L'épidémie de coronavirus, l'occasion de relancer la coopération internationale

Lundi 9 Mars 2020

L'épidémie de Covid-19 pourrait devenir une pandémie mondiale telle que l'on n'en a jamais vu depuis un siècle. Ce nouveau coronavirus a tué plus de 3200 personnes, il touche maintenant 77 pays et plus de 93 000 cas ont été répertoriés.


Credit Photo Julien/AFP
Credit Photo Julien/AFP
Pour l'instant la Chine (où l'épidémie a commencé) compte pour 86% des cas et 93% des décès. Le virus s'étant propagé à tous les continents, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) a porté son évaluation du risque au niveau le plus élevé. De son coté, Bill Gates  qui avait déjà alerté quant au risque d'une pandémie mondiale vient de déclarer  que le Covid-19 pourrait être l'agent pathogène séculaire que nous redoutons depuis longtemps.

Rapidement l'épidémie a pris un tour politique. Ainsi de hauts responsables de l'OMS ont essuyé le feu de la critique, tant pour avoir applaudi les mesures prises par le gouvernement chinois  pour contenir l'épidémie que pour leur propre retard à déclarer l'état d'épidémie. Par ailleurs, malgré des appels répétés à réunir davantage de moyens  pour faire face au virus, la communauté internationale en a fourni bien moins que ce à quoi elle s'était engagée, contraignant l'OMS à s'appuyer sur ses mécanismes internes de prêt. Les différents Etats devraient agir de manière coordonnée face au virus, pourtant beaucoup de compagnies aériennes ont suspendu  leurs vols vers la Chine, alors que ni l'OMS ni l'Association internationale du transport aérien (AITA) n'ont préconisé une telle mesure.

Les réactions aux efforts sans précédent et majoritairement efficaces du gouvernement chinois pour contenir le virus (notamment les restrictions aux déplacements) ont été mitigées. La plupart des médias occidentaux ont qualifié de "draconienne", la décision de mise en quarantaine de Wuhan et d'autres villes chinoises (soit une population de 60 millions de personnes), alors que le précédent secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exprimé son soutien  aux mesures audacieuses et nécessaires adoptées par le gouvernement chinois.

En restreignant pour l'essentiel les cas de Covid-19 et les décès qu'il a entraîné à la province de l'Hubei, les autorités chinoises ont donné un délai supplémentaire à la communauté internationale pour qu'elle se prépare. Les héros chinois face au coronavirus, ce sont les médecins et le personnel médical en première ligne qui a risqué sa vie (certains sont morts) pour protéger leurs concitoyens.

Le Covid-19 constitue la quatrième grande épidémie due à un virus depuis le début du siècle. En 2002-2003, L'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) a tué 774 personnes, Détecté en 2012, le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) a touché 27 pays, il a fait 858 morts  et 2494 cas ont été recensés par des analyses de laboratoire. Depuis 2018, les épidémies répétées du virus Ebola en République démocratique du Congo ont touché 3444 personnes et provoqué 2264 décès. Le bilan de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2014-2015 est bien plus élevé.

Au-delà des décès et de ses conséquences psychologiques, l'épidémie de Covid-19 porte un coup dur à l'économie mondiale en perturbant la production et les chaînes de valeur dans presque tous les secteurs. L'épidémie fait perdre 350 millions de dollars par semaine au transport maritime  mondial, essentiellement en raison du ralentissement de la production des usines chinoises. Dans le transport aérien, la demande mondiale a chuté depuis le début de l'année Les compagnies asiatiques sont particulièrement frappées - ainsi Cathay Pacific envisage de réduire de 40% le nombre de ses vols pour le reste du mois de mars.

L'épidémie de coronavirus frappe aussi les marchés financiers, les Bourses mondiales viennent de dégringoler, elles ont perdu 6 milliards de dollars  en 6 jours - la baisse la plus brutale depuis la crise financière de 2018. Ce ralentissement inattendu de l'économie mondiale survient au moment où elle a besoin de croissance, il va affecter tant les pays avancés que les pays en développement et susciter la crainte d'une récession mondiale.

Aucun pays n'est à l'abri du Covid-19 et d'autres virus susceptibles de se propager rapidement. Le réchauffement climatique, l'intensification des déplacements mondiaux (tant pour les affaires que pour le tourisme) et les évolutions démographiques vont probablement augmenter les risques, les incertitudes et les coûts associés aux futures épidémies de ce type. Or les systèmes de santé nationaux sont mal préparés à faire face à une situation d'urgence mondiale imminente.

De telles crises nécessitent une nouvelle stratégie mondiale pour y répondre. Cela suppose une mobilisation internationale urgente des moyens et de l'expertise, accompagnée de compassion. En ce moment particulièrement difficile pour lui, le peuple chinois mérite le soutien moral du reste du monde. Des événements tels que l'épidémie de coronavirus ne doivent pas susciter des réactions politiciennes : quand une maladie menace de se transformer en pandémie, le sentiment d'une humanité commune doit l'emporter sur les rivalités politiques.

Il faudrait mettre le progrès technique (notamment l'intelligence artificielle et les biotechnologies) au service de notre avenir commun. Il est crucial d'améliorer les systèmes d'alerte sanitaire et d'encourager la recherche sur les méthodes préventives telles que la vaccination. Plutôt que d'abandonner la recherche et l'innovation aux grands laboratoires pharmaceutiques, il serait préférable que les différents pays établissent des systèmes nationaux de santé efficaces pour prévenir ou combattre au mieux les épidémies. Enfin il faut renforcer l'OMS et lui donner les moyens de faire face à une urgence au niveau international de manière à contenir au mieux les virus dans les zones où ils apparaissent.

Le Covid-19 nous rappelle brutalement qu'une épidémie peut balayer des années de progrès économique. La difficulté qu'il y a à évaluer ses effets fragilise d'autant plus l'économie mondiale. Les Etats et les organisations internationales doivent donc mettre en œuvre des mesures qui impactent le moins possible l'économie et aider les petites entreprises et les citoyens les plus pauvres, car ce sont eux qui seront le plus affectés par une épidémie, quelle qu'elle soit. Mais surtout, les dirigeants de la planète doivent éviter d'instrumentaliser cette menace mortelle. Ils doivent coopérer pour y faire face.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Arkebe Oqubay est ministre et conseiller spécial du Premier ministre éthiopien. Il est également membre de l'Overseas Development Institute [un cercle de réflexion indépendant]. On compte parmi ses publications les plus récentes Made in Africa How Nations Learn et The Oxford Handbook of Industrial Hubs and Economic Development.
© Project Syndicate 1995–2020
 
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