Représentant les plus grandes économies de la planète, les membres du G20 ont une responsabilité majeure lors de ce sommet : se mettre d'accord sur des mesures destinées à éradiquer la pandémie. Quelques pays du G20 ne s'en sortent pas trop mal, par contre ceux qui sont en difficulté doivent agir de toute urgence pour arrêter la propagation du virus. Et tous les pays du G20 doivent coopérer pour adopter une politique globale visant à surmonter la crise sanitaire.
La vue d'ensemble des pays du G20 est déprimante. Beaucoup d'entre eux ont été si mal gouvernés qu'ils ne sont absolument pas parvenus à contenir la pandémie. A en juger par les chiffres des deux dernières semaines, c'est au Brésil que la situation est la plus grave, avec 176 nouveaux cas journaliers par million d'habitants (son dirigeant irresponsable, Jair Bolsonaro, est lui-même atteint par le COVID-19). Derrière le Brésil, sous la conduite du Bolsonaro du nord, Trump, on trouve les USA, avec 137 nouveaux cas journaliers par million d'habitants. Deux autres pays du G20 alignent plus de 100 nouveaux cas journaliers par million d'habitants : l'Afrique du Sud (129) et l'Arabie saoudite (112).
Derrière ces pays lourdement frappés, avec 10 à 100 nouveaux cas journaliers par million d'habitants, il y a notamment la Russie (47), le Mexique (43), la Turquie (16), l'Inde (15) et le Royaume-Uni (11). Ces pays sont exposés à une augmentation significative de la diffusion du virus - le Mexique et l'Inde semblent les plus exposés.
Six pays du G20 rapportent entre 1 et 10 nouveaux cas journaliers par millions d'habitants, une fourchette relativement basse qui permet d'envisager la disparition du virus dans un avenir proche. Il s'agit du Canada (8), de la France (8), de l'Allemagne (5), de l'Indonésie (5), de l'Italie (4) et de l'Australie (3).
Seuls 3 pays du G20 rapportent moins d'un nouveau cas journalier par million d'habitants : la Corée du Sud (0,96), le Japon (0,9) et la Chine (0,01). Ces trois pays d'Asie du Nord-Est ont bénéficié de la combinaison nécessaire d'un leadership politique, du professionnalisme des spécialistes de santé publique et du comportement responsable de la population (utilisation des masques, maintien de la distanciation sociale et soucis de l'hygiène personnelle).
Une épidémie est un phénomène qui touche une société, elle exige une réponse collective. La Corée du Nord, le Japon et la Chine montrent qu'il est possible d'éradiquer le virus (autrement dit n'avoir que très peu de nouveaux cas) en faisant preuve de bon sens. Les personnes infectées doivent protéger celles qui ne le sont pas lors des deux semaines durant lesquelles elles sont contagieuses. Elles peuvent le faire de plusieurs manières : par la distanciation physique, le port du masque, le confinement à domicile ou dans un lieu prévu à cet effet.
Ces mesures ne doivent pas nécessairement être appliquées de manière draconienne, ce n'est guère possible, mais elles doivent l'être suffisamment pour qu'une personne infectée en contamine moins de une en moyenne. Autant que le COVID-19 n'a pas disparu, chacun de nous doit faire preuve de prudence en appliquant les mesures de distanciation sociale et en surveillant l'apparition de symptômes chez lui-même et chez les personnes avec lesquelles il est régulièrement en contact. Les responsables politiques doivent faciliter l'accès aux tests de dépistage et organiser l'aide aux personnes infectées en quarantaine, que ce soit ou non à domicile. En ce qui concerne les entreprises, les chefs d'équipe doivent prendre les mesures de protection nécessaires, notamment en organisant le télétravail et les mesures de distanciation sociale sur les lieux de travail.
Dans la plupart des cas, les gros échecs des pays du G20 ont pris naissance dans les strates supérieures de la société. Bolsonaro, Trump et ceux qui leur ressemblent sont des vantards, des petites brutes, des diviseurs et des sociopathes. Malgré le grand nombre de décès dans leurs pays, ils n'ont pas mis en place une politique efficace de santé publique et ils n'ont fait preuve d'aucune compassion à l'égard des victimes. Malheureusement, à part la chancelière Angela Merkel, on ne compte pas de femmes au pouvoir parmi les membres du G20 ; or les pays qui ont une femme à leur tête (Nouvelle-Zélande, Finlande, Danemark, et encore d'autres) s'en tirent bien mieux face à la pandémie.
Le fait que Bolsonaro soit un sociopathe impacte relativement peu le reste du monde (bien que sa politique antiécologique contribue à la destruction de l'Amazonie). Sociopathe lui aussi, Trump est un cas spécial, car il est à la tête de la première puissance militaire mondiale – c'est une tragédie qui touche toute la planète. Sa décision de retirer les USA de l'OMS en plein milieu d'une pandémie est lourde de conséquences immédiates sur le plan international. Il en est de même de la nouvelle guerre froide qu'il essaye de lancer contre la Chine, au lieu de protéger son pays en collaborant avec elle pour aider le reste du monde à combattre la pandémie.
La Chine pourrait être très utile à cette fin. Elle a pris les mesures les plus décisives pour stopper une pandémie fulminante après son apparition à Wuhan et elle pourrait bien être sur la voie de développer le premier vaccin contre le virus.
Ce qui se passe au niveau d'une société n'est pas le simple résultat de décisions politiques, cela dépend aussi de sa culture et de l'attitude de chacun. La culture confucianiste de l'Asie du Nord-Est met l'accent sur la coopération et les comportements qui tiennent compte d'autrui comme le port du masque. Soutenues par Trump, les têtes brûlées américaines proclament bruyamment leur droit à ne pas porter de masque - autrement dit leur liberté d'infecter autrui. On n'entend guère ce type de discours en Asie du Nord-Est.
Il faut souligner la passivité des dirigeants de grandes entreprises face à la pandémie. L'un des plus connus d'entre eux, Elon Musk, a réclamé le redémarrage de l'économie (et par conséquence de son entreprise), plutôt que d'utiliser son génie créatif pour aider à contenir le virus. C'est là aussi le résultat de la culture américaine : l'argent compte plus que les vies humaines, la fortune personnelle l'emporte sur l'intérêt général.
Les ministres du G20 parleront sûrement d'argent (budget, relance économique, politique monétaire), et il le faut, mais seulement après avoir discuté des moyens d'éradiquer le virus lui-même. Il est impossible de protéger l'économie si l'on n'arrête pas la pandémie. Autrement dit, une politique de santé publique efficace est indispensable pour sauver l'économie.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Jeffrey D. Sachs est professeur de développement durable et professeur de politique de santé publique et de gestion à l'université de Colombia à New-York. Il est aussi directeur du Centre pour le développement durable de cette université, et directeur du Réseau des solutions pour le développement durable de l'ONU.
© Project Syndicate 1995–2020
La vue d'ensemble des pays du G20 est déprimante. Beaucoup d'entre eux ont été si mal gouvernés qu'ils ne sont absolument pas parvenus à contenir la pandémie. A en juger par les chiffres des deux dernières semaines, c'est au Brésil que la situation est la plus grave, avec 176 nouveaux cas journaliers par million d'habitants (son dirigeant irresponsable, Jair Bolsonaro, est lui-même atteint par le COVID-19). Derrière le Brésil, sous la conduite du Bolsonaro du nord, Trump, on trouve les USA, avec 137 nouveaux cas journaliers par million d'habitants. Deux autres pays du G20 alignent plus de 100 nouveaux cas journaliers par million d'habitants : l'Afrique du Sud (129) et l'Arabie saoudite (112).
Derrière ces pays lourdement frappés, avec 10 à 100 nouveaux cas journaliers par million d'habitants, il y a notamment la Russie (47), le Mexique (43), la Turquie (16), l'Inde (15) et le Royaume-Uni (11). Ces pays sont exposés à une augmentation significative de la diffusion du virus - le Mexique et l'Inde semblent les plus exposés.
Six pays du G20 rapportent entre 1 et 10 nouveaux cas journaliers par millions d'habitants, une fourchette relativement basse qui permet d'envisager la disparition du virus dans un avenir proche. Il s'agit du Canada (8), de la France (8), de l'Allemagne (5), de l'Indonésie (5), de l'Italie (4) et de l'Australie (3).
Seuls 3 pays du G20 rapportent moins d'un nouveau cas journalier par million d'habitants : la Corée du Sud (0,96), le Japon (0,9) et la Chine (0,01). Ces trois pays d'Asie du Nord-Est ont bénéficié de la combinaison nécessaire d'un leadership politique, du professionnalisme des spécialistes de santé publique et du comportement responsable de la population (utilisation des masques, maintien de la distanciation sociale et soucis de l'hygiène personnelle).
Une épidémie est un phénomène qui touche une société, elle exige une réponse collective. La Corée du Nord, le Japon et la Chine montrent qu'il est possible d'éradiquer le virus (autrement dit n'avoir que très peu de nouveaux cas) en faisant preuve de bon sens. Les personnes infectées doivent protéger celles qui ne le sont pas lors des deux semaines durant lesquelles elles sont contagieuses. Elles peuvent le faire de plusieurs manières : par la distanciation physique, le port du masque, le confinement à domicile ou dans un lieu prévu à cet effet.
Ces mesures ne doivent pas nécessairement être appliquées de manière draconienne, ce n'est guère possible, mais elles doivent l'être suffisamment pour qu'une personne infectée en contamine moins de une en moyenne. Autant que le COVID-19 n'a pas disparu, chacun de nous doit faire preuve de prudence en appliquant les mesures de distanciation sociale et en surveillant l'apparition de symptômes chez lui-même et chez les personnes avec lesquelles il est régulièrement en contact. Les responsables politiques doivent faciliter l'accès aux tests de dépistage et organiser l'aide aux personnes infectées en quarantaine, que ce soit ou non à domicile. En ce qui concerne les entreprises, les chefs d'équipe doivent prendre les mesures de protection nécessaires, notamment en organisant le télétravail et les mesures de distanciation sociale sur les lieux de travail.
Dans la plupart des cas, les gros échecs des pays du G20 ont pris naissance dans les strates supérieures de la société. Bolsonaro, Trump et ceux qui leur ressemblent sont des vantards, des petites brutes, des diviseurs et des sociopathes. Malgré le grand nombre de décès dans leurs pays, ils n'ont pas mis en place une politique efficace de santé publique et ils n'ont fait preuve d'aucune compassion à l'égard des victimes. Malheureusement, à part la chancelière Angela Merkel, on ne compte pas de femmes au pouvoir parmi les membres du G20 ; or les pays qui ont une femme à leur tête (Nouvelle-Zélande, Finlande, Danemark, et encore d'autres) s'en tirent bien mieux face à la pandémie.
Le fait que Bolsonaro soit un sociopathe impacte relativement peu le reste du monde (bien que sa politique antiécologique contribue à la destruction de l'Amazonie). Sociopathe lui aussi, Trump est un cas spécial, car il est à la tête de la première puissance militaire mondiale – c'est une tragédie qui touche toute la planète. Sa décision de retirer les USA de l'OMS en plein milieu d'une pandémie est lourde de conséquences immédiates sur le plan international. Il en est de même de la nouvelle guerre froide qu'il essaye de lancer contre la Chine, au lieu de protéger son pays en collaborant avec elle pour aider le reste du monde à combattre la pandémie.
La Chine pourrait être très utile à cette fin. Elle a pris les mesures les plus décisives pour stopper une pandémie fulminante après son apparition à Wuhan et elle pourrait bien être sur la voie de développer le premier vaccin contre le virus.
Ce qui se passe au niveau d'une société n'est pas le simple résultat de décisions politiques, cela dépend aussi de sa culture et de l'attitude de chacun. La culture confucianiste de l'Asie du Nord-Est met l'accent sur la coopération et les comportements qui tiennent compte d'autrui comme le port du masque. Soutenues par Trump, les têtes brûlées américaines proclament bruyamment leur droit à ne pas porter de masque - autrement dit leur liberté d'infecter autrui. On n'entend guère ce type de discours en Asie du Nord-Est.
Il faut souligner la passivité des dirigeants de grandes entreprises face à la pandémie. L'un des plus connus d'entre eux, Elon Musk, a réclamé le redémarrage de l'économie (et par conséquence de son entreprise), plutôt que d'utiliser son génie créatif pour aider à contenir le virus. C'est là aussi le résultat de la culture américaine : l'argent compte plus que les vies humaines, la fortune personnelle l'emporte sur l'intérêt général.
Les ministres du G20 parleront sûrement d'argent (budget, relance économique, politique monétaire), et il le faut, mais seulement après avoir discuté des moyens d'éradiquer le virus lui-même. Il est impossible de protéger l'économie si l'on n'arrête pas la pandémie. Autrement dit, une politique de santé publique efficace est indispensable pour sauver l'économie.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Jeffrey D. Sachs est professeur de développement durable et professeur de politique de santé publique et de gestion à l'université de Colombia à New-York. Il est aussi directeur du Centre pour le développement durable de cette université, et directeur du Réseau des solutions pour le développement durable de l'ONU.
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