De nombreux facteurs sont à l'origine du changement dans la composition des flux migratoires, notamment la Quatrième Révolution industrielle, la baisse des coûts des transports et des communications (les migrants hautement qualifiés ont tendance à voyager plus loin vers leur pays de destination comparativement aux migrants moins qualifiés) et les faibles possibilités d'éducation dans les pays d'origine. La cause principale, cependant, est la reconnaissance croissante du fait que le capital humain joue un rôle clé dans l'économie du savoir à l'heure actuelle.
Dans le monde entier une « guerre des talents » est en cours et les entreprises qui gèrent leurs talents à l'échelle mondiale sont bien en tête sur ce front. La plupart des sociétés multinationales insistent maintenant sur le fait que les cadres à fort potentiel bénéficient d'une expérience mondiale lorsqu'ils travaillent dans d'autres pays - et elles ont fait de la mobilité internationale un préalable aux postes de hauts dirigeants. Certains des plus fameux acteurs de l'économie mondiale – en particulier Google, Microsoft, Alcoa, Clorox, Coca-Cola, McDonald's, Pepsi et Pfizer - ont des PDG immigrants.
Mais les données démographiques jouent également un rôle clé dans les tendances migratoires mondiales. Alors que la plupart des pays développés vieillissent, de nombreux pays en développement comptent une proportion croissante de jeunes. En Inde, on compte quatre personnes de 20 ans contre une de 65 ans ; en Europe de l'Ouest, ce ratio est d'un contre un. En même temps, la rémunération moyenne dans les pays à revenus élevés est 70 fois supérieure à celle des pays à faibles revenus. Combinés, ces écarts démographiques et salariaux sont devenus une impulsion forte pour la migration.
Si la course mondiale aux talents a initialement conduit les pays développés à créer des visas spéciaux pour attirer des professionnels qualifiés, le sentiment politique envers les migrants dans ces pays est depuis quelques temps tombé en disgrâce. Les migrations sont perçues comme une menace envers les travailleurs autochtones dans les pays hôtes, même si les preuves empiriques démontrent que leurs effets de déplacement de main-d'œuvre sont très faibles. Dans la Silicon Valley, par exemple, l'immigration n'a pas conduit à une baisse des salaires ni à un retour sur les compétences.
L'effet défavorable des migrants sur les finances publiques du pays d'accueil est également très limité. Les migrants peuvent imposer au départ un coût net à leur société d'accueil, mais il est réduit et de plus courte durée que le coût de scolarisation d'un nouveau-né autochtone. Plus important encore, les immigrants très instruits ont effectivement contribué positivement aux finances publiques dans les pays développés, parce que ces travailleurs paient davantage d'impôts qu'ils n'utilisent les biens et services publics.
La mobilité mondiale des talents est également bénéfique pour les pays d'origine, car elle aide à les intégrer aux marchés mondiaux. Cela compense certaines des lacunes auxquelles sont confrontées les entreprises des pays en développement suite à une baisse des investissements publics, à l'inadéquation des formations et des équipements et au manque de ressources financières pour l'achat de licences de technologie ou de propriété intellectuelle. Certes, l'émigration n'est pas une méthode optimale à long terme pour améliorer la productivité dans une économie du savoir. Mais elle accélère la diffusion de la technologie à court terme.
Une autre force puissante pour l'intégration économique mondiale et les échanges est Internet, que certaines personnes sont venues à considérer comme un substitut à la mobilité mondiale. Mais si Internet autorise la fourniture à distance de certaines formes de travail, il n'a pas déplacé les réseaux de diasporas. Bien que les technologies de l'information et des communications réduisent l'importance des réseaux traditionnels des diasporas, les innovations de TIC ont également été complétées par ces réseaux. Par exemple, l'échange de connaissances et de technologies par l'intermédiaire des liens de l'Inde avec sa diaspora a permis à ce pays de franchir plusieurs stades de développement.
Tout compte fait, le monde a énormément bénéficié de l'accroissement du commerce mondial et de la mobilité des capitaux. Il est temps à présent de récolter les bénéfices de la mobilité des talents. Contrairement au commerce et aux finances/capitaux, la migration reste très limitée, même si la croissance économique dépend en grande partie de la disponibilité des opportunités d'emploi et des rendements plus élevés sur la main-d'œuvre, qui requièrent à leur tour la mobilité, aussi bien à l'échelle nationale que mondiale.
Les décideurs ont de nombreux outils pour améliorer la mobilité des talents. La nature complexe de la question appelle à davantage de partenariats entre les secteurs public et privé. Les entreprises et les universités sont les participants de première ligne dans la course mondiale aux talents, mais les organisations de gouvernance mondiale, les banques multilatérales de développement et les groupes de la société civile ont également un rôle clé à jouer. Et il en va de même pour la technologie, qui rend possible désormais la mobilité virtuelle des talents par vidéo-conférence, les plates-formes numériques, les bourses du travail en ligne et d'autres applications.
La course mondiale aux talents va continuer de s'accélérer avec la concurrence des pays et des entreprises pour les meilleurs et les plus brillants. Les pays à revenus intermédiaires hors OCDE - en particulier la Chine et l'Inde - deviennent une destination de plus en plus importante pour la main-d'œuvre hautement qualifiée. Étant donné la croissance de ces pays, l'influence économique mondiale des économies avancées va continuer à diminuer. La course est lancée.
Ejaz Ghani, économiste en chef de la Banque mondiale.
© Project Syndicate 1995–2018
Dans le monde entier une « guerre des talents » est en cours et les entreprises qui gèrent leurs talents à l'échelle mondiale sont bien en tête sur ce front. La plupart des sociétés multinationales insistent maintenant sur le fait que les cadres à fort potentiel bénéficient d'une expérience mondiale lorsqu'ils travaillent dans d'autres pays - et elles ont fait de la mobilité internationale un préalable aux postes de hauts dirigeants. Certains des plus fameux acteurs de l'économie mondiale – en particulier Google, Microsoft, Alcoa, Clorox, Coca-Cola, McDonald's, Pepsi et Pfizer - ont des PDG immigrants.
Mais les données démographiques jouent également un rôle clé dans les tendances migratoires mondiales. Alors que la plupart des pays développés vieillissent, de nombreux pays en développement comptent une proportion croissante de jeunes. En Inde, on compte quatre personnes de 20 ans contre une de 65 ans ; en Europe de l'Ouest, ce ratio est d'un contre un. En même temps, la rémunération moyenne dans les pays à revenus élevés est 70 fois supérieure à celle des pays à faibles revenus. Combinés, ces écarts démographiques et salariaux sont devenus une impulsion forte pour la migration.
Si la course mondiale aux talents a initialement conduit les pays développés à créer des visas spéciaux pour attirer des professionnels qualifiés, le sentiment politique envers les migrants dans ces pays est depuis quelques temps tombé en disgrâce. Les migrations sont perçues comme une menace envers les travailleurs autochtones dans les pays hôtes, même si les preuves empiriques démontrent que leurs effets de déplacement de main-d'œuvre sont très faibles. Dans la Silicon Valley, par exemple, l'immigration n'a pas conduit à une baisse des salaires ni à un retour sur les compétences.
L'effet défavorable des migrants sur les finances publiques du pays d'accueil est également très limité. Les migrants peuvent imposer au départ un coût net à leur société d'accueil, mais il est réduit et de plus courte durée que le coût de scolarisation d'un nouveau-né autochtone. Plus important encore, les immigrants très instruits ont effectivement contribué positivement aux finances publiques dans les pays développés, parce que ces travailleurs paient davantage d'impôts qu'ils n'utilisent les biens et services publics.
La mobilité mondiale des talents est également bénéfique pour les pays d'origine, car elle aide à les intégrer aux marchés mondiaux. Cela compense certaines des lacunes auxquelles sont confrontées les entreprises des pays en développement suite à une baisse des investissements publics, à l'inadéquation des formations et des équipements et au manque de ressources financières pour l'achat de licences de technologie ou de propriété intellectuelle. Certes, l'émigration n'est pas une méthode optimale à long terme pour améliorer la productivité dans une économie du savoir. Mais elle accélère la diffusion de la technologie à court terme.
Une autre force puissante pour l'intégration économique mondiale et les échanges est Internet, que certaines personnes sont venues à considérer comme un substitut à la mobilité mondiale. Mais si Internet autorise la fourniture à distance de certaines formes de travail, il n'a pas déplacé les réseaux de diasporas. Bien que les technologies de l'information et des communications réduisent l'importance des réseaux traditionnels des diasporas, les innovations de TIC ont également été complétées par ces réseaux. Par exemple, l'échange de connaissances et de technologies par l'intermédiaire des liens de l'Inde avec sa diaspora a permis à ce pays de franchir plusieurs stades de développement.
Tout compte fait, le monde a énormément bénéficié de l'accroissement du commerce mondial et de la mobilité des capitaux. Il est temps à présent de récolter les bénéfices de la mobilité des talents. Contrairement au commerce et aux finances/capitaux, la migration reste très limitée, même si la croissance économique dépend en grande partie de la disponibilité des opportunités d'emploi et des rendements plus élevés sur la main-d'œuvre, qui requièrent à leur tour la mobilité, aussi bien à l'échelle nationale que mondiale.
Les décideurs ont de nombreux outils pour améliorer la mobilité des talents. La nature complexe de la question appelle à davantage de partenariats entre les secteurs public et privé. Les entreprises et les universités sont les participants de première ligne dans la course mondiale aux talents, mais les organisations de gouvernance mondiale, les banques multilatérales de développement et les groupes de la société civile ont également un rôle clé à jouer. Et il en va de même pour la technologie, qui rend possible désormais la mobilité virtuelle des talents par vidéo-conférence, les plates-formes numériques, les bourses du travail en ligne et d'autres applications.
La course mondiale aux talents va continuer de s'accélérer avec la concurrence des pays et des entreprises pour les meilleurs et les plus brillants. Les pays à revenus intermédiaires hors OCDE - en particulier la Chine et l'Inde - deviennent une destination de plus en plus importante pour la main-d'œuvre hautement qualifiée. Étant donné la croissance de ces pays, l'influence économique mondiale des économies avancées va continuer à diminuer. La course est lancée.
Ejaz Ghani, économiste en chef de la Banque mondiale.
© Project Syndicate 1995–2018