Yanis Varoufakis, ministre des Finances de la Grèce.
Quand au début de l'année 2010, le gouvernement grec n'a plus été en mesure de rembourser ses dettes aux banques françaises, allemandes et grecques, j'ai fait campagne contre sa demande d'un nouveau prêt énorme de la part des contribuables européens pour rembourser ces dettes. J'ai fourni trois raisons.
Tout d'abord, les nouveaux prêts ne représentaient pas un plan de sauvetage pour la Grèce mais bel et bien un transfert cynique des pertes privées des bilans des banques à la charge des citoyens les plus vulnérables de la Grèce. Combien de contribuables européens qui ont payé ces prêts, savent que plus de 90% des 240 milliards d'euros (260 milliards de dollars) que la Grèce a emprunté sont destinés à des institutions financières, mais ni à l'Etat grec, ni à ses citoyens ?
Ensuite, il était évident que si la Grèce ne pouvait déjà pas rembourser ses prêts existants, les conditions d'austérité sur lesquelles les « plans de sauvetage » se fondaient, allaient réduire à néant les revenus nominaux grecs et rendre la dette nationale encore moins durable. Lorsque les Grecs ne pourraient plus rembourser leurs dettes écrasantes, les contribuables allemands, français ainsi que d'autres contribuables européens devraient à nouveau intervenir. (Les Grecs riches avaient bien évidement déjà déplacé leurs capitaux vers des places financières comme Francfort et Londres.)
Enfin, l'attitude trompeuse des citoyens et des parlements qui ont présenté un plan de sauvetage bancaire comme un acte de « solidarité », en omettant d'aider les Grecs (en mettant au point un dispositif qui place un fardeau encore plus lourd sur les Allemands), était destiné à saper la cohésion au sein de la zone euro. Les Allemands se sont retournés contre les Grecs, les Grecs se sont retournés contre les Allemands. Et comme d'autres pays ont été confrontés à des difficultés budgétaires, l'Europe s'est retournée contre elle-même.
Le fait est que la Grèce n'avait pas le droit d'emprunter des capitaux aux contribuables allemands (ni aux autres contribuables européens), à un moment où sa dette publique n'était pas viable. Avant que la Grèce ne contracte des prêts, elle aurait dû engager la restructuration de sa dette et déclarer une faillite partielle sur la dette envers ses créanciers du secteur privé. Mais cet argument « radical » a été largement ignoré à l'époque.
De même, les citoyens européens auraient dû exiger que leurs gouvernements refusent d'envisager de leur transférer des pertes privées. Mais ils n'ont pas réussi à le faire et le transfert a été effectué peu de temps après.
Le résultat a été le plus énorme prêt contracté par des contribuables de toute l'Histoire, pourvu que la Grèce poursuive une austérité si stricte que ses citoyens doivent perdre un quart de leurs revenus, ce qui rend impossible le remboursement des dettes privées ou publiques. La crise humanitaire, qui en a découlé et qui perdure encore, est tragique.
Cinq ans après l'émission du premier plan de sauvetage, la Grèce est toujours en crise. L'animosité entre les Européens est à un niveau record. Les Grecs et les Allemands, en particulier, sont parvenus à un état de démagogie morale, s'accusant mutuellement et suscitant ainsi un antagonisme sans fard.
Ce jeu néfaste d'accusations mutuelles ne profite qu'aux ennemis de l'Europe. Cela doit cesser. Alors seulement la Grèce (avec le soutien de ses partenaires européens, qui partagent un intérêt pour la reprise économique), pourra se concentrer sur la mise en œuvre de réformes efficaces et de mesures favorables à la croissance. Cela est essentiel pour que la Grèce soit enfin en mesure de rembourser ses dettes et de remplir ses obligations envers ses citoyens.
En termes pratiques, l'accord de l'Eurogroupe du 20 février, qui a accordé quatre mois supplémentaires au remboursement des prêts, est une importante opportunité de progrès. Alors que les dirigeants grecs ont été invités à une réunion informelle à Bruxelles la semaine dernière, cet accord devrait être mis en œuvre immédiatement.
À plus long terme, les dirigeants européens doivent collaborer afin de repenser l'union monétaire, pour favoriser la prospérité partagée, et non plus en vue d'alimenter un ressentiment mutuel. C'est une tâche ardue. Mais avec une vision claire de l'objectif, une approche collective et peut-être un ou deux gestes positifs, elle peut être accomplie.
Ceci est une version révisée et mise à jour d'une publication sur yanisvaroufakis.eu.
Yanis Varoufakis, ministre des Finances de la Grèce.
Tout d'abord, les nouveaux prêts ne représentaient pas un plan de sauvetage pour la Grèce mais bel et bien un transfert cynique des pertes privées des bilans des banques à la charge des citoyens les plus vulnérables de la Grèce. Combien de contribuables européens qui ont payé ces prêts, savent que plus de 90% des 240 milliards d'euros (260 milliards de dollars) que la Grèce a emprunté sont destinés à des institutions financières, mais ni à l'Etat grec, ni à ses citoyens ?
Ensuite, il était évident que si la Grèce ne pouvait déjà pas rembourser ses prêts existants, les conditions d'austérité sur lesquelles les « plans de sauvetage » se fondaient, allaient réduire à néant les revenus nominaux grecs et rendre la dette nationale encore moins durable. Lorsque les Grecs ne pourraient plus rembourser leurs dettes écrasantes, les contribuables allemands, français ainsi que d'autres contribuables européens devraient à nouveau intervenir. (Les Grecs riches avaient bien évidement déjà déplacé leurs capitaux vers des places financières comme Francfort et Londres.)
Enfin, l'attitude trompeuse des citoyens et des parlements qui ont présenté un plan de sauvetage bancaire comme un acte de « solidarité », en omettant d'aider les Grecs (en mettant au point un dispositif qui place un fardeau encore plus lourd sur les Allemands), était destiné à saper la cohésion au sein de la zone euro. Les Allemands se sont retournés contre les Grecs, les Grecs se sont retournés contre les Allemands. Et comme d'autres pays ont été confrontés à des difficultés budgétaires, l'Europe s'est retournée contre elle-même.
Le fait est que la Grèce n'avait pas le droit d'emprunter des capitaux aux contribuables allemands (ni aux autres contribuables européens), à un moment où sa dette publique n'était pas viable. Avant que la Grèce ne contracte des prêts, elle aurait dû engager la restructuration de sa dette et déclarer une faillite partielle sur la dette envers ses créanciers du secteur privé. Mais cet argument « radical » a été largement ignoré à l'époque.
De même, les citoyens européens auraient dû exiger que leurs gouvernements refusent d'envisager de leur transférer des pertes privées. Mais ils n'ont pas réussi à le faire et le transfert a été effectué peu de temps après.
Le résultat a été le plus énorme prêt contracté par des contribuables de toute l'Histoire, pourvu que la Grèce poursuive une austérité si stricte que ses citoyens doivent perdre un quart de leurs revenus, ce qui rend impossible le remboursement des dettes privées ou publiques. La crise humanitaire, qui en a découlé et qui perdure encore, est tragique.
Cinq ans après l'émission du premier plan de sauvetage, la Grèce est toujours en crise. L'animosité entre les Européens est à un niveau record. Les Grecs et les Allemands, en particulier, sont parvenus à un état de démagogie morale, s'accusant mutuellement et suscitant ainsi un antagonisme sans fard.
Ce jeu néfaste d'accusations mutuelles ne profite qu'aux ennemis de l'Europe. Cela doit cesser. Alors seulement la Grèce (avec le soutien de ses partenaires européens, qui partagent un intérêt pour la reprise économique), pourra se concentrer sur la mise en œuvre de réformes efficaces et de mesures favorables à la croissance. Cela est essentiel pour que la Grèce soit enfin en mesure de rembourser ses dettes et de remplir ses obligations envers ses citoyens.
En termes pratiques, l'accord de l'Eurogroupe du 20 février, qui a accordé quatre mois supplémentaires au remboursement des prêts, est une importante opportunité de progrès. Alors que les dirigeants grecs ont été invités à une réunion informelle à Bruxelles la semaine dernière, cet accord devrait être mis en œuvre immédiatement.
À plus long terme, les dirigeants européens doivent collaborer afin de repenser l'union monétaire, pour favoriser la prospérité partagée, et non plus en vue d'alimenter un ressentiment mutuel. C'est une tâche ardue. Mais avec une vision claire de l'objectif, une approche collective et peut-être un ou deux gestes positifs, elle peut être accomplie.
Ceci est une version révisée et mise à jour d'une publication sur yanisvaroufakis.eu.
Yanis Varoufakis, ministre des Finances de la Grèce.