Inadéquation de la formation des jeunes Africains, quelle solution ?

Lundi 20 Janvier 2020

Alors qu'une grande partie de la planète est confrontée au vieillissement de la population, pour l'Afrique c'est la situation inverse. 60% des Africains ayant moins de 25 ans, les dirigeants du continent doivent veiller non seulement à ce qu'il y ait un nombre suffisant d'emplois de qualité à leur offrir, mais aussi à ce que la jeunesse reçoive l'éducation et la formation nécessaires pour occuper ces emplois. Or beaucoup reste à faire, notamment en matière de formation professionnelle.


L'inadéquation entre les emplois disponibles et les qualifications de la main d'œuvre se rencontre très souvent à travers l'Afrique. Une étude  récente de la Banque africaine de développement portant sur 10 pays (le Bénin, la République du Congo, l'Egypte, le Liberia, Madagascar, le Malawi, la Tanzanie, le Togo, l'Ouganda et la Zambie) montre que l'éducation de la majorité des jeunes Africains est insuffisante pour l'emploi qu'ils occupent et que près d'un tiers d'entre eux sont sous-qualifiés. Les jeunes dont la qualification est largement supérieure aux exigences de l'emploi qu'ils occupent sont sous-payés et frustrés par les difficultés à construire une carrière et le gaspillage de leurs compétences ou leur détérioration.

Dans ce contexte, des jeunes peu éduqués bénéficient de salaires relativement élevés, mais c'est au prix de la satisfaction qu'ils tirent de leur travail. Ceux qui sont sous-qualifiés essayent tant bien que mal de faire correctement leur travail, mais vivent avec la crainte permanente de le perdre, ce qui les marque profondément. Ils acceptent des emplois pour lesquels ils ne sont pas qualifiés par désespoir, pour ne pas se retrouver au chômage dans l'attente d'un emploi mieux adapté qui ne viendra peut-être jamais.     

Etant donné l'ampleur et la persistance de l'inadéquation entre les emplois et la qualification des candidats, et ses conséquences tant au niveau des travailleurs que de l'économie, sa réduction devrait être la première des priorités des gouvernements africains. Cela commence par l'amélioration de l'accès à l'éducation.

Depuis quelques années, beaucoup de pays africains ont accompli des progrès significatifs dans le taux de scolarisation ; néanmoins nombre de jeunes, notamment des filles, en particulier dans les zones rurales, ne bénéficient que d'une scolarité très limitée ou parfois ne sont pas scolarisés du tout. Pire encore, 38% des jeunes au travail ne sont jamais allés à l'école pour des raisons financières, et 12% en raison de l'absence d'école à proximité.

Les gouvernements africains peuvent changer cela en construisant de nouvelles écoles, en rénovant les anciennes, en améliorant les conditions de travail des enseignants et en veillant à la présence du matériel voulu, notamment en matière d'informatique et de communication. De même, ils devraient rendre l'école primaire gratuite, limiter le montant des droits d'inscription dans le secondaire et à l'université et accorder des bourses.

Ils doivent aussi renforcer leur politique d'aide aux jeunes lors de leur passage de l'enseignement à l'emploi. Actuellement il n'existe aucune aide à la recherche d'emploi, que ce soit de la part de l'Etat ou d'agences spécialisées.

Pour que les jeunes travailleurs aient de meilleures perspectives, l'Etat doit encourager la diffusion d'informations sur les emplois disponibles et inciter les entreprises à proposer des stages aux jeunes diplômés, par exemple au moyen de subventions ou de baisses d'impôt. Et là où cela existe déjà, il doit renforcer leur impact en élargissant leur objectif et le public concerné, en les faisant mieux connaître et en contrôlant leur impact.

Enfin, pour que cette politique réussisse, les jeunes diplômés doivent connaître les qualifications et le niveau de formation exigés par le marché du travail. Les employeurs africains se plaignent souvent de la difficulté à trouver des postulants ayant une formation solide en science, en technologie, en ingénierie ou en math, ou formés à la communication ou à la résolution des problèmes complexes.

La Banque africaine de développement joue un rôle moteur pour aider les jeunes dans le secteur des technologies de l'information en finançant l'université Carnegie Mellon-Afrique au Rwanda qui existe depuis 2011. Elle sert de centre d'excellence et de centre régional en matière de technologies de l'information pour l'Afrique de l'Est. En collaboration avec le gouvernement du Rwanda, elle a créé un accélérateur de start-up pour aider les étudiants à fonder leur propre entreprise.

Résoudre l'inadéquation entre emplois et qualifications suppose un système éducatif et une formation professionnelle qui répondent mieux à la demande et qui soit tournés vers l'avenir. Les gouvernements africains pourraient par exemple créer des forums permettant aux entreprises d'informer les établissements d'enseignement et de formation professionnelle sur leurs besoins, ce qui leur permettrait d'adapter leur programme en conséquence. Il en résulterait une nouvelle génération de candidats bien formés, ce qui lèverait les freins à la production des entreprises et créerait des emplois.

Toute cette jeunesse africaine est un énorme atout, car elle pourrait doper la croissance et le développement économique du continent pour les décennies à venir. Mais si les jeunes Africains restent improductifs, frustrés et désespérés, cela pourrait nuire à la prospérité, au progrès social et même à la stabilité politique. Les prochaines années dépendent de la politique que mènent aujourd'hui les pays africains.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Hanan Morsy est directrice du département de politique macroéconomique, de la prévision et de la recherche de la Banque africaine de développement.
 
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