La tradition veut également que soit soulevée de manière spécifique une problématique ou une question nécessitant une attention toute particulière, tradition à laquelle ne dérogera pas l’assemblée de cette année. La session du 19 septembre sera en effet consacrée à des discussions autour du sort des réfugiés (ainsi que des migrants), et des efforts supplémentaire qui peuvent et doivent être fournis pour leur venir en aide.
Comment pourrait-il en être autrement, à l’heure où les estimations font état de 21 millions de réfugiés à travers le monde. Initialement employé pour désigner les individus contraints de quitter leur pays pour fuir la persécution, le terme de réfugié inclut désormais également ceux qui n’ont d’autre choix que de traverser les frontières pour échapper aux conflits et à la violence. Le nombre de réfugiés est aujourd’hui considérablement supérieur aux chiffres d’il y a cinq ans, principalement en raison du chaos au Moyen-Orient, la Syrie représentant actuellement à elle seule le point de départ d’environ un réfugié sur quatre à l’échelle planétaire.
L’attention dont font preuve l’ONU et ses États membres autour de cette question ne constitue pas seulement le reflet d’une explosion du nombre de réfugiés, avec tout ce que ces chiffres impliquent comme souffrances pour les hommes, femmes et enfants contraints de quitter leur foyer et leur pays. Elle découle également de l’impact engendré par l’afflux de réfugiés sur les pays de destination eux-mêmes, qui l’un après l’autre voient leur univers politique bouleversé par ce nouveau défi.
En Europe, l’opposition politique croissante face la chancelière allemande Angela Merkel, le vote en faveur du Brexit, et la popularité grimpante des partis nationalistes, sont autant d’évolutions qui peuvent être attribuées aux peurs, fondées ou imaginaires, que suscite l’afflux de réfugiés. La charge économique et sociale exercée sur des pays comme la Jordanie, la Turquie, le Liban ou le Pakistan – auxquels il est demandé d’accueillir un grand nombre de réfugiés – est absolument considérable. Interviennent par ailleurs des questions de sécurité autour de la dissimulation d’éventuels terroristes parmi les réfugiés.
Il existe en principe quatre démarches judicieuses dans la résolution de la question des réfugiés. La première, et la plus essentielle, consiste à prendre des mesures pour que les individus ne soient plus contraints de fuir leur pays, ou, lorsque cette fuite est inévitable, à créer les conditions leur permettant de regagner leur pays.
Or, il faudrait pour cela que les États accomplissent bien davantage pour mettre un terme aux combats qui dévastent un certain nombre de territoires tels que la Syrie. Il n’existe malheureusement aucun consensus autour des moyens à employer. Et même lorsqu’une forme d’entente existe bel et bien, c’est alors la volonté d’engager les ressources militaires et économiques nécessaires qui fait défaut. Le nombre de réfugiés est ainsi voué à augmenter à travers le monde.
Une deuxième manière de venir en aide aux réfugiés consiste à assurer leur sécurité et leur bien-être. Les réfugiés sont particulièrement vulnérables lorsqu’ils se déplacent. Et lorsqu’ils arrivent à destination, de nombreux besoins fondamentaux – dont la santé, l’éducation et la sécurité des individus – doivent être satisfaits. C’est alors que le défi consiste pour les pays d’accueil à assurer un niveau suffisants de services essentiels.
La troisième composante de toute approche globale autour de la question des réfugiés implique l’emploi de ressources économiques contribuant à alléger la charge. Les États-Unis et l’Europe (aussi bien les États membres que l’UE elle-même) sont les premiers contributeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, là où de nombreux autres gouvernements se refusent à fournir leur part de contribution. Il est nécessaire que ces gouvernements soient nommément désignés et pointés du doigt.
Le dernier pilier de toute stratégie en la matière implique de désigner des territoires vers lesquels les réfugiés peuvent se rendre. Or, la réalité politique veut que la plupart des gouvernements refusent de s'engager autour du moindre chiffre ou pourcentage précis dans l’accueil des réfugiés du monde. Ici encore, il serait bon que ceux qui honorent leur part de contribution (voire au-delà) soient reconnus et applaudis – et les autres livrés à la critique.
Tout ceci nous ramène au rassemblement de New York. Et à cet égard, rares sont malheureusement les motifs d’optimisme. Le « projet de document » de 22 pages qui devra être voté lors de la réunion de haut niveau du 19 septembre – texte qui ne lésine pas sur les généralités et les principes, mais qui fait défaut sur le plan des détails et des politiques concrètes – ne promets d’ores et déjà pas d’améliorer significativement le sort des réfugiés. Et bien qu’il soit prévu qu’une réunion tenue le lendemain par le président américain Barack Obama produise des avancées sur le plan des financements, il ne faut pas s’attendre à un apport beaucoup plus conséquent.
Le défi des réfugiés met à nouveau en lumière une nette distorsion entre d’une part les efforts qu’exigerait une problématique globale, et d’autre par les efforts que le monde est disposé à fournir. Et ce constat est malheureusement le même pour la plupart des défis globaux, qu’il s’agisse du terrorisme, des changements climatiques, de la prolifération des armes, ou des questions de santé publique.
Dans le cadre des discussions de New York le mois prochain, nous pouvons nous attendre à de nombreux commentaires autour de la responsabilité consistant pour la communauté internationale à accomplir davantage pour venir en aide aux réfugiés actuels, et appréhender les phénomènes qui les conduisent à quitter leur pays natal. La triste réalité veut néanmoins qu’il n’existe qu’un faible degré de « communauté » au niveau international. Aussi longtemps qu’il en sera ainsi, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants n’auront d’autre choix que d’affronter un présent semé de dangers, et un futur sans véritable perspective.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Richard N. Haass, président du Conseil des relations étrangères, est l’auteur de l’ouvrage intitulé A World in Disarray , à paraître en janvier 2017.
Comment pourrait-il en être autrement, à l’heure où les estimations font état de 21 millions de réfugiés à travers le monde. Initialement employé pour désigner les individus contraints de quitter leur pays pour fuir la persécution, le terme de réfugié inclut désormais également ceux qui n’ont d’autre choix que de traverser les frontières pour échapper aux conflits et à la violence. Le nombre de réfugiés est aujourd’hui considérablement supérieur aux chiffres d’il y a cinq ans, principalement en raison du chaos au Moyen-Orient, la Syrie représentant actuellement à elle seule le point de départ d’environ un réfugié sur quatre à l’échelle planétaire.
L’attention dont font preuve l’ONU et ses États membres autour de cette question ne constitue pas seulement le reflet d’une explosion du nombre de réfugiés, avec tout ce que ces chiffres impliquent comme souffrances pour les hommes, femmes et enfants contraints de quitter leur foyer et leur pays. Elle découle également de l’impact engendré par l’afflux de réfugiés sur les pays de destination eux-mêmes, qui l’un après l’autre voient leur univers politique bouleversé par ce nouveau défi.
En Europe, l’opposition politique croissante face la chancelière allemande Angela Merkel, le vote en faveur du Brexit, et la popularité grimpante des partis nationalistes, sont autant d’évolutions qui peuvent être attribuées aux peurs, fondées ou imaginaires, que suscite l’afflux de réfugiés. La charge économique et sociale exercée sur des pays comme la Jordanie, la Turquie, le Liban ou le Pakistan – auxquels il est demandé d’accueillir un grand nombre de réfugiés – est absolument considérable. Interviennent par ailleurs des questions de sécurité autour de la dissimulation d’éventuels terroristes parmi les réfugiés.
Il existe en principe quatre démarches judicieuses dans la résolution de la question des réfugiés. La première, et la plus essentielle, consiste à prendre des mesures pour que les individus ne soient plus contraints de fuir leur pays, ou, lorsque cette fuite est inévitable, à créer les conditions leur permettant de regagner leur pays.
Or, il faudrait pour cela que les États accomplissent bien davantage pour mettre un terme aux combats qui dévastent un certain nombre de territoires tels que la Syrie. Il n’existe malheureusement aucun consensus autour des moyens à employer. Et même lorsqu’une forme d’entente existe bel et bien, c’est alors la volonté d’engager les ressources militaires et économiques nécessaires qui fait défaut. Le nombre de réfugiés est ainsi voué à augmenter à travers le monde.
Une deuxième manière de venir en aide aux réfugiés consiste à assurer leur sécurité et leur bien-être. Les réfugiés sont particulièrement vulnérables lorsqu’ils se déplacent. Et lorsqu’ils arrivent à destination, de nombreux besoins fondamentaux – dont la santé, l’éducation et la sécurité des individus – doivent être satisfaits. C’est alors que le défi consiste pour les pays d’accueil à assurer un niveau suffisants de services essentiels.
La troisième composante de toute approche globale autour de la question des réfugiés implique l’emploi de ressources économiques contribuant à alléger la charge. Les États-Unis et l’Europe (aussi bien les États membres que l’UE elle-même) sont les premiers contributeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, là où de nombreux autres gouvernements se refusent à fournir leur part de contribution. Il est nécessaire que ces gouvernements soient nommément désignés et pointés du doigt.
Le dernier pilier de toute stratégie en la matière implique de désigner des territoires vers lesquels les réfugiés peuvent se rendre. Or, la réalité politique veut que la plupart des gouvernements refusent de s'engager autour du moindre chiffre ou pourcentage précis dans l’accueil des réfugiés du monde. Ici encore, il serait bon que ceux qui honorent leur part de contribution (voire au-delà) soient reconnus et applaudis – et les autres livrés à la critique.
Tout ceci nous ramène au rassemblement de New York. Et à cet égard, rares sont malheureusement les motifs d’optimisme. Le « projet de document » de 22 pages qui devra être voté lors de la réunion de haut niveau du 19 septembre – texte qui ne lésine pas sur les généralités et les principes, mais qui fait défaut sur le plan des détails et des politiques concrètes – ne promets d’ores et déjà pas d’améliorer significativement le sort des réfugiés. Et bien qu’il soit prévu qu’une réunion tenue le lendemain par le président américain Barack Obama produise des avancées sur le plan des financements, il ne faut pas s’attendre à un apport beaucoup plus conséquent.
Le défi des réfugiés met à nouveau en lumière une nette distorsion entre d’une part les efforts qu’exigerait une problématique globale, et d’autre par les efforts que le monde est disposé à fournir. Et ce constat est malheureusement le même pour la plupart des défis globaux, qu’il s’agisse du terrorisme, des changements climatiques, de la prolifération des armes, ou des questions de santé publique.
Dans le cadre des discussions de New York le mois prochain, nous pouvons nous attendre à de nombreux commentaires autour de la responsabilité consistant pour la communauté internationale à accomplir davantage pour venir en aide aux réfugiés actuels, et appréhender les phénomènes qui les conduisent à quitter leur pays natal. La triste réalité veut néanmoins qu’il n’existe qu’un faible degré de « communauté » au niveau international. Aussi longtemps qu’il en sera ainsi, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants n’auront d’autre choix que d’affronter un présent semé de dangers, et un futur sans véritable perspective.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Richard N. Haass, président du Conseil des relations étrangères, est l’auteur de l’ouvrage intitulé A World in Disarray , à paraître en janvier 2017.