Mobiliser le financement islamique pour le développement durable

Lundi 6 Juin 2016

Environ un tiers des personnes souffrant d'une extrême pauvreté dans le monde vivent dans les États membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). Dans 21 de ces 57 pays, moins de la moitié de la population a accès à des installations sanitaires adéquates. Quatre pour cent des enfants nés dans ces pays meurent avant l'âge de cinq ans.


Bref, malgré leur fort potentiel, de nombreux pays de l'OCI luttent pour atteindre le développement à grande échelle. Pour de nombreux pays, la tristement célèbre « malédiction des ressources » est à l'œuvre. Dans d'autres, la faute est celle du manque de leadership et des institutions en échec. Comble d'infortune, la grande majorité (environ 71 %), des 125 millions de personnes touchées par les conflits et les catastrophes naturelles vivent dans les pays de l'OCI. L'instabilité exerce une pression énorme sur les budgets nationaux.
Mais ces pays ont plusieurs options. En particulier, le capital accumulé dans certains systèmes financiers des pays de l'OCI pourrait jouer un rôle important pour les aider à atteindre leurs objectifs de développement, surtout si l'on utilise à son plein potentiel la finance islamique.
La finance islamique a des avantages importants par rapport aux produits financiers classiques. Son interdiction de l'intérêt et l'exigence que les investissements soient liés à l'économie réelle, ainsi que son approche du partage des bénéfices et des pertes, ajoutent de la stabilité au secteur financier. La finance islamique peut également améliorer l'inclusion financière, car elle intègre les personnes qui, pour des raisons culturelles ou religieuses, sont exclues du système financier traditionnel. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles la finance islamique a augmenté de 10 à 12 % par an au cours de la dernière décennie.
Si la finance islamique doit jouer pleinement son rôle dans la revitalisation et la diversification de l'économie des pays de l'OCI, les gouvernements devront engager des réformes importantes. En tête de liste se trouve la nécessité de renforcer les institutions juridiques qui protègent les droits de propriété et de faire en sorte que les contrats soient appliqués. Si les gens doivent avoir pleinement confiance dans les produits financiers islamiques, ce secteur aura besoin par ailleurs d'être normalisé et réglementé. Les politiques fiscales nationales devront également être modifiées, afin d'éviter la discrimination à l'égard des instruments financiers islamiques.
Le groupe de la Banque mondiale collabore avec ses partenaires pour aider à réaliser ces réformes. En outre, il présente des projets d'investissements qui utilisent le financement islamique dans toute la région. La Trésorerie de la Banque mondiale a publié une gamme d'instruments financiers islamiques, notamment deux Sukuk (des obligations qui répondent à certaines restrictions islamiques sur les intérêts), qui ont mobilisé 700 millions de dollars. De même, le bras privé de la Banque, la Société Financière Internationale (IFC), a créé la société Sukuk IFC, qui a émis 100 millions de dollars de certificats de confiance en 2015.
Le bras d'assurance contre les risques politiques de la Banque, l'Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), a fourni une garantie d'investissements conformes à la charia de 427 millions de dollars pour un projet d'infrastructure à Djibouti et de 450 millions de dollars dans l'assurance contre les risques politiques pour des investissements dans les télécommunications en Indonésie. Et avec le groupe Banque islamique de développement, les Nations Unies et d'autres donateurs, la Banque mondiale a créé une institution commune en vue d'aider les pays les plus durement touchés par l'instabilité grâce au financement concessionnel, qui comprend un instrument de finance islamique pour le Liban et la Jordanie, pour les aider à assumer les coûts d'aide aux réfugiés en provenance de Syrie.
Les nouvelles technologies peuvent jouer un rôle essentiel dans la création de systèmes financiers plus inclusifs, en particulier pour les groupes confrontés à des obstacles plus contraignants pour y accéder. Par exemple, près de 90 % des réfugiés syriens ont accès à des smartphones qui leur permettent d'accéder aux services financiers. Nous devons nous assurer de tirer le meilleur parti de ces technologies.
Enfin, il y a des objectifs humanitaires. Et en effet, des travaux sont déjà en cours pour trouver comment waqf (fondations caritatives), zakat (la taxe d'aumône obligatoire) et une variété d'instruments financiers islamiques peuvent être canalisés avec la plus grande efficacité pour répondre aux besoins humanitaires.
La finance islamique peut aider à fournir des solutions indispensables aux défis de développement du monde musulman. Sa capacité à renforcer la stabilité financière, à promouvoir l'inclusion financière et à stimuler le développement durable pourrait susciter une évolution transformative dans toute la région. Pour réaliser ce potentiel, la finance islamique, sans oublier son équivalent traditionnel, ont besoin d'un environnement porteur approprié, caractérisé par un pied d'égalité, un cadre réglementaire adéquat et des partenariats efficaces.
Mahmoud Mohieldin, Premier vice-président du groupe de la Banque mondiale pour le Programme de développement des relations et des partenariats des Nations Unies, ancien ministre des investissements de l'Égypte.
 
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