Nous envisageons la création de deux ou trois autres banques dans nos pays majeurs pour renforcer notre synergie Vie, IARD et banque
-Il y a 23 ans, en 1998, alors employé d’un grand groupe avec un traitement confortable, vous créez le Groupe SUNU avec vos partenaires. D’abord qui était Pathé Dione en ce moment-là ?
Professeur de Mathématiques (1967-1972), passionné des assurances, j’ai été étudiant salarié aux Mutuelles du Mans – Paris (1972 -1979) ; ma formation portait en même temps sur des études en Assurances et en Economie, sanctionnées par le Diplôme du Centre des Hautes Etudes en Assurances (CHEA) et un doctorat ès Sciences Economiques au Panthéon Sorbonne. J’ai été Directeur Général de COLINA SA (ex Saham) en Côte d’Ivoire (1980-1985) puis Directeur Zone Afrique à l’UAP International et à AXA (1985-1999).
-Qu’est-ce qui expliquait le choix de l’entreprenariat à 57 ans à l’heure où beaucoup d’entre nous pensent aux rentes viagères ?
Une opportunité de rachat des sociétés Axa en Afrique s’est présentée. L’ambition de servir les Africains et de démontrer que les africains peuvent construire, gérer et faire prospérer un groupe avec des standards internationaux a fait le reste.
-Une année après la création de SUNU, en 1999, SUNU Finances (société mère du Groupe SUNU), rachète cinq filiales du groupe AXA-UAP, une grosse surprise à l’époque. Pouvez-vous revenir sur les conditions de ces acquisitions ?
AXA avait décidé de recentrer son activité en Afrique sur des pays à meilleur potentiel. En tant que Directeur Afrique AXA – UAP, je voulais pérenniser l’œuvre car je croyais au potentiel des marchés d’Assurances en Afrique. Les conditions de cession ont été très abordables, avec un accord de partenariat avec AXA pendant les premières années.
-Aujourd’hui, Pathé Dione, 23 ans après avoir créé SUNU, que représente le groupe en termes d’effectifs, de nombre de filiales et de branches d’activité ?
A la fin 2020, le Groupe SUNU comptait plus de 4000 collaborateurs dans 16 pays en Afrique subsaharienne francophone et anglophone. Le Groupe comprend 29 sociétés dont 8 compagnies d’assurance Vie, 15 Non-Vie, une banque, une société de microfinance et une société de gestion santé. SUNU a enregistré un chiffre d’affaires consolidé de 206, 628 Milliards F CFA (315 Millions €) et a géré plus de 517, 35 Milliards FCFA (788 Millions €) d’actifs pour le compte de ses assurés et bénéficiaires de contrats. Le total Bilan était de 877,9 Milliards F CFA (1, 338 Milliard €) en fin 2020.
J’avais pris l’engagement auprès du Président Macky SALL de créer une Holding faîtière au Sénégal, c’est ainsi qu’en avril 2019, SUNU Participations Holding West Africa a été créée à Dakar, elle détient désormais toutes les participations des filiales du Groupe de la zone UEMOA pour un total de plus de 28 milliards F CFA ; c’est une première étape. Je voudrais profiter de l’occasion pour remercier le Ministre sénégalais des Finances et du Budget, Monsieur Abdoulaye Daouda DIALLO, qui a facilité la concrétisation du projet.
-Entreprendre en Afrique n’est pas chose aisée, dit-on. Quels ont été les défis les plus importants que vous avez eu à relever dans la stratégie de développement du groupe ?
Il y a d’abord la disponibilité de ressources humaines bien formées. Puis, le coût élevé des biens importés avec une taxation à l’entrée prohibitive, entrainant un déséquilibre des frais généraux. Mais aussi, le manque de système de sécurité sociale, faisant en sorte que l’Assurance Maladie, produit à forte demande, est déficitaire. En outre, la méconnaissance de l’assurance par certaines tranches de la population, les habitudes culturelles, le faible taux de bancarisation, la superstition sont des freins naturels à la promotion des produits d’assurance.
De plus, certaines dispositions de la réglementation sur les assurances sont non adaptées aux réalités africaines (tables de mortalité, mesures de mises en demeure, niveau de capital minimum).
-Les compagnies d’assurance plaident constamment pour un agrément unique dans l’espace CIMA et une facilitation des placements entre les deux zones bancaires de l’UEMOA et de la CEMAC. Quelle serait l’incidence de ces deux demandes dans le développement de l’assurance en Afrique zone CIMA ?
Pour les groupes panafricains comme les nôtres, l’agrément unique n’aurait pas d’impact significatif puisque nous sommes déjà présents dans la plupart des pays de la CIMA. Une approche de capital minimum par pays ferait plus de sens car serait en phase avec la taille des marchés.
Le code CIMA permet aux compagnies d’assurance agréées dans un pays d’effectuer des placements dans tout l’espace CIMA (article 335 du code CIMA). Cependant, en pratique c’est extrêmement difficile à mettre en œuvre, tant les formalités administratives entre les deux zones bancaires UEMOA et CEMAC sont longues et contraignantes.
-Vous avez reçu un certain nombre de distinctions en tant qu’entrepreneur, citoyen du monde et d’Afrique. Pouvez-vous les énumérer et expliquer leurs portées symboliques ?
Je citerai en premier les 4 reconnaissances de mon pays d’origine :
– Officier de l’ordre du mérite du Sénégal – 1995
– Commandeur de l’ordre du mérite du Sénégal – 1999
– Grand Officier de l’ordre du mérite du Sénégal – 2016
– Grand-Croix de l’Ordre du Mérite du Sénégal – 2020
La reconnaissance dans mon pays de cœur :
– Officier de l’ordre national de la République de Côte d’Ivoire – 2012.
Autres distinctions :
– Officier de l’ordre du mérite de la République Centrafricaine – 2002.
– Prix du Deal de l’année pour l’acquisition des sociétés Allianz dans 5 pays aux Financial Afrik Awards – 2019
– Prix du Meilleur Assureur Africain en 2020 aux Financial Afrik Awards 2020
-En 2017, le groupe Saham est entré dans le capital du Groupe SUNU. Vous aviez, à l’époque, dénoncé une entrée par effraction. Comment gérez-vous cette «intrusion» aujourd’hui ?
Depuis lors, la récupération des parts détenues par Saham Finances a été ma priorité. En mars 2018, toutes les parts du pôle assurances de Saham Finances ont été cédées au groupe sud-africain Sanlam. Des discussions ont été entamées dès 2019 avec le groupe Sanlam, aboutissant à un accord de principe de la sortie de Saham Finances du capital de SUNU Finances.
Au 31 décembre 2020, le groupe Sanlam et moi-même avons signé un accord, pour la reprise de la totalité des parts détenues par Saham Finances dans SUNU Finances.
Aujourd’hui, SUNU Finances appartient exclusivement aux actionnaires historiques du Groupe SUNU, détenu par la Financière Dione SAS à 54,73%, M. Pathé DIONE à 26,44% et d’autres partenaires à 18,83%. Ma famille et moi-même détenons plus de 81% du Groupe.
Tout est donc rentré dans l’ordre. Nous avons entièrement récupéré nos actions et avons pris des dispositions pour que ce genre de désagrément ne se reproduise plus.
-En 2019, alors que l’on vous croyait assagi, occupé au développement organique de votre groupe, vous rachetez cinq filiales du groupe Allianz. Que peut-on dire des enjeux de cette opération ?
Cette acquisition est en droite ligne avec notre stratégie de développement. En quittant ces pays, le groupe Allianz souhaitait confier sa clientèle à un groupe africain de référence capable de délivrer la meilleure qualité de service et a donc choisi le Groupe SUNU.
Notre ambition reste la même : croissance organique combinée à de la croissance externe. Nous prendrons le temps nécessaire pour atteindre nos objectifs, en ayant toujours à l’esprit cette pensée : «le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui».
-SUNU est aujourd’hui leader de l’assurance vie en zone CIMA, avec une forte présence dans l’IARD et une banque en croissance. Quelle est votre stratégie de développement et quelles sont vos perspectives d’avenir ?
Le Groupe SUNU est leader de l’assurance vie en zone CIMA depuis 2013. Nous avons consolidé cet acquis et renforcé notre offre avec des sociétés IARD dans nos pays de présence. Nous envisageons la création de deux ou trois autres banques dans nos pays majeurs pour renforcer notre synergie Vie, IARD et banque.
Nous ambitionnons offrir des solutions packagées accessibles dans chaque société ou agence SUNU quel que soit le secteur.
La digitalisation de la totalité de nos processus actuellement en cours permettra d’adresser de nouveaux segments de clientèle.
Nous avons entamé un programme pluriannuel de digitalisation du groupe qui porte notre ambition à :
-mieux servir nos clients où qu’ils soient, de manière efficiente,
-maîtriser les coûts de nos opérations,
-moderniser l’organisation du Groupe en repositionnant certains métiers et en redimensionnant certaines entités.
-adresser de nouveaux segments de clientèle
- Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs qui veulent se lancer dans les affaires ?
Trois clés de succès :
-Le travail, avec le respect de ses engagements;
-L’innovation, pour avoir une longueur d’avance sur ses concurrents;
-L’agilité, la capacité d’adaptation aux évolutions des marchés pour une entreprise au succès pérenne.
En un mot, comme en plusieurs : «faire pour savoir et savoir pour faire».
https://www.financialafrik.com