerce, que la classe moyenne se développe et que les dépenses de consommation augmentent. Ces nouvelles richesses issues des données vont augmenter pour ceux qui s'emploient activement à la récolte, au régime de propriété et à la réglementation de ces renseignements, en laissant aux retardataires le soin de les rattraper.
Le potentiel de l'Afrique est peut-être énorme, mais il est confronté à des défis redoutables. En 2030, le continent comptera près de 90 % des personnes les plus pauvres du monde . Si la mondialisation ne fonctionne pas mieux pour l'Afrique que par le passé, ses promesses de prospérité partagée ne vont pas se réaliser.
Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne ministre des finances du Nigéria, présidente de Gavi, the Vaccine Alliance et co-présidente de la Commission mondiale sur l'économie et le climat. Brahima Coulibaly, chercheur et directeur de l'Initiative de croissance de l'Afrique à la Brookings Institution, économiste en chef du groupe des nouvelles économies de marché du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale américaine.
© Project Syndicate 1995–2019