Mais si le resserrement par la Fed de sa politique monétaire met à rude épreuve les nerfs des gouvernements africains, il a également fait prendre conscience qu’il existe des moyens plus intelligents de financer le développement qu’emprunter en dollars. De toutes les options possibles, une classe d’actif spécifique retient l’attention : les infrastructures.
Le continent africain, qui d’ici 2050 abritera quelques 2,6 milliards d’individus, a cruellement besoin de financement pour construire et entretenir les routes, ports, réseaux électriques et autres. Selon la Banque mondiale, l’Afrique devrait dépenser la somme phénoménale de 93 milliards de dollars, par an, rien que pour moderniser ses infrastructures existantes ; la plus grande partie de cet argent – 87 pour cent – doit être consacrée à l’amélioration des services de base comme l’énergie, l’eau potable, l’assainissement et les transports.
Mais si l’on se réfère aux dernières années, réunir les capitaux nécessaires sera une tâche ardue. Entre 2004 et 2013, les États africains n’ont conclu que 158 accords de financement de projets industriels ou d’infrastructures, à hauteur de 59 milliards de dollars – soit seulement 5 pour cent du montant retenu. A la lumière de ce bilan, comme l’Afrique financera-t-elle ne serait-ce qu’une fraction des besoins prévus par la Banque mondiale ?
Les investissements institutionnels et étrangers sont la première réponse qui vient à l’esprit. Mais à ce jour, de nombreux facteurs, dont des estimations de faible rentabilité et l’instabilité politique, ont limité ce type de financement pour les projets d’infrastructures du continent. Investir dans les infrastructures en Afrique est perçu comme simplement trop risqué.
Heureusement, avec un peu d’efforts, cette perception peut être surmontée, comme l’ont déjà démontré certains investisseurs, dont la Banque africaine de développement, la Banque de développement de l’Afrique australe et la Banque de l’Afrique orientale et australe pour le commerce et le développement. Des entreprises du secteur privé financent également des projets rentables sur le continent. Le fonds Black Rhino, par exemple, créé par Blackstone, l’une des plus grandes sociétés mondiales de capital-investissement, s’attache à acquérir et à développer des projets dans le secteur de l’énergie, avec notamment des centres de stockage des produits pétroliers, des oléoducs et des réseaux de distribution.
Mais il s’agit d’exceptions à la règle. Il faudra trouver bien plus d’investisseurs, et rapidement, pour remédier au déficit d’infrastructures en Afrique.
Pour séduire les investisseurs, les pays africains doivent développer une approche plus coordonnée et cohérente et réduire l’exposition de ces investisseurs aux risques. Des collaborations entre les secteurs privé et public sont une des possibilités. Dans le secteur de l’énergie par exemple, des producteurs d’électricité indépendants coopèrent avec les gouvernements pour fournir du courant à 620 millions d’Africains qui ne sont pas raccordés au réseau. Ces producteurs, à financement privé mais réglementés par les États, opèrent dans le cadre d’accords de rachat d’électricité qui prévoient que les organismes et les services publics achètent l’électricité à un prix prédéterminé. L’Afrique subsaharienne compte environ 130 producteurs de ce genre, valorisés à hauteur de 8 milliards de dollars. Rien qu’en Afrique du Sud, 47 projets sont en cours de développement dans ce secteur et devraient produire 7000 mégawatts d’électricité supplémentaire.
Des partenariats public-privé similaires émergent également dans d’autres secteurs, notamment les transports. Les routes à péage construites au moyen de financements privés, un modèle initialement appliqué en Afrique du Sud, sont l’un des projets les plus prometteurs. Ces initiatives, qui commencent lentement à se développer ailleurs dans le continent, ne sont pas seulement plus rentables que la plupart des placements financiers, elles ouvrent littéralement la voie à une croissance future.
Mais l’Afrique a clairement besoin d’un bien plus grand nombre de projets de ce genre pour combler son déficit en infrastructures. C’est la raison pour laquelle moi-même et d’autres chefs d’entreprise et législateurs africains avons appelé les investisseurs institutionnels à consacrer 5 pour cent de leurs fonds au développement d’infrastructures locales. Nous pensons qu’avec des incitations adéquates, les infrastructures peuvent être une classe d’actifs novatrice et attrayante, en particulier pour les institutions ayant des passifs à long terme. Les fonds de pension du continent, qui détiennent ensemble des actifs sous gestion à hauteur de 300 milliards de dollars, sont l’une des industries qui pourrait ouvrir la voie dans ce domaine.
La campagne Agenda5%, lancée à New York le mois dernier, traduit la conviction que seule une approche public-privé peut remédier au déficit en infrastructures de l’Afrique. Pendant des années, l’absence de projets rentables a découragé les investissements internationaux. Mais l’adoption en 2012 par l’Union africaine du Programme de développement des infrastructures en Afrique a donné naissance à plus de 400 projets dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et des communications. C’est un bon début – sur lequel l’Agenda5% compte capitaliser.
Mais certaines réformes indispensables doivent aussi être mises en œuvre. L’une des priorités de l’Agenda5% est de contribuer à l’actualisation des cadres réglementaires nationaux et régionaux qui régissent l’investissement institutionnel en Afrique. De nouveaux produits financiers doivent également être développés pour donner la possibilité aux détenteurs d’actifs d’allouer directement des capitaux aux projets d’infrastructures.
Débloquer de nouvelles sources de capitaux contribuera à créer des emplois, à encourager l’intégration régionale et à s’assurer que l’Afrique se dote de moyens qui répondront aux besoins des générations futures. Mais tout ceci dépend de la capacité à persuader les investisseurs d’allouer des fonds aux projets africains. En tant que dirigeants d’entreprise et législateurs, nous devons nous assurer que les conditions propices à la rentabilité et leurs conséquences sociales ne s’excluent pas mutuellement. Lorsque les objectifs du développement et les bénéfices induits sont alignés, tout le monde y gagne.
Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre du Niger, est le secrétaire exécutif de l’Agence de planification et de coordination du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD).
Le continent africain, qui d’ici 2050 abritera quelques 2,6 milliards d’individus, a cruellement besoin de financement pour construire et entretenir les routes, ports, réseaux électriques et autres. Selon la Banque mondiale, l’Afrique devrait dépenser la somme phénoménale de 93 milliards de dollars, par an, rien que pour moderniser ses infrastructures existantes ; la plus grande partie de cet argent – 87 pour cent – doit être consacrée à l’amélioration des services de base comme l’énergie, l’eau potable, l’assainissement et les transports.
Mais si l’on se réfère aux dernières années, réunir les capitaux nécessaires sera une tâche ardue. Entre 2004 et 2013, les États africains n’ont conclu que 158 accords de financement de projets industriels ou d’infrastructures, à hauteur de 59 milliards de dollars – soit seulement 5 pour cent du montant retenu. A la lumière de ce bilan, comme l’Afrique financera-t-elle ne serait-ce qu’une fraction des besoins prévus par la Banque mondiale ?
Les investissements institutionnels et étrangers sont la première réponse qui vient à l’esprit. Mais à ce jour, de nombreux facteurs, dont des estimations de faible rentabilité et l’instabilité politique, ont limité ce type de financement pour les projets d’infrastructures du continent. Investir dans les infrastructures en Afrique est perçu comme simplement trop risqué.
Heureusement, avec un peu d’efforts, cette perception peut être surmontée, comme l’ont déjà démontré certains investisseurs, dont la Banque africaine de développement, la Banque de développement de l’Afrique australe et la Banque de l’Afrique orientale et australe pour le commerce et le développement. Des entreprises du secteur privé financent également des projets rentables sur le continent. Le fonds Black Rhino, par exemple, créé par Blackstone, l’une des plus grandes sociétés mondiales de capital-investissement, s’attache à acquérir et à développer des projets dans le secteur de l’énergie, avec notamment des centres de stockage des produits pétroliers, des oléoducs et des réseaux de distribution.
Mais il s’agit d’exceptions à la règle. Il faudra trouver bien plus d’investisseurs, et rapidement, pour remédier au déficit d’infrastructures en Afrique.
Pour séduire les investisseurs, les pays africains doivent développer une approche plus coordonnée et cohérente et réduire l’exposition de ces investisseurs aux risques. Des collaborations entre les secteurs privé et public sont une des possibilités. Dans le secteur de l’énergie par exemple, des producteurs d’électricité indépendants coopèrent avec les gouvernements pour fournir du courant à 620 millions d’Africains qui ne sont pas raccordés au réseau. Ces producteurs, à financement privé mais réglementés par les États, opèrent dans le cadre d’accords de rachat d’électricité qui prévoient que les organismes et les services publics achètent l’électricité à un prix prédéterminé. L’Afrique subsaharienne compte environ 130 producteurs de ce genre, valorisés à hauteur de 8 milliards de dollars. Rien qu’en Afrique du Sud, 47 projets sont en cours de développement dans ce secteur et devraient produire 7000 mégawatts d’électricité supplémentaire.
Des partenariats public-privé similaires émergent également dans d’autres secteurs, notamment les transports. Les routes à péage construites au moyen de financements privés, un modèle initialement appliqué en Afrique du Sud, sont l’un des projets les plus prometteurs. Ces initiatives, qui commencent lentement à se développer ailleurs dans le continent, ne sont pas seulement plus rentables que la plupart des placements financiers, elles ouvrent littéralement la voie à une croissance future.
Mais l’Afrique a clairement besoin d’un bien plus grand nombre de projets de ce genre pour combler son déficit en infrastructures. C’est la raison pour laquelle moi-même et d’autres chefs d’entreprise et législateurs africains avons appelé les investisseurs institutionnels à consacrer 5 pour cent de leurs fonds au développement d’infrastructures locales. Nous pensons qu’avec des incitations adéquates, les infrastructures peuvent être une classe d’actifs novatrice et attrayante, en particulier pour les institutions ayant des passifs à long terme. Les fonds de pension du continent, qui détiennent ensemble des actifs sous gestion à hauteur de 300 milliards de dollars, sont l’une des industries qui pourrait ouvrir la voie dans ce domaine.
La campagne Agenda5%, lancée à New York le mois dernier, traduit la conviction que seule une approche public-privé peut remédier au déficit en infrastructures de l’Afrique. Pendant des années, l’absence de projets rentables a découragé les investissements internationaux. Mais l’adoption en 2012 par l’Union africaine du Programme de développement des infrastructures en Afrique a donné naissance à plus de 400 projets dans les secteurs de l’énergie, des transports, de l’eau et des communications. C’est un bon début – sur lequel l’Agenda5% compte capitaliser.
Mais certaines réformes indispensables doivent aussi être mises en œuvre. L’une des priorités de l’Agenda5% est de contribuer à l’actualisation des cadres réglementaires nationaux et régionaux qui régissent l’investissement institutionnel en Afrique. De nouveaux produits financiers doivent également être développés pour donner la possibilité aux détenteurs d’actifs d’allouer directement des capitaux aux projets d’infrastructures.
Débloquer de nouvelles sources de capitaux contribuera à créer des emplois, à encourager l’intégration régionale et à s’assurer que l’Afrique se dote de moyens qui répondront aux besoins des générations futures. Mais tout ceci dépend de la capacité à persuader les investisseurs d’allouer des fonds aux projets africains. En tant que dirigeants d’entreprise et législateurs, nous devons nous assurer que les conditions propices à la rentabilité et leurs conséquences sociales ne s’excluent pas mutuellement. Lorsque les objectifs du développement et les bénéfices induits sont alignés, tout le monde y gagne.
Ibrahim Assane Mayaki, ancien Premier ministre du Niger, est le secrétaire exécutif de l’Agence de planification et de coordination du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD).