Vue aérienne d'un échangeur d'autoroutes, vide, durant le confinement dû au COVID-19. Photo : © fivepointsix/Shutterstock
Les réponses apportées seront particulièrement importantes pour les pays en développement, qui devraient souffrir le plus de la crise.
Avant même l’explosion de la pandémie, la plupart d’entre eux se trouvaient déjà sur une trajectoire plus précaire que pendant la période antérieure à la récession mondiale de 2009. Avec un niveau de croissance au plus bas depuis dix ans, les excédents budgétaires et courants d’avant 2009 se sont transformés en lourds déficits. Et la dette extérieure a atteint des records absolus.
Autrement dit, même confrontés à un ralentissement modeste de l’économie mondiale, ces pays auraient eu bien du mal à bâtir une riposte efficace. Or, ils se retrouvent face à une catastrophe sanitaire doublée d’une catastrophe économique sans équivalent dans l’époque moderne.
Le Groupe de la Banque mondiale travaille actuellement sur des prévisions détaillées, à paraître début juin dans la prochaine livraison des Perspectives économiques mondiales. Selon notre premier scénario de base à l’étude, nombre de pays en développement devraient plonger dans la récession en 2020 avant de voir leur croissance redémarrer en 2021.
Ce scénario n’est guère réjouissant, mais il table sur un retour rapide à la normale. Il prévoit par exemple que la distanciation sociale et les autres mesures visant à endiguer la circulation du virus seront levées d’ici trois mois et que toutes les grandes économies mondiales renoueront avec une croissance alerte au troisième trimestre 2020. Il parie également sur la stabilisation des marchés financiers à la faveur de la confiance restaurée des investisseurs. Et il part du principe que les programmes massifs de soutien monétaire et budgétaire seront maintenus dans les 18 prochains mois.
En résumé, ce scénario suppose que tout se passera bien… Mais même dans ce cas-là, l’économie mondiale n’échapperait pas à une grave récession en 2020 et les pays en développement devraient subir une contraction de leur production d’environ 2 % . En plus de marquer le premier repli de ces économies depuis 1960, une telle évolution rimerait également avec des performances incroyablement médiocres par rapport au taux moyen de croissance de 4,6 % observé depuis 60 ans.
Les perspectives pourraient être nettement plus sombres si l’une seulement de ces hypothèses ne se vérifie pas. Quand bien même les mesures d’atténuation décrétées pour trois mois se révèlent efficaces pour stopper la pandémie, on ne peut exclure une certaine frilosité du côté des investisseurs et des ménages ni l’incapacité des chaînes d’approvisionnement locales ou mondiales à refonctionner normalement. Les ménages risquent de limiter leurs dépenses de consommation et les entreprises de reporter leurs investissements jusqu’à ce qu’ils reprennent confiance dans un redressement solide. Et la reprise des voyages internationaux pourrait connaître des hauts et des bas. Dans ce scénario, le choc sur la production mondiale serait encore plus important, et la production dans les économies en développement pourrait se replier de pratiquement 3 % sous l’effet d’une récession plus profonde.
Les fortes contractions de l’économie tendent à perturber durablement les pays en développement , en réduisant le potentiel de croissance pour une période prolongée après une récession, avec de graves répercussions sur le front de la pauvreté et des inégalités.
Les responsables politiques disposent d’une fenêtre de tir étroite pour limiter les dégâts et écourter la crise. Dans les pays en développement, ils doivent faire leur maximum pour se focaliser sur la priorité immédiate : désamorcer la crise sanitaire. Ce qui signifie prendre des mesures pour sauver des vies, protéger les moyens de subsistance, aider les entreprises à attendre l’embellie et préserver l’accès aux services publics essentiels — le tout en fonction du contexte local. Les pays en développement doivent aussi prendre des dispositions pour éviter que la crise sanitaire ne dégénère en crise financière.
Mais la plupart d’entre eux ne peuvent affronter cette crise seuls, parce que leur équilibre est encore plus précaire qu’avant. Dans certains cas, les systèmes de santé sont largement sous-équipés. Des pans entiers de la population tirent leur revenu d’emplois informels, ce qui signifie qu’ils n’ont accès à aucune protection sociale et seront encore plus difficiles à atteindre et à soutenir en ces temps de crise. Les petites et les moyennes entreprises, souvent un pilier de l’activité économique, manquent en général d’accès aux financements et vont se heurter à des difficultés de trésorerie qui pourraient rapidement engendrer une crise de solvabilité.
Les économies en développement susceptibles d’être le plus durement touchées — celles qui dépendent du commerce, des produits de base ou du tourisme — sont aussi celles qui concentrent le plus d’habitants vivant dans l’extrême pauvreté. Confrontées à des pertes de revenu, ces populations auront encore plus de mal à respecter les mesures de confinement. D’une manière générale, la plupart des pays en développement n’ont pas les ressources ni la marge de manœuvre budgétaire nécessaires pour déployer des programmes de soutien à l’activité économique suffisamment importants pour dénouer la crise.
Le Groupe de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international se sont surpassés, s’engageant rapidement à déployer pratiquement toutes leurs capacités de prêt au cours des 15 prochains mois pour aider les économies en développement à affronter l’urgence et accélérer le redressement. Et les pays du G20 ont accepté de suspendre les remboursements de dette bilatérale des pays les plus pauvres — au moins jusqu’à fin 2020 — pour libérer des ressources indispensables à la lutte contre la pandémie.
Mais nous devons redoubler d’efforts pour aider les économies en développement. Faute d’une réponse politique adaptée à l’ampleur de la crise actuelle, les dommages seront encore plus coûteux à réparer plus tard . Le monde entier doit serrer les rangs et se mobiliser : les gouvernements et les organisations internationales, mais aussi les entreprises et les créanciers privés.
Ensemble, nous devons lancer une riposte vigoureuse, à la mesure de la pire crise depuis des générations . La communauté internationale a encore les moyens d’éviter les conséquences les plus désastreuses de la pandémie. À la condition toutefois de faire dès maintenant preuve de résolution pour circonscrire les dégâts et jeter les bases d’une reprise solide.
Par CEYLA PAZARBASIOGLU AYHAN KOSE, Banque mondiale
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Avant même l’explosion de la pandémie, la plupart d’entre eux se trouvaient déjà sur une trajectoire plus précaire que pendant la période antérieure à la récession mondiale de 2009. Avec un niveau de croissance au plus bas depuis dix ans, les excédents budgétaires et courants d’avant 2009 se sont transformés en lourds déficits. Et la dette extérieure a atteint des records absolus.
Autrement dit, même confrontés à un ralentissement modeste de l’économie mondiale, ces pays auraient eu bien du mal à bâtir une riposte efficace. Or, ils se retrouvent face à une catastrophe sanitaire doublée d’une catastrophe économique sans équivalent dans l’époque moderne.
Le Groupe de la Banque mondiale travaille actuellement sur des prévisions détaillées, à paraître début juin dans la prochaine livraison des Perspectives économiques mondiales. Selon notre premier scénario de base à l’étude, nombre de pays en développement devraient plonger dans la récession en 2020 avant de voir leur croissance redémarrer en 2021.
Ce scénario n’est guère réjouissant, mais il table sur un retour rapide à la normale. Il prévoit par exemple que la distanciation sociale et les autres mesures visant à endiguer la circulation du virus seront levées d’ici trois mois et que toutes les grandes économies mondiales renoueront avec une croissance alerte au troisième trimestre 2020. Il parie également sur la stabilisation des marchés financiers à la faveur de la confiance restaurée des investisseurs. Et il part du principe que les programmes massifs de soutien monétaire et budgétaire seront maintenus dans les 18 prochains mois.
En résumé, ce scénario suppose que tout se passera bien… Mais même dans ce cas-là, l’économie mondiale n’échapperait pas à une grave récession en 2020 et les pays en développement devraient subir une contraction de leur production d’environ 2 % . En plus de marquer le premier repli de ces économies depuis 1960, une telle évolution rimerait également avec des performances incroyablement médiocres par rapport au taux moyen de croissance de 4,6 % observé depuis 60 ans.
Les perspectives pourraient être nettement plus sombres si l’une seulement de ces hypothèses ne se vérifie pas. Quand bien même les mesures d’atténuation décrétées pour trois mois se révèlent efficaces pour stopper la pandémie, on ne peut exclure une certaine frilosité du côté des investisseurs et des ménages ni l’incapacité des chaînes d’approvisionnement locales ou mondiales à refonctionner normalement. Les ménages risquent de limiter leurs dépenses de consommation et les entreprises de reporter leurs investissements jusqu’à ce qu’ils reprennent confiance dans un redressement solide. Et la reprise des voyages internationaux pourrait connaître des hauts et des bas. Dans ce scénario, le choc sur la production mondiale serait encore plus important, et la production dans les économies en développement pourrait se replier de pratiquement 3 % sous l’effet d’une récession plus profonde.
Les fortes contractions de l’économie tendent à perturber durablement les pays en développement , en réduisant le potentiel de croissance pour une période prolongée après une récession, avec de graves répercussions sur le front de la pauvreté et des inégalités.
Les responsables politiques disposent d’une fenêtre de tir étroite pour limiter les dégâts et écourter la crise. Dans les pays en développement, ils doivent faire leur maximum pour se focaliser sur la priorité immédiate : désamorcer la crise sanitaire. Ce qui signifie prendre des mesures pour sauver des vies, protéger les moyens de subsistance, aider les entreprises à attendre l’embellie et préserver l’accès aux services publics essentiels — le tout en fonction du contexte local. Les pays en développement doivent aussi prendre des dispositions pour éviter que la crise sanitaire ne dégénère en crise financière.
Mais la plupart d’entre eux ne peuvent affronter cette crise seuls, parce que leur équilibre est encore plus précaire qu’avant. Dans certains cas, les systèmes de santé sont largement sous-équipés. Des pans entiers de la population tirent leur revenu d’emplois informels, ce qui signifie qu’ils n’ont accès à aucune protection sociale et seront encore plus difficiles à atteindre et à soutenir en ces temps de crise. Les petites et les moyennes entreprises, souvent un pilier de l’activité économique, manquent en général d’accès aux financements et vont se heurter à des difficultés de trésorerie qui pourraient rapidement engendrer une crise de solvabilité.
Les économies en développement susceptibles d’être le plus durement touchées — celles qui dépendent du commerce, des produits de base ou du tourisme — sont aussi celles qui concentrent le plus d’habitants vivant dans l’extrême pauvreté. Confrontées à des pertes de revenu, ces populations auront encore plus de mal à respecter les mesures de confinement. D’une manière générale, la plupart des pays en développement n’ont pas les ressources ni la marge de manœuvre budgétaire nécessaires pour déployer des programmes de soutien à l’activité économique suffisamment importants pour dénouer la crise.
Le Groupe de la Banque mondiale et le Fonds monétaire international se sont surpassés, s’engageant rapidement à déployer pratiquement toutes leurs capacités de prêt au cours des 15 prochains mois pour aider les économies en développement à affronter l’urgence et accélérer le redressement. Et les pays du G20 ont accepté de suspendre les remboursements de dette bilatérale des pays les plus pauvres — au moins jusqu’à fin 2020 — pour libérer des ressources indispensables à la lutte contre la pandémie.
Mais nous devons redoubler d’efforts pour aider les économies en développement. Faute d’une réponse politique adaptée à l’ampleur de la crise actuelle, les dommages seront encore plus coûteux à réparer plus tard . Le monde entier doit serrer les rangs et se mobiliser : les gouvernements et les organisations internationales, mais aussi les entreprises et les créanciers privés.
Ensemble, nous devons lancer une riposte vigoureuse, à la mesure de la pire crise depuis des générations . La communauté internationale a encore les moyens d’éviter les conséquences les plus désastreuses de la pandémie. À la condition toutefois de faire dès maintenant preuve de résolution pour circonscrire les dégâts et jeter les bases d’une reprise solide.
Par CEYLA PAZARBASIOGLU AYHAN KOSE, Banque mondiale
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