L'innovation financière est nécessaire pour relever les défis mondiaux

Mercredi 14 Août 2024

Nul ne doute que bon nombre des plus grands défis mondiaux sont profondément imbriqués : ainsi notamment de l'atténuation du changement climatique, du renforcement de la stabilité des marchés financiers et de la stimulation de la croissance économique dans les pays en développement et les économies émergentes.


La coopération multilatérale permettra d'obtenir de meilleurs résultats que des réponses nationales non coordonnées. Ce qui est moins évident, c'est de savoir laquelle des nombreuses approches proposées pour relever les défis mondiaux doit être poursuivie.

Les institutions multilatérales ont obtenu des résultats positifs, notamment les Nations unies (y compris la convention-cadre sur le changement climatique), le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce, le Conseil de stabilité financière, le G20 (avec son cadre commun pour le traitement de la dette) et les banques multilatérales de développement. Mais les progrès ont été inégaux. Même les plus ardents défenseurs de ces institutions conviendraient qu'un effort beaucoup plus concerté, soutenu par des ressources beaucoup plus importantes – en particulier des ressources financières – est nécessaire.

Comment mobiliser des financements suffisants pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés ? Étant donné que les sommes nécessaires dépassent de loin les ressources disponibles des gouvernements, une partie de la réponse doit consister à accroître la participation financière du secteur privé. Pour attirer les investissements privés volontaires, nous devrons toutefois mettre au point de nouveaux instruments financiers innovants.

Heureusement, le Comité de Bretton Woods a déjà produit une série de propositions concrètes – élaborées et publiées par ses groupes de travail, notamment ceux sur l'avenir de la finance, sur la dette souveraine et sur la réforme multilatérale  – pour répondre à cet impératif. La contribution la plus récente est un rapport  du groupe de travail sur la dette souveraine (dont nous sommes les coprésidents) sur le potentiel des instruments de dette conditionnelle de l'État (IDCE).

Ces instruments reposent sur l'idée qu'il est possible de créer une forme de dette dont la charge de remboursement varie en fonction des moyens de l'emprunteur. Par exemple, si un pays qui dépend des exportations de produits agricoles est confronté à des conditions météorologiques qui réduisent considérablement la production du secteur, sa capacité à assurer le service de sa dette sera gravement compromise. En revanche, avec un IDCE, ses obligations en matière de service de la dette seraient modifiées en fonction d'une formule spécifiée dans l'instrument de dette afin de tenir compte des conditions climatiques.

Si elle est bien exécutée, cette approche réduira fortement le risque de restructuration ou de rééchelonnement de la dette en cas de manque à gagner. De manière cruciale, les IDCE offrent également des rendements supplémentaires aux investisseurs si les résultats sont plus favorables que prévu. Ils peuvent donc constituer un instrument intéressant à la fois pour les prêteurs et les débiteurs, à utiliser dans les situations où la capacité de paiement du débiteur peut être fortement influencée par des facteurs exogènes qui peuvent être mesurés de manière fiable mais ne peuvent être prévus sans une marge d'erreur significative. 

Un type d'IDCE, connu sous le nom d'instruments de recouvrement de la valeur (IRV), a déjà été utilisé par un certain nombre d'emprunteurs souverains, dont la Grèce, le Mexique, le Suriname et la Zambie. Mais pour que les IDCE, et en particulier les IRV, puissent réaliser leur potentiel, leur intégrité, leur efficacité et leur commercialisation doivent être améliorées.

Le rapport du groupe de travail sur la dette souveraine propose des suggestions pour y parvenir. Par exemple, il montre que les « événements déclencheurs » et les formules utilisées pour ajuster les paiements du service de la dette doivent être définis clairement et qu'ils doivent refléter avec précision les changements dans la capacité de paiement du débiteur. Cela signifie qu'il faut saisir et mesurer efficacement les flux de trésorerie qui seront directement disponibles pour l'État au moment où la dette arrivera à échéance.

En outre, les formules de paiement doivent préserver les incitations positives pour les débiteurs, réduisant ainsi le risque d'aléa moral. Afin de maximiser le potentiel de hausse des IRV, ceux-ci doivent être intégrés dans des obligations à revenu fixe sous-jacentes, de sorte que l'instrument combiné soit plus liquide et plus susceptible d'être inclus dans des indices obligataires. La documentation doit être normalisée afin de réduire les coûts et les risques. La normalisation favoriserait l'acceptation des IDCE par le grand public, tout comme elle l'a fait pour les clauses d'action collective dans les contrats obligataires.

Bien entendu, même avec une conception améliorée, les IDCE ne sont pas une panacée. S'ils peuvent contribuer à attirer davantage d'investissements privés dans les efforts déployés pour relever les défis mondiaux, d'autres solutions – en particulier des innovations financières – seront nécessaires. Le développement d'un plus grand nombre de formats financiers potentiellement utiles devrait être une priorité urgente.

William R. Rhodes, coprésident du groupe de travail sur la dette souveraine du Comité de Bretton Woods, est un ancien président-directeur général de la Citibank. John Lipsky, coprésident du Groupe de travail sur la dette souveraine du Comité de Bretton Woods, est un ancien premier directeur général adjoint du Fonds monétaire international.
© Project Syndicate 1995–2024
 
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