Cette idée remonte à l'époque des débats sur le monétarisme dans les années 1960. On disait alors qu'une banque centrale n'est jamais à court de moyens pour stimuler la demande agrégée et entretenir l'inflation si elle est disposée à recourir à des mesures radicales. Or ce qui était à l'époque une simple vue de l'esprit pourrait se traduire aujourd'hui dans la réalité.
En pratique, la politique de l'hélicoptère prendrait la forme d'un chèque versé aux ménages ou de bons de consommation pour tous financés exclusivement par les banques centrales. Les Etats et les banques commerciales qui serviraient d'intermédiaire recevraient des liquidités ou de l'argent en dépôt, mais ces sommes n'apparaîtraient pas dans l'actif des banques centrales.
Ce type de comptabilité réduirait les fonds propres des banques centrales, à moins qu'elles ne vendent les "réserves de revalorisation" qui figurent dans son bilan. Les partisans de cette solution soulignent que la comptabilité des banques centrales relève de règles spécifiques qui peuvent être modifiées en cas de nécessité.
Des personnages éminents sont favorables à la politique de l'hélicoptère, notamment Ben Bernanke, l'ancien président de la Réserve fédérale, ainsi qu'Adair Turner, ancien président de l’Autorité des services financiers du Royaume-Uni. Quant à Mario Draghi, le président de la BCE, insiste sur les obstacles techniques, juridiques et comptables liées à cet arrosage financier, mais il ne l'exclut pas.
La question est de savoir si une mesure aussi extrême est justifiée.
La réponse est Non. Elle pourrait l'être en cas de spirale déflationniste comme celle de la fin des années 1920 et du début des années 1930 ; mais ce n'est pas la situation d'aujourd'hui, ni dans la zone euro, ni dans l'économie mondiale.
Effet persistant de la crise financière mondiale qui a éclaté en 2008, la demande mondiale est cependant restée anémique. Les banques, les entreprises et les ménages en sont encore à redresser leur bilan et à diminuer l'énorme dette creusée lors du boom du crédit qui a précédé la crise. Mais ils ont déjà accompli des progrès significatifs, autrement dit la pression sur le frein à la croissance est appelée à diminuer.
Les ménages ne retardent pas leurs achats en vue d'une baisse des prix comme ce serait le cas en période de déflation. Ils augmentent peu à peu leurs dépenses en raison de la hausse de leurs revenus et du bond de leur pouvoir d'achat lié à l'effondrement du prix du pétrole et des matières premières. Aussi une fois de plus dans la plupart des pays avancés, les usines tournent pratiquement à plein régime.
Les statistiques relatives aux bénéfices des entreprises démentent l'idée que nous serions embourbés dans la déflation. La stabilité des prix ne porte pas atteinte aux marges bénéficiaires. Bien au contraire, dans de nombreux pays avancés les profits sont élevés -atteignant parfois des niveaux records - notamment à cause de la baisse des coûts de production.
Dans ce contexte, des largesses financées par les banques centrales auraient des conséquences systémiques dangereuses à long terme, créant des incitations perverses pour tous les acteurs impliqués. Plutôt que d'entreprendre les difficiles réformes structurelles pour agir sur les causes profondes de la faiblesse de l'économie, les responsables politiques seraient tentés de recourir à la distribution d'argent par hélicoptère chaque fois que la croissance n'est pas aussi forte qu'ils le souhaitent.
Les acteurs des marchés financiers seraient confortés dans l'idée que les banques centrales et les Etats vont toujours intervenir pour amortir l'éclatement d'une bulle du crédit et remédier à ses conséquences - même si cela passe par un accroissement de l'endettement. La perception du risque par ces acteurs serait donc faussée et le rôle des primes de risque diminuerait.
Ajoutons à cela les conséquences de la diminution des réserves de revalorisation et le risque de fonds propres négatifs - ce qui nuirait à la crédibilité des banques centrales et par conséquence aux devises - et il devient évident que le largage d'argent par hélicoptère devrait au moins pour l'instant rester au stade de débats purement académiques.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Michael Heise est économiste en chef d'Allianz SE.
En pratique, la politique de l'hélicoptère prendrait la forme d'un chèque versé aux ménages ou de bons de consommation pour tous financés exclusivement par les banques centrales. Les Etats et les banques commerciales qui serviraient d'intermédiaire recevraient des liquidités ou de l'argent en dépôt, mais ces sommes n'apparaîtraient pas dans l'actif des banques centrales.
Ce type de comptabilité réduirait les fonds propres des banques centrales, à moins qu'elles ne vendent les "réserves de revalorisation" qui figurent dans son bilan. Les partisans de cette solution soulignent que la comptabilité des banques centrales relève de règles spécifiques qui peuvent être modifiées en cas de nécessité.
Des personnages éminents sont favorables à la politique de l'hélicoptère, notamment Ben Bernanke, l'ancien président de la Réserve fédérale, ainsi qu'Adair Turner, ancien président de l’Autorité des services financiers du Royaume-Uni. Quant à Mario Draghi, le président de la BCE, insiste sur les obstacles techniques, juridiques et comptables liées à cet arrosage financier, mais il ne l'exclut pas.
La question est de savoir si une mesure aussi extrême est justifiée.
La réponse est Non. Elle pourrait l'être en cas de spirale déflationniste comme celle de la fin des années 1920 et du début des années 1930 ; mais ce n'est pas la situation d'aujourd'hui, ni dans la zone euro, ni dans l'économie mondiale.
Effet persistant de la crise financière mondiale qui a éclaté en 2008, la demande mondiale est cependant restée anémique. Les banques, les entreprises et les ménages en sont encore à redresser leur bilan et à diminuer l'énorme dette creusée lors du boom du crédit qui a précédé la crise. Mais ils ont déjà accompli des progrès significatifs, autrement dit la pression sur le frein à la croissance est appelée à diminuer.
Les ménages ne retardent pas leurs achats en vue d'une baisse des prix comme ce serait le cas en période de déflation. Ils augmentent peu à peu leurs dépenses en raison de la hausse de leurs revenus et du bond de leur pouvoir d'achat lié à l'effondrement du prix du pétrole et des matières premières. Aussi une fois de plus dans la plupart des pays avancés, les usines tournent pratiquement à plein régime.
Les statistiques relatives aux bénéfices des entreprises démentent l'idée que nous serions embourbés dans la déflation. La stabilité des prix ne porte pas atteinte aux marges bénéficiaires. Bien au contraire, dans de nombreux pays avancés les profits sont élevés -atteignant parfois des niveaux records - notamment à cause de la baisse des coûts de production.
Dans ce contexte, des largesses financées par les banques centrales auraient des conséquences systémiques dangereuses à long terme, créant des incitations perverses pour tous les acteurs impliqués. Plutôt que d'entreprendre les difficiles réformes structurelles pour agir sur les causes profondes de la faiblesse de l'économie, les responsables politiques seraient tentés de recourir à la distribution d'argent par hélicoptère chaque fois que la croissance n'est pas aussi forte qu'ils le souhaitent.
Les acteurs des marchés financiers seraient confortés dans l'idée que les banques centrales et les Etats vont toujours intervenir pour amortir l'éclatement d'une bulle du crédit et remédier à ses conséquences - même si cela passe par un accroissement de l'endettement. La perception du risque par ces acteurs serait donc faussée et le rôle des primes de risque diminuerait.
Ajoutons à cela les conséquences de la diminution des réserves de revalorisation et le risque de fonds propres négatifs - ce qui nuirait à la crédibilité des banques centrales et par conséquence aux devises - et il devient évident que le largage d'argent par hélicoptère devrait au moins pour l'instant rester au stade de débats purement académiques.
Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz
Michael Heise est économiste en chef d'Allianz SE.