Durant la pandémie de COVID-19, les services numériques – la télémédecine, le travail à distance ou encore l'apprentissage en ligne – ont été une bouée de sauvetage pour les millions de personnes sous le coup de confinement ou d'ordres d'auto-confinement à domicile. La finance numérique est essentielle pour faciliter un grand nombre de processus : elle permet aux gens de payer des biens et services, de percevoir le salaire de leur travail, d'avoir accès à des prestations d'aide sociale et de bénéficier d'un soutien financier, par exemple de prêts bancaires pour leurs entreprises en difficulté.
Même avant la pandémie, le besoin d'exploiter la puissance de la finance numérique pour le bien de la planète et de ses citoyens était de plus en plus reconnu. En effet, c'était le principal objectif du Groupe d'étude du Secrétaire général sur le financement numérique des Objectifs de développement durable , auquel j'ai collaboré auquel j'ai collaboré au cours des 18 derniers mois.
Ce groupe d'étude comprend des ministres, des entrepreneurs du secteur de la technologie, des PDG de banques et d'organismes de placement, des représentants de la société civile, des responsables d'institutions multilatérales et de chefs de file intellectuels. Mais notre prochain rapport final, “People's Money: Harnessing Digitalization to Finance a Sustainable Future” (L'argent des gens : tirer parti de la numérisation pour financer un avenir durable) se concentre sur les besoins des gens ordinaires.
Le système financier, conclut le rapport, doit répondre aux besoins des individus en tant qu'épargnants, investisseurs, emprunteurs et contribuables. Il doit tirer parti de la technologie numérique pour que les gens reprennent les commandes de leurs finances, afin qu'ils puissent investir dans leurs propres projets ainsi que dans ceux de leur famille, de leur communauté, de leur pays et de la planète. Les pouvoirs publics, les organismes de réglementation et les institutions financières doivent soutenir et faciliter les perturbations qui nous attendent dans cette voie.
Il existe déjà des modèles utiles de perturbations de ce genre. L'Afrique – et en particulier mon pays, le Kenya – a ouvert la voie à la technologie financière, en commençant par l'argent mobile. Le M-Pesa du Kenya – un service de transfert d'argent, de paiement et de micro-financement par téléphone portable – est un moyen puissant de diffusion de l'inclusion financière. Depuis 2006, la part de la population kenyane ayant accès aux services financiers est passée de 26 % à plus de 82 %.
Les organismes publics ont adopté à leur tour les paiements en ligne – une évolution qui a renforcé la confiance du public dans les services financiers numériques. Aujourd'hui, plus de 90 % des paiements effectués sur l'e-plateforme centralisée de gouvernement du Kenya (eCitizen) impliquent de l'argent mobile .
L'innovation à l'initiative des pouvoirs publics et de la banque centrale, ainsi qu'une approche de l'apprentissage par la pratique, ont joué un rôle majeur dans les avancées dans ce domaine. Par exemple, l'entreprise kenyane M-Akiba, lancée en 2017, est la première obligation gouvernementale mobile au monde. Contrairement aux obligations d'État existantes, qui exigeaient un achat minimum de 50 000 KES (460 $), M-Akiba permet aux citoyens d'investir à partir de 30 $ seulement. En conséquence, les marchés de capitaux du Kenya sont devenus accessibles à l'ensemble de la population, tandis que le gouvernement a débloqué une base d'investisseurs entièrement nouvelle. Sans surprise, 85 % de ceux qui ont investi dans l'offre initiale de M-Akiba ont acheté à cette occasion des obligations d'État pour la première fois .
Pourtant, même si le Kenya – ainsi que plusieurs autres pays africains, comme le Rwanda, l'Afrique du Sud et les Seychelles – a fait d'énormes progrès pour mettre à profit les opportunités de la technologie financière, il reste encore beaucoup à faire. À un moment où les économies sont de plus en plus étroitement liées et où les modèles d'affaires numériques nécessitent des économies d'échelle pour prospérer, la création d'écosystèmes de finance numérique régionaux et même mondiaux est essentielle.
La Banque centrale du Kenya joue un rôle de premier plan dans ce domaine. En collaboration avec l'Autorité monétaire de Singapour, nous apprenons à promouvoir le secteur dynamique des technologies financières – un secteur qui s'étend de l'Afrique à l'Asie.
Plus ce secteur sera dynamique et étendu, mieux cela vaudra pour nos populations respectives. Après tout, intégrer les personnes précédemment non bancarisées au sein du système financier favorise directement la croissance économique et la création d'emplois décents, ce qui permet de réduire les inégalités économiques, la pauvreté et la faim. Associée à de nouvelles innovations dans le domaine de la finance numérique, une meilleure inclusion peut étendre l'accès à une éducation de qualité, à l'eau potable et à l'assainissement, et plus encore, à une amélioration globale de la santé et du bien-être.
En outre, en renforçant la capacité des ménages à épargner, l'inclusion financière crée davantage de capital disponible pour les investissements, qui peut être prêté aux petites et moyennes entreprises et permettre de financer le développement d'infrastructures vertes. Les innovations en matière de finance numérique, qui mettent en relation les personnes, l'argent et les données, contribuent à débloquer ces investissements.
Il faudra toutefois une surveillance efficace pour s'assurer que le financement numérique est véritablement au service des citoyens. Lorsque les gens ont accès au financement pour la première fois, ils courent des risques de manipulation et d'exploitation. Ceci est particulièrement vrai lorsque ce type de phénomène se produit à grande échelle, lorsque la concentration du marché augmente la puissance des grandes plateformes de finance numérique, dont un grand nombre fonctionnent déjà à l'échelle mondiale.
À moins que ces plateformes ne soient soumises à une réglementation et à une surveillance adéquates, les conséquences seront désastreuses, non seulement pour les usagers individuels, mais également pour une croissance économique durable et inclusive. Les économies en développement seraient les premières à subir ce type de revers.
La crise de la COVID-19 est une tragédie. Mais elle est également une occasion d'évoluer. Après des décennies de montée des inégalités et d'investissements non durables, nous disposons des outils et du savoir-faire pour mieux faire. La seule chose qui nous manque, c'est la volonté de nous en servir.
Patrick Njoroge, gouverneur de la Banque centrale du Kenya.
© Project Syndicate 1995–2020
Même avant la pandémie, le besoin d'exploiter la puissance de la finance numérique pour le bien de la planète et de ses citoyens était de plus en plus reconnu. En effet, c'était le principal objectif du Groupe d'étude du Secrétaire général sur le financement numérique des Objectifs de développement durable , auquel j'ai collaboré auquel j'ai collaboré au cours des 18 derniers mois.
Ce groupe d'étude comprend des ministres, des entrepreneurs du secteur de la technologie, des PDG de banques et d'organismes de placement, des représentants de la société civile, des responsables d'institutions multilatérales et de chefs de file intellectuels. Mais notre prochain rapport final, “People's Money: Harnessing Digitalization to Finance a Sustainable Future” (L'argent des gens : tirer parti de la numérisation pour financer un avenir durable) se concentre sur les besoins des gens ordinaires.
Le système financier, conclut le rapport, doit répondre aux besoins des individus en tant qu'épargnants, investisseurs, emprunteurs et contribuables. Il doit tirer parti de la technologie numérique pour que les gens reprennent les commandes de leurs finances, afin qu'ils puissent investir dans leurs propres projets ainsi que dans ceux de leur famille, de leur communauté, de leur pays et de la planète. Les pouvoirs publics, les organismes de réglementation et les institutions financières doivent soutenir et faciliter les perturbations qui nous attendent dans cette voie.
Il existe déjà des modèles utiles de perturbations de ce genre. L'Afrique – et en particulier mon pays, le Kenya – a ouvert la voie à la technologie financière, en commençant par l'argent mobile. Le M-Pesa du Kenya – un service de transfert d'argent, de paiement et de micro-financement par téléphone portable – est un moyen puissant de diffusion de l'inclusion financière. Depuis 2006, la part de la population kenyane ayant accès aux services financiers est passée de 26 % à plus de 82 %.
Les organismes publics ont adopté à leur tour les paiements en ligne – une évolution qui a renforcé la confiance du public dans les services financiers numériques. Aujourd'hui, plus de 90 % des paiements effectués sur l'e-plateforme centralisée de gouvernement du Kenya (eCitizen) impliquent de l'argent mobile .
L'innovation à l'initiative des pouvoirs publics et de la banque centrale, ainsi qu'une approche de l'apprentissage par la pratique, ont joué un rôle majeur dans les avancées dans ce domaine. Par exemple, l'entreprise kenyane M-Akiba, lancée en 2017, est la première obligation gouvernementale mobile au monde. Contrairement aux obligations d'État existantes, qui exigeaient un achat minimum de 50 000 KES (460 $), M-Akiba permet aux citoyens d'investir à partir de 30 $ seulement. En conséquence, les marchés de capitaux du Kenya sont devenus accessibles à l'ensemble de la population, tandis que le gouvernement a débloqué une base d'investisseurs entièrement nouvelle. Sans surprise, 85 % de ceux qui ont investi dans l'offre initiale de M-Akiba ont acheté à cette occasion des obligations d'État pour la première fois .
Pourtant, même si le Kenya – ainsi que plusieurs autres pays africains, comme le Rwanda, l'Afrique du Sud et les Seychelles – a fait d'énormes progrès pour mettre à profit les opportunités de la technologie financière, il reste encore beaucoup à faire. À un moment où les économies sont de plus en plus étroitement liées et où les modèles d'affaires numériques nécessitent des économies d'échelle pour prospérer, la création d'écosystèmes de finance numérique régionaux et même mondiaux est essentielle.
La Banque centrale du Kenya joue un rôle de premier plan dans ce domaine. En collaboration avec l'Autorité monétaire de Singapour, nous apprenons à promouvoir le secteur dynamique des technologies financières – un secteur qui s'étend de l'Afrique à l'Asie.
Plus ce secteur sera dynamique et étendu, mieux cela vaudra pour nos populations respectives. Après tout, intégrer les personnes précédemment non bancarisées au sein du système financier favorise directement la croissance économique et la création d'emplois décents, ce qui permet de réduire les inégalités économiques, la pauvreté et la faim. Associée à de nouvelles innovations dans le domaine de la finance numérique, une meilleure inclusion peut étendre l'accès à une éducation de qualité, à l'eau potable et à l'assainissement, et plus encore, à une amélioration globale de la santé et du bien-être.
En outre, en renforçant la capacité des ménages à épargner, l'inclusion financière crée davantage de capital disponible pour les investissements, qui peut être prêté aux petites et moyennes entreprises et permettre de financer le développement d'infrastructures vertes. Les innovations en matière de finance numérique, qui mettent en relation les personnes, l'argent et les données, contribuent à débloquer ces investissements.
Il faudra toutefois une surveillance efficace pour s'assurer que le financement numérique est véritablement au service des citoyens. Lorsque les gens ont accès au financement pour la première fois, ils courent des risques de manipulation et d'exploitation. Ceci est particulièrement vrai lorsque ce type de phénomène se produit à grande échelle, lorsque la concentration du marché augmente la puissance des grandes plateformes de finance numérique, dont un grand nombre fonctionnent déjà à l'échelle mondiale.
À moins que ces plateformes ne soient soumises à une réglementation et à une surveillance adéquates, les conséquences seront désastreuses, non seulement pour les usagers individuels, mais également pour une croissance économique durable et inclusive. Les économies en développement seraient les premières à subir ce type de revers.
La crise de la COVID-19 est une tragédie. Mais elle est également une occasion d'évoluer. Après des décennies de montée des inégalités et d'investissements non durables, nous disposons des outils et du savoir-faire pour mieux faire. La seule chose qui nous manque, c'est la volonté de nous en servir.
Patrick Njoroge, gouverneur de la Banque centrale du Kenya.
© Project Syndicate 1995–2020