Dans la mesure où les prévisions pré-électorales des grands médias ont été prises au sérieux, les marchés semblent avoir prédit – jusqu'au 3 novembre – que Joe Biden serait le grand favori, que les démocrates reprendraient le Sénat et garderaient le contrôle de la Chambre des Représentants. Si cela s'était produit, les démocrates auraient peut-être interprété leur victoire éclatante comme un mandat pour un programme progressiste ambitieux.
Cela aurait probablement inclus des augmentations significatives des dépenses publiques en biens et services (y compris dans la santé et l'éducation); des réformes fiscales et réglementaires peu favorables aux entreprises; des politiques plus protectionnistes en matière de commerce et d’investissement étranger; et une redistribution des revenus de grande envergure (y compris une augmentation de la sécurité sociale et des allocations de chômage). Les marchés auraient perçu cet agenda comme néfaste pour les évaluations des actifs risqués.
Cependant, maintenant que les républicains sont sur la bonne voie pour conserver le contrôle du Sénat et ont fait des progrès surprenants à la Chambre, il n'y aura pas de mandat pour un programme démocrate audacieux. Toute politique adoptée devra obtenir au moins en partie un soutien bipartisan. Les législateurs seront réduits à négocier des mesures bénéficiant d'une large adhésion, comme une relance budgétaire cyclique favorable aux entreprises. Par rapport aux anticipations antérieures d'une vague bleue, les marchés considèrent ce scénario comme un motif de célébration.
Certes, il y a eu beaucoup de désordre et de dysfonctionnement politiques – y compris des problèmes constitutionnels potentiels, des allégations sans fondement de fraude électorale et un retard de plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Mais une grande partie de tout cela était anticipée, étant donné que les États-Unis restent au cœur d'une pandémie et que le président américain Donald Trump a longtemps indiqué précisément comment il réagirait à une élection serrée.
Les médias et les responsables électoraux ont averti pendant des mois l'électorat qu'il y aurait des retards et que le vainqueur ne serait probablement pas connu le jour du scrutin. Il fallait s'attendre à des demandes de recomptage. Cela en soi n'est pas inquiétant ; et des recomptages changent rarement les résultats.
Dans cette élection exceptionnelle, de par le grand volume de bulletins de vote envoyé par la poste et le niveau d’hostilité inédit, il est tout à fait normal que l'une ou l'autre des parties, ou les deux, répondent à un résultat serré en se demandant si les règles ont été enfreintes. Mais, encore une fois, tant que les autorités compétentes résolvent ces différends au cours des prochaines semaines, les marchés toléreront très probablement l'incertitude.
D'un autre côté, si le résultat final est retardé à un degré qui rappelle le conflit Bush contre Gore, qui a traîné jusqu'au 12 décembre 2000, l'optimisme du marché et le sentiment économique commenceront probablement à souffrir. Il y a inévitablement un moment où le manque continu de résolution devient un problème. Bien que cela reste improbable, le refus catégorique de l'un des candidats d'accepter le résultat officiel aurait de graves implications pour les marchés et le système politique américain. Entre autres choses, une telle crise empêcherait probablement la promulgation de projets de loi de relance budgétaire si nécessaires et déjà en retard, laissant la Réserve fédérale américaine, une fois de plus, seule en charge de mesures anticycliques.
Dans tous les cas, le résultat électoral le plus probable aurait un impact positif sur les marchés et un effet plus ou moins neutre sur l'ensemble de l'économie. Biden n'est pas un socialiste autoproclamé comme Bernie Sanders, et il devra presque certainement faire face à une farouche résistance républicaine au Sénat. De plus, six des neuf juges de la Cour suprême sont désormais de fervents conservateurs. Il est difficile d’imaginer qu’un programme sérieusement hostile aux entreprises soit mis en œuvre dans ces conditions. En même temps, l’adoption d’un plan de relance budgétaire anticyclique significatif sera une fatalité. Que pourraient donc ne pas apprécier les marchés ?
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Willem H. Buiter est professeur invité en affaires internationales et publiques à l'Université de Columbia. Anne Sibert est professeur d'économie à Birkbeck, Université de Londres.
Cela aurait probablement inclus des augmentations significatives des dépenses publiques en biens et services (y compris dans la santé et l'éducation); des réformes fiscales et réglementaires peu favorables aux entreprises; des politiques plus protectionnistes en matière de commerce et d’investissement étranger; et une redistribution des revenus de grande envergure (y compris une augmentation de la sécurité sociale et des allocations de chômage). Les marchés auraient perçu cet agenda comme néfaste pour les évaluations des actifs risqués.
Cependant, maintenant que les républicains sont sur la bonne voie pour conserver le contrôle du Sénat et ont fait des progrès surprenants à la Chambre, il n'y aura pas de mandat pour un programme démocrate audacieux. Toute politique adoptée devra obtenir au moins en partie un soutien bipartisan. Les législateurs seront réduits à négocier des mesures bénéficiant d'une large adhésion, comme une relance budgétaire cyclique favorable aux entreprises. Par rapport aux anticipations antérieures d'une vague bleue, les marchés considèrent ce scénario comme un motif de célébration.
Certes, il y a eu beaucoup de désordre et de dysfonctionnement politiques – y compris des problèmes constitutionnels potentiels, des allégations sans fondement de fraude électorale et un retard de plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Mais une grande partie de tout cela était anticipée, étant donné que les États-Unis restent au cœur d'une pandémie et que le président américain Donald Trump a longtemps indiqué précisément comment il réagirait à une élection serrée.
Les médias et les responsables électoraux ont averti pendant des mois l'électorat qu'il y aurait des retards et que le vainqueur ne serait probablement pas connu le jour du scrutin. Il fallait s'attendre à des demandes de recomptage. Cela en soi n'est pas inquiétant ; et des recomptages changent rarement les résultats.
Dans cette élection exceptionnelle, de par le grand volume de bulletins de vote envoyé par la poste et le niveau d’hostilité inédit, il est tout à fait normal que l'une ou l'autre des parties, ou les deux, répondent à un résultat serré en se demandant si les règles ont été enfreintes. Mais, encore une fois, tant que les autorités compétentes résolvent ces différends au cours des prochaines semaines, les marchés toléreront très probablement l'incertitude.
D'un autre côté, si le résultat final est retardé à un degré qui rappelle le conflit Bush contre Gore, qui a traîné jusqu'au 12 décembre 2000, l'optimisme du marché et le sentiment économique commenceront probablement à souffrir. Il y a inévitablement un moment où le manque continu de résolution devient un problème. Bien que cela reste improbable, le refus catégorique de l'un des candidats d'accepter le résultat officiel aurait de graves implications pour les marchés et le système politique américain. Entre autres choses, une telle crise empêcherait probablement la promulgation de projets de loi de relance budgétaire si nécessaires et déjà en retard, laissant la Réserve fédérale américaine, une fois de plus, seule en charge de mesures anticycliques.
Dans tous les cas, le résultat électoral le plus probable aurait un impact positif sur les marchés et un effet plus ou moins neutre sur l'ensemble de l'économie. Biden n'est pas un socialiste autoproclamé comme Bernie Sanders, et il devra presque certainement faire face à une farouche résistance républicaine au Sénat. De plus, six des neuf juges de la Cour suprême sont désormais de fervents conservateurs. Il est difficile d’imaginer qu’un programme sérieusement hostile aux entreprises soit mis en œuvre dans ces conditions. En même temps, l’adoption d’un plan de relance budgétaire anticyclique significatif sera une fatalité. Que pourraient donc ne pas apprécier les marchés ?
Traduit de l’anglais par Timothée Demont
Willem H. Buiter est professeur invité en affaires internationales et publiques à l'Université de Columbia. Anne Sibert est professeur d'économie à Birkbeck, Université de Londres.