Investir dans des dénouements heureux

Jeudi 4 Décembre 2014

LONDRES – Les investissements publics et privés dans l'économie réelle sont en butte aux critiques depuis la crise financière de 2008. En ces périodes économiques difficiles, il peut sembler logique de réduire les investissements qui ne donnent des résultats qu'à long terme et ainsi économiser de l'argent et des ressources pour résoudre les problèmes à court terme. En fait, réduire les investissements dans notre avenir (aussi bien dans les personnes, la planète, les institutions politiques ou les entreprises) est profondément irrationnel.


Lucy P. Marcus est PDG de Marcus Venture Consulting
Lucy P. Marcus est PDG de Marcus Venture Consulting
C'est seulement en investissant dans les idées visionnaires, dans la pensée créative, la recherche et le développement et l'innovation que nous pourrons garantir un avenir meilleur : plus libre, plus pacifique et plus prospère que par le passé.
L'éducation de la petite enfance, la médecine préventive, les bibliothèques, l'infrastructure matérielle et la recherche scientifique fondamentale, par exemple, tout cela coûte de l'argent et des études montrent que ces investissements en valent la peine. Mais quand les décideurs ont besoin réduire les dépenses, les investissements dans ces biens publics sont souvent la première chose qu'ils arrêtent, parce que les électeurs n'en voient pas les effets à court terme. La plupart des dommages sont différés, c'est d'ailleurs précisément pour cette raison que ce type de réductions budgétaires reste politiquement séduisant.
Mais les sociétés ne peuvent pas se permettre de telles solutions de facilité. Nous devons commencer à investir dans les personnes dès que possible : dès la naissance. L'accès universel à une alimentation de haute qualité et à la médecine préventive, ainsi qu'à des programmes d'apprentissage pour la petite enfance sont nécessaires pour fournir des bases solides sur lesquelles les pays du monde entier pourront assurer leur future promotion sociale et leur croissance économique.
De même, pour les enfants et les adultes, il existe une valeur réelle dans les bibliothèques publiques, qui sont des espaces de rassemblement laïcs et gratuits qui proposent un accès universel à l'apprentissage et qui offrent de plus en plus souvent un accès aux services numériques. On peut dire la même chose des programmes culturels et des institutions qui stimulent la croissance des sciences et techniques : ces savoirs sont tout aussi nécessaires pour garantir la possibilité que les citoyens contribuent productivement à leur économie et à leur société.
La tentation de réduire les investissements à long terme durant les périodes économiques difficiles hante aussi la sphère privée. Et les entreprises à travers le monde, grandes et petites, y succombent depuis le début de la récession économique mondiale. Comme les entreprises sont obligées de privilégier leurs performances et de réduire leurs effectifs, elles réduisent leurs investissements dans la recherche et le développement, dans le perfectionnement et la formation de leurs employés, dans leurs infrastructures, etc. Pire encore, ces lignes budgétaires sont les dernières à être rétablies lorsque les perspectives économiques s'embellissent.
Par exemple, face à la pression de l'investisseur, les compagnies pharmaceutiques ont réduit de manière dramatique leurs activités de recherche, en comptant plutôt sur des stratégies d'acquisition. Le but est d'éliminer les risques par le rachat de firmes qui ont déjà mené à terme les recherches coûteuses de la pensée créative et qui ont développé de nouvelles drogues à l'efficacité prouvée.
Évidemment de telles stratégies ne fonctionneront pas à long terme si personne n'est disposé à investir aux premiers stades de la recherche dans des secteurs critiques comme la biotechnologie, la technologie numérique, les sources d'énergie renouvelables, entre autres. Avec des investisseurs rares aux premiers stades, avec des pouvoirs publics qui se détournent de la pensée scientifique créative, avec des bailleurs de fonds de la recherche universitaire qui exigent que leurs bénéficiaires montrent « l'impact » de leurs travaux, qui va financer la prise de risque ? Si personne ne le fait, la source se tarira et il n'y aura plus rien à acquérir.
De même, plutôt que d'investir dans de nouvelles infrastructures, les entreprises rafistolent les anciennes. Mais rafistoler des choses cassées ne dure qu'un temps. En ne consacrant pas les ressources nécessaires pour investir dans des opérations nouvelles, rentables et respectueuses de l'environnement, ou en ne développant pas les compétences et les connaissances des employés, ni l'innovation, les entreprises trouveront que leurs économies à court terme se font aux dépens de leur succès à long terme.
Les choix que font les entreprises portent non seulement atteinte à leur propre activité, mais ont aussi de profondes conséquences sur leurs clients, leurs fournisseurs et les sociétés dans lesquelles elles sont intégrées. L'incapacité à investir dans l'avenir affectera cet avenir pour tout le monde.
Seulement une partie de ce qui est utile a un effet positif immédiat sur les performances économiques, ou peut être soigneusement mis dans une case. Si les décisions d'investissements publics et privés ne sont motivées que par les critères de ce qui est facilement mesurable et facilement définissable, nous passeront à côté de découvertes capitales qui sont le lot de tant de réalisations et de progrès humains.
Dans le secteur public tout comme dans le secteur privé, nous devons nous engager dans des investissements à long terme, aussi bien en faveur des enfants et de l'éducation, de la science et de la technologie, de la santé et de la médecine. Mais aussi en créant des institutions fortes qui pourront servir de fondements durables à des sociétés pacifiques, démocratiques et prospères. Un investissement dans notre avenir n'est jamais perdu. Investir dans les débuts est la seule chance que nous ayons de vivre pour assister à des dénouements heureux.
Lucy P. Marcus est PDG de Marcus Venture Consulting.
 
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