Monsieur le président vous êtes à la tête de Fédération des Associations professionnelles des banques et établissements financiers (FAPBEF-UEMOA). Pouvez-vous nous rappeler les missions de cette organisation communautaire ?
L’Apbef du Sénégal a en effet l’insigne honneur de présider depuis janvier 2023, et pour 2 ans, la Fédération des Apbef de l’UEMOA dont les principales missions assignées par l’assemblée constitutive sont d’une part, l’harmonisation des règles et pratiques qui régissent les associations membres, c’est-à-dire les Apbef , et la défense des intérêts des membres auprès des autorités communautaires et d’autre part, la veille et la mise en commun des renseignements utiles pour la communauté bancaire de l’UEMOA et la contribution au développement de l’épargne, de l’inclusion financière et de la bancarisation, et enfin, le partage d’informations entre les membres mais également entre la FAPBEF-UEMOA et d’autres organisations partenaires locales ou étrangères.
A ces missions s’ajoutent d’autre et pas des moindres, comme :
Quels sont les principaux défis qui se dressent devant la FAPBEF-UEMOA?
La FAPBEF est confrontée à de nombreux défis d’ordre communautaire et international dont les plus prégnants de l’heure sont :
La place bancaire de Dakar est la deuxième après la Côte d’Ivoire ? Pouvez-vous nous faire un point sur la situation du marché sénégalais à fin 2022 ? Quelles sont les tendances pour l’exercice 2023 ?
Le Sénégal est en effet la deuxième économie de la Zone UEMOA derrière la Côte d’Ivoire selon les dernières données publiées par la Banque mondiale avec un Pib de 1.606 dollars (soit 917.190 FCFA) par habitant contre 2276,3 dollars (environ 1,3 millions FCFA) par habitant pour la Côte d’Ivoire.
Le niveau relativement élevé atteint par le Sénégal, par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne, résulte du grand dynamisme économique du pays, dont la croissance du Pib s’est établie à 5,1 % en moyenne annuelle sur la période de cinq années 2017-2021.
Dans un contexte de sortie de la crise sanitaire covid-19 et de tensions inflationnistes, qui se sont exacerbées au début de l’année 2023 avec le conflit russo-ukrainien, le système bancaire a néanmoins fait preuve d’une bonne résilience en 2022.
La situation du système bancaire sénégalais est aujourd’hui « globalement satisfaisante » avec un bénéfice de 25, 2 milliards de francs CFA réalisé au premier trimestre 2023.
A fin mars 2023 les principaux agrégats des banques se sont inscrits en hausse. Ils se caractérisent par la progression des encours de crédits de 16,3% soit 6.861 milliards FCFA, une amélioration de la qualité du portefeuille à fin mars 2023 avec un taux de dégradation net de 2,8%.
Sur la base des chiffres provisoires de la Direction nationale de la Bceao, les banques sénégalaises ont réalisé, en 2022, un bénéfice net d’impôts de 153,9 milliards contre 128,7 milliards à fin décembre 2021, soit une hausse de 25,2 milliards (+19,6%)’’.
Quelles sont les performances et les principales contraintes à relever ?
Le système bancaire est confronté à un certain nombre de défis, tantôt évoqués, et qui nécessitent au-delà de la bataille de la résilience, une capacité à lever progressivement les contraintes majeures qui sont identifiées sur la place de Dakar et plus généralement dans la zone UEMOA.
Dans ce chantier, le système dispose d’atouts certains mais fait face aussi à des contraintes :
Au titre des atouts :
Une plus grande satisfaction de la clientèle à travers le renforcement de la qualité des services et prestations bancaires et le financement des besoins exprimés, constitue une préoccupation récurrente des usagers et clients. Cela semble difficile à réaliser si on écoute ces derniers ?
La satisfaction de la clientèle par des services et prestations de qualité est une de nos principales préoccupations nous aussi. C’est un objectif auquel nous sommes attachés, et pour lequel, les banques ont, diversifié et modernisé leurs produits et services et mobilisé des investissements considérables, ces dernières années.
La digitalisation des produits bancaires a contribué, il est vrai, à nous rapprocher de nos clients ; de même, la modernisation des services et la formation du personnel ont également été des leviers essentiels pour la réalisation de cet objectif.
Par exemple, consulter son compte, faire des transferts de compte à compte, de compte à wallet et inversement, disposer des relevés des opérations bancaires, commander un chéquier, disposer de ses avis d’opération y compris celles par transactions monétiques, etc., et ce à tout moment et en tout lieu, sont devenus des actes spontanés du quotidien et cela va en s’améliorant.
Le financement des clients, qui est notre cœur de métier doit s’effectuer, et c’est normal, avec des sûretés pour minorer les incidents et contentieux, qui pourraient avoir pour conséquence une baisse de la capacité globale de financement de l’économie.
Maintenant, dans notre métier les clients contents ne disent rien et c’est normal ! Ceux qui se plaignent, à tort ou à raison nous permettent de nous améliorer et de réduire les « espaces d’incompréhension » qui sont souvent amplifiés par les réseaux sociaux.
Mais rassurez-vous, le Client est et reste au centre des préoccupations de l’APBEFS et ses membres.
La problématique de l’inclusion financière et de la bancarisation des populations face à la faiblesse de l’éducation financière des populations est au cœur des politiques publiques au niveau national et communautaire. Quelle est la place et le rôle joué par les banques sénégalaises ?
Au regard des spécificités de l'Union économique monétaire ouest africain (UEMOA), la Bceao définit l'éducation financière comme le processus par lequel les populations sont informées, sensibilisées et formées sur les concepts financiers, dans le but d’améliorer leur connaissance, afin de leur permettre de faire des choix avisés en matière financière, à chaque étape de leur vie.
Les statistiques en 2022 montrent que 50,1% des usagers sénégalais ne connaissent pas les concepts de base en finance. Le segment 15 à 24 ans est très exposé à l'exclusion financière avec 75% d'entre eux qui n'ont pas accès aux services financiers selon la Bceao.
L’éducation financière n’est pas, il faut le dire, la promotion des produits et services financiers. C’est une sensibilisation des populations sur la valeur de l’argent, sur comment faire face aux fraudes et escroqueries, mais aussi comment susciter l’esprit entrepreneurial chez les jeunes, tout en développant le sens du civisme fiscal. Les banques ont à ce niveau un rôle majeur à jouer à travers la relation clientèle et le conseil.
L’éducation financière constitue de ce point de vue, l’un des piliers de la protection des clients à côté de l’inclusion financière et de la régulation du secteur. Pour les économies comme les nôtres, qui tendent vers l’émergence, des consommateurs dotés d’une bonne éducation financière peuvent aider à faire en sorte que le secteur financier apporte une réelle contribution à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté.
Un Programme national pour l’éducation financière (Pnef) est en cours d’élaboration avec une place importante qui est accordée aux institutions financières (If). Il prévoit notamment une entrée par les curricula en collaboration avec le Ministère de l’Education nationale. De son côté, l’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) dont l’APBEF est membre du Conseil d’orientation, mène depuis plusieurs années déjà, des actions d’éducation financière tant en zone urbaine et rurale.
S’agissant maintenant de la bancarisation, il faut reconnaître que c’est le maillon faible pour le Sénégal. Il se situe à 19, voire 20% contre une moyenne africaine d’environ 43%. C’est pourquoi plusieurs efforts ont été déployés, tant par les banques, que par les autorités monétaires et publiques, et aussi par les associations consuméristes à travers certaines de leurs idées contributives, pour corriger cette insuffisance. On peut citer notamment : la démocratisation et le développent de l’accès au compte bancaire (droit au compte), la tarification allégée pour certains produits et services bancaires, l’adaptation du cadre législatif et réglementaire, des initiatives en matière d’éducation financière et d’inclusion financière, plus globalement la financiarisation qui constitue un tremplin vers la bancarisation.
Il faut faire plus et mieux et nous restons optimistes avec l’engagement de tous les acteurs à tous les niveaux de la chaîne.
Sur un autre registre nous notons que la transformation numérique et la digitalisation des banques est en bonne voie. Quelles sont les opportunités, craintes et risques pour votre profession ?
Au Sénégal la mise en œuvre des volets numériques de la SNIF (Stratégie Nationale d’Inclusion Financière) est inscrite dans l’Axe 2 « Développement des infrastructures et des activités économiques numériques, notamment la modernisation des services financiers de l'Etat ». Elle pourrait permettre de booster l’inclusion financière et le taux de bancarisation.
Notre implication c’est d’apporter des contributions, notamment dans la stratégie de transformation digitale et d’inclusion financière
L’adoption de moyens de paiements modernes (carte biométriques, carte virtuelle,…etc…) avec des plateformes de haute qualité technologique sont de nature à permettre aux banques de gagner le défi de la finance digitale et de la bancarisation, tout en renforçant la sécurité et la relation clientèle.
Il faut cependant noter, à côté des opportunités, des menaces et risques liés à la digitalisation des services bancaires.
La digitalisation comporte des opportunités. En effet, un marché ouvert avec actuellement un faible taux de bancarisation, une population plutôt réceptive d’offres ouvertes à la modernisation et aux nouvelles technologies, les Politiques de transformation digitale de la banque axées clientèle (digitalisation des services financiers), l’ouverture affichée des autorités monétaires pour le renforcement de la transformation digitale, etc.
Mais comporte aussi des menaces, notamment avec l’ arrivée de nouveaux acteurs ( fintech, telco, Eme), l’émergence mondiale de nouveaux moyens de paiement (Mobile Money, E-Wallet, Cloud , etc.,), la Cybercriminalité (Exposition en matière de Confidentialité et de Protection des données, Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme, Fraudes et sécurité des transactions, Risque Financier, Risque Opérationnel, Risque Technologique, Risque Réglementaire, etc.), il faut un dispositif et des stratégies pour les juguler.
Beaucoup de professionnels du secteur ont commencé à tirer sur la sonnette d’alarme sur le risque d’asséchement de la liquidité noté dans le marché bancaire. Quelles appréciations faites-vous de ces craintes ?
Le marché bancaire connait en effet, sur certaines places en Afrique et au-delà, des soubresauts en matière de liquidité. Et les secousses de la faillite de certaines grandes banques américaines ont entraîné des répercussions jusqu’en Europe.
Pour éviter un effet de contagion dans la zone UEMOA, l’Autorité de supervision et de régulation a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre l’inflation galopante et sauvegarder la valeur de la monnaie, en mettant tout en œuvre pour la stabiliser. Le taux directeur de la Bceao vient d’être relevé pour la seconde fois dans l’année de 25 point de base (depuis le 16 septembre 2023), passant ainsi de 3% à 3,25%, ce qui fera progresser le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal de 5 % à 5,25%.
Mais, je fais remarquer que pour éviter l’asséchement de la liquidité, les banques disposent d’un certain nombre de sources, telles que le marché financier, le marché monétaire mais également le marché interbancaire, sans oublier bien entendu les ressources issues des dépôts de la clientèle, qu’ils soient à vue ou à terme. D’où l’importance que nous accordons à l’épargne, et ça on ne le dira jamais assez.
Je souligne, enfin que la maîtrise des taux d’intérêt reste un facteur incitatif tant pour la liquidité bancaire que pour les emplois à la clientèle.
Monsieur le Président après cinq années de mise en œuvre des dispositions bâloises (Bâle 2 et Bâle 3 ) par les banques, quelles sont les principales leçons apprises et les contraintes notées ?
Je crois qu’il faut nous donner le temps d’apprécier, car au titre des dispositions accommodantes qu’elle a prises, la Bceao a permis aux assujettis de bénéficier d’une période transitoire échue en décembre 2022. L’exercice 2023 permettra, à son terme, de faire une évaluation après une année de mise en œuvre du dispositif post période transitoire.
Toutefois, l’on peut dire qu’en dépit de craintes nourries au début, il n’y a pas eu de difficultés insurmontables dans leur mise en œuvre. Les nombreuses réunions et les échanges avec la BCEAO, la mise à jour des systèmes d’information, la période transitoire accordée par le régulateur, ont permis une adaptation progressive des banques. Elles ont mis à niveau leurs fonds propres, ce qui du reste constitue une action permanente. Tout cela ne se fait pas sans contraintes et difficultés. Nous travaillons à les surmonter.
La problématique du contentieux bancaire reste également une préoccupation pour la profession bancaire au regard de son impact sur la qualité du portefeuille et l’offre de crédits. Quelles sont les propositions de l’APBEFS pour trouver des solutions durables à cette épineuse difficulté ?
Le contentieux bancaire pèse lourd dans le stock du contentieux commercial au niveau des instances juridictionnelles.
Les crédits non recouvrés impactent, en effet, négativement sur les capacités de financement des banques et sur la côte de crédit du Sénégal auprès des investisseurs. Pour illustrer cela, je vous fait remarquer que :
Avec la collaboration de tous les acteurs, le Tchcd a mis en place un sous-comité banque et Sfd pour travailler à réduire les coûts et les délais de traitement des dossiers bancaires soumis à sa juridiction, en recourant d’abord à la médiation conciliation avant tout traitement judiciaire.
Cela étant, il est admis que le plus gros des contentieux bancaires provient du non-respect des engagements pris. C’est ce qui explique certaines dispositions prises par le banquier en amont de l’octroi ou de la mise en place du crédit, afin d’éviter, du mieux possible au terme échu, certains désagréments pouvant aller jusqu’au contentieux.
Un autre sujet en débat dans le landerneau économique c’est le financement de l’économie. Lors du forum sur les Pme sous l’égide de l’ADEPME , il a été proposé l’idée de mettre en place un guichet unique d’accès au financement des PME pour faciliter la mise en relation entre les Pme , les institutions financières et l’écosystème d’accompagnement. Quelle est la place et le rôle des banques Sénégalaise dans ce dispositif ? Y’a-t-il un préalable pour une opérationnalisation optimale dudit dispositif ?
Pour les banques, la question de la fiabilité de l’information au niveau des PME est la principale difficulté pour son accès au financement. L’asymétrie de l’information est donc un des principaux écueils de la relation Banques – PME.
Pour lever les contraintes et relever la qualité des dossiers soumis aux Institutions Financières, la Bceao a mis en place, le Dispositif de soutien au financement des Pme/Pmi, conformément à la décision du Conseil des Ministres de l’UEMOA.
Il s’agit de faciliter l’accès des Pme/Pmi au crédit en les faisant assister par des Structures d’appui et d’encadrement (Sae) agréées à cet effet, dont l’ADEPME qui se positionne comment élément moteur parmi les plus de trente Sae.
En partenariat avec le GIZ, l’ADEPME a mis en place le Guichet unique de financement (Guf) dédié aux Pme. Le Guf-Pme accorde une place importante aux SAE. Il a pour missions principales le ciblage, le profilage et la labélisation des PME avant transmission des dossiers aux banques .
Les banques comptent sur l’expérience de l’ADEPME pour que le Guf connaisse le succès que nous en attendons. L’APBEF et ses membres travaillent de concert avec l’ADEPME et le GIZ à cet effet.
Parmi les produits de financement qui ne sont pas tellement développés dans le portefeuille commercial des banques , il y a le financement agricole et le crédit-bail. Est-ce des contraintes réglementaires , commerciales , stratégiques ou tout simplement par manque d’opportunité pour les banques ?
Le financement agricole est en développement au Sénégal. Il arrive après celui des services, du commerce, de l’industrie et des Btp avec plus de 3% du volume de financement de l’économie.
En effet, les volumes financiers disponibles pour le crédit à l’agriculture demandent à être accrus au regard de l’ampleur de la demande. Ils se concentrent sur du crédit de court terme. Les crédits à moyen et long terme se positionnent à de faibles niveaux en termes de volumes et de montants. L’incertitude et l’asymétrie du marché de l’agriculture telles que relevées par les professionnels nécessitent des améliorations en vue de rassurer le secteur bancaire.
Les contraintes au financement de l’agriculture sont surtout d’ordre structurel, technique et commercial. En effet la faible structuration des organisations de producteurs, l’insuffisance d’expertise technique et le défaut de maîtrise des chaines de valeur (Production – conservation/transformation – Commercialisation) sont les principales causes du sous financement de l’Agriculture au Sénégal. Il s’y ajoute la problématique du foncier rural dont nous appelons à la finalisation des réformes engagées.
Cela étant, il y’a lieu de noter que des efforts importants sont déployés par les établissements de crédit du Sénégal pour le financement de l’agriculture. C’est ainsi que Plusieurs d’entre eux participent au financement de la campagne agricole, octroient des concours à des exploitants agricoles et accompagnent des transformateurs de produits agricoles.
Le crédit-bail qui est un recours alternatif au crédit classique reste peu utilisé au Sénégal. Un nombre limité de banques et établissements financiers le pratique. Les contraintes à son développement sont de plusieurs ordres.
D’abord, le coût final est estimé plus élevé que pour un emprunt classique.
Ensuite, les loyers comprennent parfois des prestations annexes (assurances sur la personne ou le véhicule, entretien), et les aménagements des contrats (réduction ou allongement de la durée par exemple) sont complexes.
Enfin, la fiscalité demeure un point de préoccupation pour ce produit.
A ces contraintes il faut ajouter le risque important pour les établissements de crédit pour le matériel difficile à revendre en cas d’insolvabilité du client.
Lejecos Magazine
L’Apbef du Sénégal a en effet l’insigne honneur de présider depuis janvier 2023, et pour 2 ans, la Fédération des Apbef de l’UEMOA dont les principales missions assignées par l’assemblée constitutive sont d’une part, l’harmonisation des règles et pratiques qui régissent les associations membres, c’est-à-dire les Apbef , et la défense des intérêts des membres auprès des autorités communautaires et d’autre part, la veille et la mise en commun des renseignements utiles pour la communauté bancaire de l’UEMOA et la contribution au développement de l’épargne, de l’inclusion financière et de la bancarisation, et enfin, le partage d’informations entre les membres mais également entre la FAPBEF-UEMOA et d’autres organisations partenaires locales ou étrangères.
A ces missions s’ajoutent d’autre et pas des moindres, comme :
- La formation des collaborateurs des établissements de crédit sur des thèmes et des sujets d’actualité ou de préoccupations communes ;
- Le benchmarking auprès de structures similaires en Afrique et ailleurs ;
- Le développement de la profession et des activités bancaires, pour un système financier inclusif et performant au service du développement et de la croissance économique dans l’espace UEMOA ;
Quels sont les principaux défis qui se dressent devant la FAPBEF-UEMOA?
La FAPBEF est confrontée à de nombreux défis d’ordre communautaire et international dont les plus prégnants de l’heure sont :
- La cyber sécurité : quels outils, quelles stratégies et quelles démarches pour des établissements de crédit pour lutter efficacement contre les cybers attaques voire comment les anticiper ?
- La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme : Quels stratégies, comportements, moyens et outils notamment technologiques mettre en œuvre, pour lutter efficacement contre ce fléau et permettre ainsi aux banques d’apporter leur contribution à cette lutte qui interpelle aussi d’autres secteurs tant du privé que des administrations publiques de nos Etats ?
- Le développement du capital humain : quelle approche innovante de management du capital humain dans un contexte de transformation digitale et d’intelligence artificielle devenues incontournables ?
- L’éducation financière : quelle démarche de la part du secteur bancaire, pour une implication plus efficace en matière d’éducation et d’inclusion financières ?
La place bancaire de Dakar est la deuxième après la Côte d’Ivoire ? Pouvez-vous nous faire un point sur la situation du marché sénégalais à fin 2022 ? Quelles sont les tendances pour l’exercice 2023 ?
Le Sénégal est en effet la deuxième économie de la Zone UEMOA derrière la Côte d’Ivoire selon les dernières données publiées par la Banque mondiale avec un Pib de 1.606 dollars (soit 917.190 FCFA) par habitant contre 2276,3 dollars (environ 1,3 millions FCFA) par habitant pour la Côte d’Ivoire.
Le niveau relativement élevé atteint par le Sénégal, par rapport au reste de l’Afrique subsaharienne, résulte du grand dynamisme économique du pays, dont la croissance du Pib s’est établie à 5,1 % en moyenne annuelle sur la période de cinq années 2017-2021.
Avec 28 banques et 4 établissements financiers à caractère bancaire, la place bancaire de Dakar est l’une des plus attractives de la zone avec l’arrivée en 2023 de l’Algerian Bank of Sénégal.
Ce qui traduit l’attractivité de la place de Dakar qui se dessine et se veut comme une place financière de référence à l’horizon 2025. Dans un contexte de sortie de la crise sanitaire covid-19 et de tensions inflationnistes, qui se sont exacerbées au début de l’année 2023 avec le conflit russo-ukrainien, le système bancaire a néanmoins fait preuve d’une bonne résilience en 2022.
La situation du système bancaire sénégalais est aujourd’hui « globalement satisfaisante » avec un bénéfice de 25, 2 milliards de francs CFA réalisé au premier trimestre 2023.
A fin mars 2023 les principaux agrégats des banques se sont inscrits en hausse. Ils se caractérisent par la progression des encours de crédits de 16,3% soit 6.861 milliards FCFA, une amélioration de la qualité du portefeuille à fin mars 2023 avec un taux de dégradation net de 2,8%.
Sur la base des chiffres provisoires de la Direction nationale de la Bceao, les banques sénégalaises ont réalisé, en 2022, un bénéfice net d’impôts de 153,9 milliards contre 128,7 milliards à fin décembre 2021, soit une hausse de 25,2 milliards (+19,6%)’’.
Quelles sont les performances et les principales contraintes à relever ?
Le système bancaire est confronté à un certain nombre de défis, tantôt évoqués, et qui nécessitent au-delà de la bataille de la résilience, une capacité à lever progressivement les contraintes majeures qui sont identifiées sur la place de Dakar et plus généralement dans la zone UEMOA.
Dans ce chantier, le système dispose d’atouts certains mais fait face aussi à des contraintes :
Au titre des atouts :
- L’attractivité de la place bancaire de Dakar avec le nombre croissant de banques ;
- L’évolution en hausse des Emplois et Ressources et du Pnb des Banques ;
- Les progrès dans le processus de transformation digitale ;
- Etc….
- le faible taux de bancarisation (21%) et la mauvaise répartition des Banques dans le pays ;
- la prédominance de l’économie informelle avec des Pme qui ne répondent pas toujours suffisamment aux critères définis par les banques ;
- le niveau élevé des impayés avec les impacts dans la qualité du portefeuille et le contentieux bancaire ;
- Etc…..
Une plus grande satisfaction de la clientèle à travers le renforcement de la qualité des services et prestations bancaires et le financement des besoins exprimés, constitue une préoccupation récurrente des usagers et clients. Cela semble difficile à réaliser si on écoute ces derniers ?
La satisfaction de la clientèle par des services et prestations de qualité est une de nos principales préoccupations nous aussi. C’est un objectif auquel nous sommes attachés, et pour lequel, les banques ont, diversifié et modernisé leurs produits et services et mobilisé des investissements considérables, ces dernières années.
La digitalisation des produits bancaires a contribué, il est vrai, à nous rapprocher de nos clients ; de même, la modernisation des services et la formation du personnel ont également été des leviers essentiels pour la réalisation de cet objectif.
Par exemple, consulter son compte, faire des transferts de compte à compte, de compte à wallet et inversement, disposer des relevés des opérations bancaires, commander un chéquier, disposer de ses avis d’opération y compris celles par transactions monétiques, etc., et ce à tout moment et en tout lieu, sont devenus des actes spontanés du quotidien et cela va en s’améliorant.
Le financement des clients, qui est notre cœur de métier doit s’effectuer, et c’est normal, avec des sûretés pour minorer les incidents et contentieux, qui pourraient avoir pour conséquence une baisse de la capacité globale de financement de l’économie.
Maintenant, dans notre métier les clients contents ne disent rien et c’est normal ! Ceux qui se plaignent, à tort ou à raison nous permettent de nous améliorer et de réduire les « espaces d’incompréhension » qui sont souvent amplifiés par les réseaux sociaux.
Mais rassurez-vous, le Client est et reste au centre des préoccupations de l’APBEFS et ses membres.
La problématique de l’inclusion financière et de la bancarisation des populations face à la faiblesse de l’éducation financière des populations est au cœur des politiques publiques au niveau national et communautaire. Quelle est la place et le rôle joué par les banques sénégalaises ?
Au regard des spécificités de l'Union économique monétaire ouest africain (UEMOA), la Bceao définit l'éducation financière comme le processus par lequel les populations sont informées, sensibilisées et formées sur les concepts financiers, dans le but d’améliorer leur connaissance, afin de leur permettre de faire des choix avisés en matière financière, à chaque étape de leur vie.
Les statistiques en 2022 montrent que 50,1% des usagers sénégalais ne connaissent pas les concepts de base en finance. Le segment 15 à 24 ans est très exposé à l'exclusion financière avec 75% d'entre eux qui n'ont pas accès aux services financiers selon la Bceao.
L’éducation financière n’est pas, il faut le dire, la promotion des produits et services financiers. C’est une sensibilisation des populations sur la valeur de l’argent, sur comment faire face aux fraudes et escroqueries, mais aussi comment susciter l’esprit entrepreneurial chez les jeunes, tout en développant le sens du civisme fiscal. Les banques ont à ce niveau un rôle majeur à jouer à travers la relation clientèle et le conseil.
L’éducation financière constitue de ce point de vue, l’un des piliers de la protection des clients à côté de l’inclusion financière et de la régulation du secteur. Pour les économies comme les nôtres, qui tendent vers l’émergence, des consommateurs dotés d’une bonne éducation financière peuvent aider à faire en sorte que le secteur financier apporte une réelle contribution à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté.
Un Programme national pour l’éducation financière (Pnef) est en cours d’élaboration avec une place importante qui est accordée aux institutions financières (If). Il prévoit notamment une entrée par les curricula en collaboration avec le Ministère de l’Education nationale. De son côté, l’Observatoire de la qualité des services financiers (OQSF) dont l’APBEF est membre du Conseil d’orientation, mène depuis plusieurs années déjà, des actions d’éducation financière tant en zone urbaine et rurale.
S’agissant maintenant de la bancarisation, il faut reconnaître que c’est le maillon faible pour le Sénégal. Il se situe à 19, voire 20% contre une moyenne africaine d’environ 43%. C’est pourquoi plusieurs efforts ont été déployés, tant par les banques, que par les autorités monétaires et publiques, et aussi par les associations consuméristes à travers certaines de leurs idées contributives, pour corriger cette insuffisance. On peut citer notamment : la démocratisation et le développent de l’accès au compte bancaire (droit au compte), la tarification allégée pour certains produits et services bancaires, l’adaptation du cadre législatif et réglementaire, des initiatives en matière d’éducation financière et d’inclusion financière, plus globalement la financiarisation qui constitue un tremplin vers la bancarisation.
Il faut faire plus et mieux et nous restons optimistes avec l’engagement de tous les acteurs à tous les niveaux de la chaîne.
Sur un autre registre nous notons que la transformation numérique et la digitalisation des banques est en bonne voie. Quelles sont les opportunités, craintes et risques pour votre profession ?
Au Sénégal la mise en œuvre des volets numériques de la SNIF (Stratégie Nationale d’Inclusion Financière) est inscrite dans l’Axe 2 « Développement des infrastructures et des activités économiques numériques, notamment la modernisation des services financiers de l'Etat ». Elle pourrait permettre de booster l’inclusion financière et le taux de bancarisation.
Notre implication c’est d’apporter des contributions, notamment dans la stratégie de transformation digitale et d’inclusion financière
L’adoption de moyens de paiements modernes (carte biométriques, carte virtuelle,…etc…) avec des plateformes de haute qualité technologique sont de nature à permettre aux banques de gagner le défi de la finance digitale et de la bancarisation, tout en renforçant la sécurité et la relation clientèle.
Il faut cependant noter, à côté des opportunités, des menaces et risques liés à la digitalisation des services bancaires.
La digitalisation comporte des opportunités. En effet, un marché ouvert avec actuellement un faible taux de bancarisation, une population plutôt réceptive d’offres ouvertes à la modernisation et aux nouvelles technologies, les Politiques de transformation digitale de la banque axées clientèle (digitalisation des services financiers), l’ouverture affichée des autorités monétaires pour le renforcement de la transformation digitale, etc.
Mais comporte aussi des menaces, notamment avec l’ arrivée de nouveaux acteurs ( fintech, telco, Eme), l’émergence mondiale de nouveaux moyens de paiement (Mobile Money, E-Wallet, Cloud , etc.,), la Cybercriminalité (Exposition en matière de Confidentialité et de Protection des données, Blanchiment des Capitaux et Financement du Terrorisme, Fraudes et sécurité des transactions, Risque Financier, Risque Opérationnel, Risque Technologique, Risque Réglementaire, etc.), il faut un dispositif et des stratégies pour les juguler.
Beaucoup de professionnels du secteur ont commencé à tirer sur la sonnette d’alarme sur le risque d’asséchement de la liquidité noté dans le marché bancaire. Quelles appréciations faites-vous de ces craintes ?
Le marché bancaire connait en effet, sur certaines places en Afrique et au-delà, des soubresauts en matière de liquidité. Et les secousses de la faillite de certaines grandes banques américaines ont entraîné des répercussions jusqu’en Europe.
Pour éviter un effet de contagion dans la zone UEMOA, l’Autorité de supervision et de régulation a pris un certain nombre de mesures pour lutter contre l’inflation galopante et sauvegarder la valeur de la monnaie, en mettant tout en œuvre pour la stabiliser. Le taux directeur de la Bceao vient d’être relevé pour la seconde fois dans l’année de 25 point de base (depuis le 16 septembre 2023), passant ainsi de 3% à 3,25%, ce qui fera progresser le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal de 5 % à 5,25%.
Mais, je fais remarquer que pour éviter l’asséchement de la liquidité, les banques disposent d’un certain nombre de sources, telles que le marché financier, le marché monétaire mais également le marché interbancaire, sans oublier bien entendu les ressources issues des dépôts de la clientèle, qu’ils soient à vue ou à terme. D’où l’importance que nous accordons à l’épargne, et ça on ne le dira jamais assez.
Je souligne, enfin que la maîtrise des taux d’intérêt reste un facteur incitatif tant pour la liquidité bancaire que pour les emplois à la clientèle.
Monsieur le Président après cinq années de mise en œuvre des dispositions bâloises (Bâle 2 et Bâle 3 ) par les banques, quelles sont les principales leçons apprises et les contraintes notées ?
Je crois qu’il faut nous donner le temps d’apprécier, car au titre des dispositions accommodantes qu’elle a prises, la Bceao a permis aux assujettis de bénéficier d’une période transitoire échue en décembre 2022. L’exercice 2023 permettra, à son terme, de faire une évaluation après une année de mise en œuvre du dispositif post période transitoire.
Toutefois, l’on peut dire qu’en dépit de craintes nourries au début, il n’y a pas eu de difficultés insurmontables dans leur mise en œuvre. Les nombreuses réunions et les échanges avec la BCEAO, la mise à jour des systèmes d’information, la période transitoire accordée par le régulateur, ont permis une adaptation progressive des banques. Elles ont mis à niveau leurs fonds propres, ce qui du reste constitue une action permanente. Tout cela ne se fait pas sans contraintes et difficultés. Nous travaillons à les surmonter.
La problématique du contentieux bancaire reste également une préoccupation pour la profession bancaire au regard de son impact sur la qualité du portefeuille et l’offre de crédits. Quelles sont les propositions de l’APBEFS pour trouver des solutions durables à cette épineuse difficulté ?
Le contentieux bancaire pèse lourd dans le stock du contentieux commercial au niveau des instances juridictionnelles.
Les crédits non recouvrés impactent, en effet, négativement sur les capacités de financement des banques et sur la côte de crédit du Sénégal auprès des investisseurs. Pour illustrer cela, je vous fait remarquer que :
- 33,6% des encours sont réglés à l’amiable,
- 55,3% des encours de dossiers en contentieux sont pris en charge par la Justice en 2022, notamment près le Tribunal de commerce hors classe de Dakar (Tchcd) dont 63,8% au Tribunal de Commerce (42,1% en 2021).
Avec la collaboration de tous les acteurs, le Tchcd a mis en place un sous-comité banque et Sfd pour travailler à réduire les coûts et les délais de traitement des dossiers bancaires soumis à sa juridiction, en recourant d’abord à la médiation conciliation avant tout traitement judiciaire.
Cela étant, il est admis que le plus gros des contentieux bancaires provient du non-respect des engagements pris. C’est ce qui explique certaines dispositions prises par le banquier en amont de l’octroi ou de la mise en place du crédit, afin d’éviter, du mieux possible au terme échu, certains désagréments pouvant aller jusqu’au contentieux.
Un autre sujet en débat dans le landerneau économique c’est le financement de l’économie. Lors du forum sur les Pme sous l’égide de l’ADEPME , il a été proposé l’idée de mettre en place un guichet unique d’accès au financement des PME pour faciliter la mise en relation entre les Pme , les institutions financières et l’écosystème d’accompagnement. Quelle est la place et le rôle des banques Sénégalaise dans ce dispositif ? Y’a-t-il un préalable pour une opérationnalisation optimale dudit dispositif ?
Pour les banques, la question de la fiabilité de l’information au niveau des PME est la principale difficulté pour son accès au financement. L’asymétrie de l’information est donc un des principaux écueils de la relation Banques – PME.
Pour lever les contraintes et relever la qualité des dossiers soumis aux Institutions Financières, la Bceao a mis en place, le Dispositif de soutien au financement des Pme/Pmi, conformément à la décision du Conseil des Ministres de l’UEMOA.
Il s’agit de faciliter l’accès des Pme/Pmi au crédit en les faisant assister par des Structures d’appui et d’encadrement (Sae) agréées à cet effet, dont l’ADEPME qui se positionne comment élément moteur parmi les plus de trente Sae.
En partenariat avec le GIZ, l’ADEPME a mis en place le Guichet unique de financement (Guf) dédié aux Pme. Le Guf-Pme accorde une place importante aux SAE. Il a pour missions principales le ciblage, le profilage et la labélisation des PME avant transmission des dossiers aux banques .
Les banques comptent sur l’expérience de l’ADEPME pour que le Guf connaisse le succès que nous en attendons. L’APBEF et ses membres travaillent de concert avec l’ADEPME et le GIZ à cet effet.
Parmi les produits de financement qui ne sont pas tellement développés dans le portefeuille commercial des banques , il y a le financement agricole et le crédit-bail. Est-ce des contraintes réglementaires , commerciales , stratégiques ou tout simplement par manque d’opportunité pour les banques ?
Le financement agricole est en développement au Sénégal. Il arrive après celui des services, du commerce, de l’industrie et des Btp avec plus de 3% du volume de financement de l’économie.
En effet, les volumes financiers disponibles pour le crédit à l’agriculture demandent à être accrus au regard de l’ampleur de la demande. Ils se concentrent sur du crédit de court terme. Les crédits à moyen et long terme se positionnent à de faibles niveaux en termes de volumes et de montants. L’incertitude et l’asymétrie du marché de l’agriculture telles que relevées par les professionnels nécessitent des améliorations en vue de rassurer le secteur bancaire.
Les contraintes au financement de l’agriculture sont surtout d’ordre structurel, technique et commercial. En effet la faible structuration des organisations de producteurs, l’insuffisance d’expertise technique et le défaut de maîtrise des chaines de valeur (Production – conservation/transformation – Commercialisation) sont les principales causes du sous financement de l’Agriculture au Sénégal. Il s’y ajoute la problématique du foncier rural dont nous appelons à la finalisation des réformes engagées.
Cela étant, il y’a lieu de noter que des efforts importants sont déployés par les établissements de crédit du Sénégal pour le financement de l’agriculture. C’est ainsi que Plusieurs d’entre eux participent au financement de la campagne agricole, octroient des concours à des exploitants agricoles et accompagnent des transformateurs de produits agricoles.
Le crédit-bail qui est un recours alternatif au crédit classique reste peu utilisé au Sénégal. Un nombre limité de banques et établissements financiers le pratique. Les contraintes à son développement sont de plusieurs ordres.
D’abord, le coût final est estimé plus élevé que pour un emprunt classique.
Ensuite, les loyers comprennent parfois des prestations annexes (assurances sur la personne ou le véhicule, entretien), et les aménagements des contrats (réduction ou allongement de la durée par exemple) sont complexes.
Enfin, la fiscalité demeure un point de préoccupation pour ce produit.
A ces contraintes il faut ajouter le risque important pour les établissements de crédit pour le matériel difficile à revendre en cas d’insolvabilité du client.
Lejecos Magazine