Le défi de l’investissement à long terme

Lundi 29 Juin 2015

Tandis que la plus grave crise économique de notre existence entre dans sa septième année, la plupart des pays de l’OCDE demeurent en sous-performance. Cette année, la croissance du PIB des économies les plus développées de la planète devrait atteindre une moyenne de 2 %, contre 3,2 % à l’échelle mondiale. La période 2016 ne devrait pas être beaucoup plus prospère, étant prévu que la production augmente de 2,5 % dans l’OCDE, et que le PIB du reste de la planète connaisse une croissance de 3,8 % – aux alentours de la moyenne d’avant-crise.


Angel Gurría, le Secrétaire général de l’OCDE.
Angel Gurría, le Secrétaire général de l’OCDE.
Mais ce sont bel et bien les perspectives économiques à long terme de l’ensemble de la planète qui apparaissent assombries. À mesure que beaucoup de pays de l’OCDE connaissent un vieillissement de leur population, et que le rattrapage de croissance observé dans les principales économies émergentes commence à retomber, il est prévu que la croissance diminue au point de passer d’un niveau annuel moyen de 3,6 %, pour la période 2010-2020, à un niveau estimé à 2,4 % pour 2050-2060.
Bien qu’il s’agisse d’un déclin inévitable, il est possible d’agir pour l’atténuer. La mise en œuvre de politiques d’appui et d’incitation aux investissements à long terme sera indispensable si nous entendons nous extraire de la crise actuelle, et booster le potentiel de croissance planétaire.
Les investissements, publics et privés, sont aujourd’hui nécessaires pour promouvoir la croissance verte, soutenir l’innovation et l’entrepreneuriat, contribuer à réduire les écarts d’inégalité que la crise est venue accentuer, ainsi que pour contribuer à bâtir les compétences essentielles à des économies plus résilientes, et à des sociétés plus inclusives. Bien que la réponse à ces défis exige plusieurs changements radicaux en termes de comportement des gouvernements et des investisseurs, cette démarche est vouée à payer. En bref, comme cela a été évoqué lors du Forum de l’OCDE et de la réunion de son Conseil au niveau des ministres la semaine dernière, il nous faut désormais promouvoir des investissements axés sur les populations et sur la planète.
La liste est longue s’agissant des défis structurels auxquels sont confrontés les pays du monde entier. Pour autant, les efforts fournis afin d’en surmonter au moins quatre – chômage de masse, main-d’œuvre vieillissante, changement climatique, et défaillance des infrastructures – pourraient se trouver sensiblement facilités par la mise en œuvre de politiques de promotion des investissements à long terme.
La résolution de la crise du chômage, qui affecte particulièrement la jeunesse, exigera non seulement une solide reprise, mais également que soit placée un accent renouvelé sur le développement des compétences. Il sera essentiel d’investir dans une éducation et une formation professionnelle de haute qualité, ainsi que dans un apprentissage basé sur le travail. Ces types d’investissements demeurent en effet bénéfiques tout au long de la vie du travailleur, la découverte de nouvelles compétences et connaissances lui permettant en effet de s’adapter à un environnement technologique et commercial en pleine évolution. Le fait d’appuyer les travailleurs d’aujourd’hui contribuera également à répondre aux défis qu’implique le vieillissement des populations.
En plaçant davantage l’accent sur l’investissement à long terme, nous serons mieux armés pour résoudre les contradictions traditionnellement associées à la lutte contre le changement climatique et à la construction d’infrastructures. Le premier de ces aspects implique en effet que soient réduites les émissions de gaz à effet de serre, tandis que le second a tendance à promouvoir l’utilisation de combustibles fossiles pour les transports et énergies. La solution est toutefois relativement simple, à condition que soit fournie la volonté politique suffisante : en imposant un prix sur le carbone, et en supprimant les politiques incitant à la consommation de combustibles fossiles, les investissements pourraient être canalisés en direction de la création d’une économie à la fois faiblement émettrice de carbone et porteuse des infrastructures écologiques nécessaires.
Afin d’encourager les investisseurs privés à soutenir de projets responsables à long terme, il est nécessaire que les gouvernements élaborent des politiques et des cadres cohérents. En effet, outre la question des incertitudes immédiates, ces investisseurs se trouvent entravés par un manque d’incitations, ainsi que par un excès de facteurs tendant à réduire les retours sur investissement. Interviennent notamment des réglementations restrictives, qui affectent la capacité des sociétés à entreprendre de nouvelles activités, ou à pénétrer sur de nouveaux marchés, particulièrement au travers des frontières. La dernière version du Cadre d’action pour l’investissement  de l’OCDE fournit une feuille de route en appui de l’investissement et de comportements responsables de la part des entreprises.
Les gouvernements vont par ailleurs devoir faciliter la participation des investisseurs institutionnels. Le défi de l’investissement à long terme ne pourra être relevé si nous n’attirons pas davantage de sources de financement privées et diverses. En 2013, les investisseurs institutionnels des seuls pays de l’OCDE détenaient plus de 57 000 milliards $ d’actifs, tandis que les fonds de pension recueillaient cette année-là près de 1 000 milliards $ de nouvelles contributions.
Les outils susceptibles d’être utilisés pour la levée d’investissements institutionnels  pourraient inclure des partenariats public-privé destinés à développer des réserves de projets clairs et transparents aux fins de démarches d’infrastructures vertes, la mise en place de banques et obligation vertes, ainsi que d’instruments de réduction du risque et d’accroissement de la disponibilité des crédits. Il sera nécessaire d’examiner les réglementations régissant la comptabilité et le financement à l’international, afin d’identifier celles des politiques qui tendent par inadvertance à dissuader les investisseurs institutionnels de placer leurs ressources dans des actifs illiquides de plus long terme.
Enfin, il s’agira de renforcer le marché des actions. En principe, les économies réalisées doivent être canalisées en direction des entreprises ayant besoin de capitaux pour faire avancer l’innovation et pérenniser la création d’emplois. Or, aujourd’hui, la qualité des cadres de gouvernance d’entreprise à travers le monde se heurte à la complexité croissante des chaînes d’investissement, ainsi qu’à la prédominance de stratégies d’investissement passif et à court terme.
Dans un monde totalement interdépendant, la conception d’un meilleur système de finance et d’investissement ne peut s’opérer à l’échelle des simples États. Certes, il n’existe pas de modèle unique en matière de développement économique, mais tant que nous nous disposerons pas de normes internationales et de réglementations complémentaires, les perspectives à long terme de l’économie mondiale demeureront peu réjouissantes.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Angel Gurría est Secrétaire général de l’OCDE.
 
chroniques


Dans la même rubrique :
< >

Lundi 21 Octobre 2024 - 00:26 Débloquer l'apprentissage par l'IA

chroniques | Editos | Analyses




En kiosque.














Inscription à la newsletter