Sénégal: «Au-delà d'une réforme, il faut aller vers une refonte du système éducatif»

Mardi 19 Mai 2015

Le système éducatif sénégalais n'est pas à réformer. Il doit être refondé. C'est du moins l'avis du président du mouvement Andu Nawle aujourd'hui membre du secrétariat exécutif du parti au pouvoir, l'Apr. Abdou Fall réagissait ainsi lors de la journée d'échanges organisée hier par la presse thiessoise et dont il était l'invité.


Interpellé sur la crise qui secoue depuis des années l'espace scolaire et universitaire au Sénégal, l'ancien ministre de la Santé, Abdou Fall, a attiré l'attention sur les véritables enjeux du système éducatif. Car, selon lui, sur le plan des statistiques dans le système formel, il y a un million huit cent mille élèves dans l'élémentaire, un million deux cent mille dans le moyen secondaire, deux cent mille étudiants dans les universités. A côté, il y a quarante trois mille élèves dans l'apprentissage, la formation polytechnique et celle professionnelle. Autrement dit, poursuit-il, le pays se retrouve, d'une part, avec 43 000 jeunes qui sont en train d'être formés et qui, avec ou sans emploi, peuvent gagner leur vie. Et, d'autre part, quelque 3 millions de jeunes en formation dans les écoles et qui, pour l'essentiel, vont sortir avec simplement des diplômes et sans aucune qualification professionnelle donc pas employables dès l'obtention de leur diplôme.
Et Abdou Fall de poursuivre pour dire que c'est cette école-là que le régime actuel a héritée de son prédécesseur et qu'il faut non pas réformer mais refonder pour que la tendance soit totalement renversée. Pour lui, c'est cette refondation qui permettra d'avoir au moins les trois quarts des effectifs du système, employables au terme de leur cursus et le reste dans les filières de longue durée. «Ce qu'il faut, c'est une refondation de notre système éducatif pour qu'il cesse d'être une école du savoir et des diplômes et devienne une véritable école des compétences apte à rendre les jeunes employables dès leur sortie».
Un second problème auquel il faut chercher impérativement une solution est, selon lui, relatif aux effectifs des enseignants. Car, sur ce côté aussi, sur 153 000 fonctionnaires en activité dans ce pays, 92 000 sont des enseignants. Soit trois quarts des agents de la Fonction publique. Et selon le représentant du Fmi qui l'a signalé récemment, ces 153 000 agents de la fonction publique - dont 92 000 enseignants - consomment à eux seuls la moitié des recettes budgétaires du pays. Pour dire, selon Abdou Fall, qu'autant il y a un déséquilibre entre la formation qui donne des diplômes et celle qui s'ouvre sur des métiers autant il y a un autre dans la structuration budgétaire par rapport à ce que coûte ces fonctionnaires et le coût des non fonctionnaires. Toutes situations qui peuvent expliquer la position du chef de l'Etat quand il dit reconnaître la légitimité des revendications des enseignants avant de les inviter à la discussion pour voir comment aller ensemble à la recherche d'un équilibre.
C'est dans ce cadre que s'inscrit, d'ailleurs, fait-il savoir, l'étude que l'Etat a commanditée pour analyser la structure de la Fonction publique et le système indemnitaire pour pouvoir aller vers des propositions qui permettent de prendre en charge les revendications mais en les rendant compatibles avec les possibilités du pays. Tout un processus qu'il ne sera possible de mener à bon port, reconnaît-il, qu'avec la restructuration du mouvement syndical. Car il est quasi impossible de gérer des relations professionnelles normalisées avec cinquante deux organisations syndicales. «Le Sénégal et le Bénin sont, au monde, les deux pays qui comptent le plus grand nombre de syndicats d'enseignants», informe-t-il. ussi Abdou Fall de se dire d'avis que les trois défis qu'il urge aujourd'hui de relever pour stabiliser le système éducatif sont d'abord de clarifier les relations professionnelles en les normalisant ensuite instaurer un débat serein qui permettra de voir comment rendre compatible la prise en charge des revendications et les possibilités budgétaires de l'Etat. Et enfin refonder le système éducatif pour qu'il y ait plus d'employabilité pour que, avec ou sans emploi, la personne puisse gagner sa vie. Pour toutes ces raisons, Abdou Fall pense qu'il serait peut-être possible d'envisager des solutions non budgétaires pour pouvoir arriver à une stabilité durable du système.
Walfadjiri Quotidien
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