Sénégal: Au-delà du patriotisme économique, le consommer local face au défi de la qualité des produits

Jeudi 2 Avril 2015

Slogan chanté depuis des années, le consommer local est en train de s'imposer lentement mais sûrement dans les habitudes des Sénégalais. Cependant, au-delà du patriotisme économique qui devrait habiter tout consommateur, se pose la question de la qualité des produits de chez nous proposés sur le marché. A titre illustratif, ce dossier donne l'exemple du riz et de l'oignon locaux, des produits à la qualité parfois décriée par certains consommateurs. Mais des efforts ont été faits pour améliorer la qualité de ces denrées très prisées par les ménages.


Les ménagères prêtes à adopter le riz de la vallée, mais...
Même si certains commerçants au marché Castor disent que le riz local se vend relativement bien, des femmes de ménage rencontrées hésitent encore à adopter ce produit local. Elles décrient la qualité et demandent plus d'efforts dans le conditionnement avant de mettre le riz dans le circuit commercial.
Certaines ménagères interrogées reconnaissent au riz local cette qualité : il est très économique, surtout pour une grande famille. Un aveu important, quand on sait l'importance du budget consacré à l'alimentation au Sénégal, dont une grande partie va au sac de riz. Cependant, ces ménagères décrient la qualité du riz produit au Sénégal. « J'ai essayé, à quelques reprises, avec le riz de la vallée, mais franchement, il y a un problème de qualité. Il y a trop de grains de sable et autres particules solides dans ce riz. Il faut beaucoup de temps pour les extraire. Et si l'on est seul au foyer, on n'aura pas tout ce temps. Je pense que s'il y avait plus d'effort dans le conditionnement, cela encouragerait les femmes à recourir à ce riz plus fréquemment », a suggéré Fatou Ndiaye, une ménagère rencontrée au marché Castor.
« Le riz de la vallée est de meilleure qualité »
La dame Khady Fall, elle, affirme n'avoir jamais essayé avec le riz local. « Je n'ai jamais préparé avec ce riz, mais j'ai entendu certaines femmes dire que c'est difficile à préparer. C'est ce qui m'a un peu découragé, mais je pense qu'il est plus intéressant de consommer ce que nous avons produit nous-mêmes », pense-t-elle. « Je connais une amie qui tient un restaurant à Reubeuss et qui ne prépare qu'avec le riz de la vallée. Ses clients l'apprécient très bien. Mais honnêtement, en ce qui me concerne, je ne prépare pas ce riz. Peut-être que dans l'avenir, je pourrais essayer pour voir si ma famille va aimer ou pas », rigole la jeune dame Sokhna Touré, venue faire ses courses au marché.
« Le riz de la vallée est de meilleure qualité que le riz importé. En plus, son prix est beaucoup plus avantageux, déclare Fatou Binetou Faye. Seulement, déplore-t-elle, il est très difficile parfois de trouver le riz local sur le marché. Ainsi, nous sommes obligées de nous rabattre sur le riz importé ». Moumna Sylla, bachelière, venue continuer ses études dans la capitale, fait son choix en prenant plus en considération le prix que la provenance du produit. « J'achète toujours le moins cher ; mon budget me l'impose ». fait-elle savoir. Chez les hommes, l'unanimité se dégage : ils sont en faveur du consommer local. Mame Meissa Diouf est un partisan des produits de chez nous, mais, confesse-t-il, au moment de faire leurs emplettes, certains hommes peuvent tergiverser entre l'importé et le local.
« Je veux bien mais la qualité laisse à désirer »
Au-delà des griefs et avantages du riz de chez nous, certaines ménagères ont conscience de la nécessité de consommer les produits locaux. Le marché de Thiaroye joue le rôle de grossiste en fruits, légumes et céréales pour la presqu'île du Cap-Vert. 16h, le bruit des camions venus approvisionner Dakar en légumes laisse la place au marchandage entre la clientèle et les vendeurs. Fatou Bintou Faye, âgée de 43 ans, rencontrée sur les lieux, explique les raisons qui l'ont poussée à consommer les produits importés au détriment des denrées cultivées au Sénégal. Le « consommer local est toujours au stade du slogan », se désole-t-elle. Mme Faye soutient que les produits du terroir tels que l'oignon et le riz ne sont pas d'aussi bonne qualité que ceux importés. « Je veux bien consommer ce que nos paysans récoltent mais force est de constater que la qualité laisse à désirer. A titre d'exemple, laissez mijoter l'oignon local, vous constaterez que le volume d'eau au départ est supérieur après préparation. Ce facteur peut complètement saboter un plat. C'est la raison qui m'a poussé à choisir l'oignon importé», argumente-t-elle.
Un riz qui se vend mais lentement, selon des commerçants
De plus en plus présents dans les boutiques, le riz local est très sollicité par les clients, selon des commerçants. Cependant, ils estiment que l'écouler peut prendre du temps.
Au marché Castor, il faut poser beaucoup de questions pour localiser les boutiques et magasins où le riz local appelé riz de la vallée se vend. Cette denrée semble rare dans ce lieu qui, d'habitude, ne manque de rien, surtout en produits d'usage ménager. Après une longue marche, nous voilà, enfin, dans une boutique qui commercialise le riz de la vallée. Modou Gaye est bien installé au milieu de son échoppe bien garni en marchandise, le livre saint de l'Islam entre les mains.
Vente sur commande
Selon ce commerçant, le riz local est très sollicité par ses clients. « Franchement, je vends bien le riz de la vallée. Il m'arrive même parfois de finir mon stock avant que l'autre commande ne soit disponible», a soutenu le commerçant. Appréciant le produit, il précise que comme le riz importé, il y a aussi beaucoup de variétés de riz local. Les prix varient en fonction de la qualité. « Le prix du kilogramme de ces variétés de riz local varie entre 250 FCfa, 275 FCfa et 300 FCfa. Mais la variété qui est la mieux vendue est celle qui coûte 275 FCfa, parce que les clients jugent que ce riz est de bonne qualité », a expliqué Modou Gaye.
Babacar Sow abonde dans le même sens que M. Gaye. Ce commerçant grossiste, originaire du Walo, soutient que le riz de la vallée se vend relativement bien dans sa boutique. « Le riz local ne se vend pas de la même manière que le riz importé, mais se vend quand même bien. Même si j'ai un stock, je ne vends pas au détail. Les clients qui veulent ce riz me font la commande et je procède à la livraison. La commercialisation n'est pas aussi rapide que celle du riz importé, mais j'arrive toujours à écouler mon stock », a dit ce commerçant venu de Ross Béthio. Pour lui, le problème qui se pose avec le riz local, c'est sa méconnaissance par les femmes, principalement celles des milieux urbains qui, dit-il, ne maîtrisent pas souvent la technique de la préparation.
Contrairement à ces deux commerçants, Abdoulaye Diallo, plus connu sous le nom de Özil, a cessé de vendre le riz local depuis longtemps. Pour ce Sénégalais d'origine guinéenne, l'écoulement de cette denrée produite dans la vallée du fleuve Sénégal est très lent. « J'ai essayé avec le riz local, parce que certains clients me le demandaient souvent, mais j'ai fini par arrêter la vente. La commercialisation n'était pas rentable pour moi. Je faisais des mois avant d'épuiser une commande et les sacs me prenaient trop d'espace dans la boutique », a déclaré Özil.
Valorisation des produits locaux : Améliorer l'emballage pour attirer les consommateurs
L'emballage dépasse largement les fonctions de préservation et de protection du produit. Avant-dernier maillon dans la chaîne de transformation, l'emballage, s'il est de qualité, suffit à lui seul pour faire la promotion d'un produit.
Certains acteurs sont formels, parfois, pas besoin de dérouler une opération marketing dont le coût peut-être salé pour les comptes de l'entreprise. Un bon emballage vend bien son produit. Ce qui revient à dire qu'il faut jouer sur la qualité de l'emballage pour bien écouler un produit sur le marché. Par ailleurs, l'emballage est considéré comme un moyen de communiquer, accessible à des entreprises n'ayant pas la possibilité de recourir à de grandes campagnes de publicité. « Il y a un intérêt certain d'avoir des emballages de qualité pour les produits. En effet, dans la chaîne de valeurs de la transformation, l'emballage est l'avant-dernier maillon. Il vient juste avant la consommation. Ce maillon-là est important parce qu'il permet de sécuriser le produit, de bien le présenter pour bien le vendre. Parce qu'un bon emballage vend bien son produit », explique Mme Lucia Alvès Mendy, gérante de la centrale d'achat Andandoo, logée à l'Institut de technologie alimentaire (Ita) et qui s'investit dans les emballages agroalimentaires. Cette association, créée en 2010, grâce à l'appui du ministre de l'Agriculture et au soutien financier du Projet de productivité agricole en Afrique de l'Ouest (Ppaao), regroupe les transformateurs de l'agroalimentaire.
L'objectif : fédérer les efforts pour trouver des solutions au problème de l'emballage. Et bien leur en a pris. Aujourd'hui, cette association met à la disposition de ses membres tous types d'emballage de qualité et pour toutes les catégories de la transformation de l'agroalimentaire. Cependant, un accent particulier est mis sur l'emballage en verre. Et pour raison, Mme Mendy indique que ce type d'emballage est le plus difficile à trouver en Afrique de l'Ouest où il est souvent importé.
Ibrahima LO, secrétaire général de l'UNACOIS : « La volonté politique a toujours fait défaut dans la commercialisation du riz local »
La commercialisation des produits locaux ne devrait souffrir d'aucune contrainte tant que la qualité est au rendez-vous. Pour le secrétaire général de l'Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois), le respect des normes de production et la bonne présentation devront être de mise. La volonté politique et patriotique fera le reste.
« Actuellement, nous importons beaucoup de produits que nous pouvons cultiver sur place. L'importation de ces produits porte sur des centaines de milliards de FCfa. Il y a le riz, l'oignon, la pomme de terre, la tomate, etc. », regrette Ibrahima Lô, secrétaire général de l'Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois). A son avis, la politique d'autosuffisance alimentaire dans laquelle s'est engagé l'Etat, rencontre parfaitement l'adhésion des opérateurs économiques. Ces derniers, si l'on en croit le secrétaire général de l'Unacois, se sont déjà engagés dans la promotion des produits locaux. « Nous avons rencontré le chef de l'Etat, Macky Sall, avant le Conseil présidentiel, à propos du riz et nous lui avons donné notre accord total à commercialiser l'ensemble de la production locale », affirme Ibrahima Lô. Selon lui, « tout ce qui est actuellement stock de riz dans la vallée a été acheté et aucun autre stock n'a été signalé pour le moment ». Selon notre interlocuteur, les importations vont baisser au fur et à mesure que la production nationale va augmenter dans l'espoir que d'ici à l'horizon 2017 fixé pour atteindre l'autosuffisance, le Sénégal n'importe plus de riz.
« Nous avons fait la même chose, il y a quelques années, avec l'oignon. En 2014, nous avions une couverture de huit mois sur douze. Sur cette période, on ne consomme que de l'oignon local. On l'a commencé avec la pomme de terre, l'année dernière, et cela va se poursuivre pour 2015. Aujourd'hui, nous sommes à une couverture de quatre mois sur douze pour la pomme de terre », explique Ibrahima Lô.
Améliorer l'emballage
Toutefois, ce dernier trouve important que des efforts soient faits sur la présentation des produits locaux. «Il y a des problèmes que nous n'avons pas encore maîtrisés comme l'emballage qui est très important, mais nous sommes en train d'y travailler», soutient M. Lô. L'autre aspect déploré par l'opérateur économique, c'est la qualité des produits qui sont le plus souvent récoltés avant leur maturation. « Souvent, les paysans n'ont pas de moyens, ils récoltent les produits prématurément. Ils ont besoin d'être accompagnés jusqu'à la fin du processus. C'est le cas de l'oignon et de la pomme de terre. Pour le riz, il y a certains riziers qui font de la qualité », affirme le secrétaire général de l'Unacois. Il reste convaincu que la commercialisation du riz local ne pose pas problème, mais c'est plutôt la volonté politique qui a toujours fait défaut. Cette volonté doit se traduire, selon lui, par l'accompagnement et l'encadrement des producteurs par l'Etat et la promotion du consommer local. « L'essentiel est que les opérateurs économiques, qu'ils soient importateurs ou exportateurs, et les consommateurs, s'engagent à consommer ce que nous produisons. S'il y a cette volonté, l'écoulement des produits locaux ne devrait poser aucun problème », affirme Ibrahima Lô. Bien qu'il y ait cette liberté d'importer conformément aux accords de l'Organisation mondiale du Commerce (Omc), M. Lô reste convaincu que « la fibre patriotique » va jouer au profit des produits locaux.
« Une tonne de riz importé, c'est un emploi créé à l'extérieur »
En plus de profiter à l'économie nationale, la commercialisation des produits locaux présente moins de risques, de contraintes et de pertes pour les opérateurs économiques. De l'avis du secrétaire général de l'Unacois, c'est aussi un moyen d'éviter des pertes d'emplois. « Chaque fois que nous importons une tonne de riz, d'oignon ou de pomme de terre, nous créons un emploi à l'extérieur en éliminant un emploi dans notre pays. Il est temps que nous consommions ce que nous produisons », estime Ibrahima Lô. L'option d'aller vers l'autosuffisance alimentaire est, selon lui, pertinente, eu égard à la situation démographique mondiale qui oblige, de plus en plus, les pays, jadis exportateurs de riz, de produire pour se nourrir. «Les pays asiatiques sont en train de s'industrialiser, ils n'ont plus d'espace. D'ici à 2020, ils ne vont plus exporter, ils vont devenir des importateurs. Il ne faut pas attendre qu'ils viennent cultiver le riz chez nous, exporter la meilleure qualité et nous laisser la brisure », prévient M. Lô. Et puisque l'espace de production est disponible, l'opérateur économique pense que tout ce qu'il faut maintenant, c'est l'encadrement, aussi bien des producteurs, des transformateurs que des commerçants. Mais surtout protéger nos terres et s'engager dans l'intensification de la
Manque de formation, excès d'eau, récolte prématuré : Les producteurs expliquent la qualité de l'oignon local
A Potou, principale zone de production dans la région de Louga, les producteurs d'oignon local indexent le manque de formation pour justifier la mauvaise qualité de leur produit. En effet, le non-respect des itinéraires techniques, le choix non maîtrisé des semences et l'empressement dans les récoltes sont listés comme les principaux problèmes.
Interpellés sur la qualité de l'oignon local souvent décriée par les consommateurs et les commerçants, certains producteurs établis à Potou, village situé à 30 km au sud de Louga, évoquent le manque de formation. « Ils sont peu nombreux, les producteurs qui peuvent vous décrire les différentes étapes de l'itinéraire technique à suivre dans la culture de l'oignon. La plupart d'entre eux s'inspirent de ce qui se faisait avant, c'est-à-dire, de la pratique traditionnelle. En plus, ils confient le travail à des saisonniers (« sourgas ») qui ne sont pas formés à l'évolution des techniques et surtout les changements climatiques », explique Aliou Boye. « Je connais beaucoup de producteurs ici qui produisent l'oignon depuis plus de vingt ans comme moi, mais je ne peux pas vous dire qui maîtrise entièrement toute la technique ou qui suit les changements ou s'adapte à l'évolution du temps. Je n'en connais pas sérieusement, même si avec l'aide de certains projets, nous avons été initiés, il y a quelques années, la formation de quelques jours ne suffit pas. Il faut ajouter à cela la qualité des semences que nous ne maîtrisons pas aussi », souligne-t-il. Un point de vue partagé par Ablaye Fall, un autre producteur, selon qui, tout est question de connaissance. « Le savoir est essentiel, nous faisons beaucoup d'efforts dans la pratique, mais nous ne maîtrisons pas tout et l'Etat devrait nous aider dans un programme spécial de formation des producteurs avec ses services techniques. Nous l'exhortons à veiller à la qualité de l'oignon local, parce qu'il y a des institutions de recherches qui travaillent dans ce sens dans notre pays, l'Isra et l'Ita par exemple, mais elles ne sont pas à côté des producteurs », ajoute-t-il. Pour son collègue Oumar Sow, « la formation peut être garantie, mais parfois, cela n'empêche pas les producteurs de vouloir gagner de l'argent très rapidement en s'empressant de récolter avant même que la plante n'arrive à terme. Et c'est souvent le grand reproche qu'on nous fait. Cela est malheureusement vrai. On s'empresse de récolter pour aller vendre sur le marché, surtout quand la mesure de gel des importations intervient ». D'ailleurs, c'est ce qui explique, selon la présidente de l'union locale des femmes productrices des Niayes, Mme Fat Dia, que l'oignon local contienne beaucoup d'eau. « L'empressement, cela explique peut-être tout », relève-t-elle.
Le marché national, espoir des paysans de la Vallée
De Saint-Louis à Ross-Béthio, en passant par Ndiawdoun, Diama Yélaar, Lampsar, Ndiol, Mboltogne, Ndiayes, Pont Gendarme, Tilène, les responsables des organisations paysannes et autres riziculteurs que nous avons interrogés, sont unanimes à reconnaître les nombreux avantages du consommer sénégalais.
De l'avis de Pape Abdou Mbodj de Savoigne, Birahim Gaye de Diawar, Oumar Demba Niang de Diagambal, s'engager dans la promotion du consommer local, c'est réussir à passer du slogan à la réalité en mettant en œuvre des stratégies pour accompagner les processus de production, de transformation et de distribution des produits agricoles, agro-alimentaires et autres denrées de première nécessité, dans un contexte de concurrence mondiale et de lutte acharnée pour la conquête des marchés du riz, de l'oignon, de la tomate industrielle, du concentré de tomate, du sucre, etc. Nos interlocuteurs ont rendu un vibrant hommage au chef de l'Etat qui, non seulement compte entièrement sur l'agriculture pour réussir le Pse, mais s'évertue à faire comprendre aux Sénégalais que le consommer local est la voie du salut.
Pourquoi aller chercher ailleurs du riz alors que dans le delta et la vallée du fleuve Sénégal, le paddy bord-champ et le riz blanc ont largement dépassé, en qualité et en compétitivité, le riz importé, souvent présenté aux consommateurs sénégalais sous forme de sous-produit à la qualité douteuse, se demandent ces producteurs rompus à la tâche.
Contribuer au développement
Ces derniers se réjouissent de cette initiative pertinente du chef de l'Etat qui permet à la fois de créer des milliers d'emplois, de réduire le chômage à un seuil économiquement acceptable. Consommer la production locale permet aussi de booster la production, de mettre définitivement un terme aux difficultés auxquelles les paysans du delta, de la vallée, de l'Anambé sont quotidiennement confrontés pour commercialiser leurs produits.
Hamidou Fall, Mame Diarra Seck et Dieynaba Thiam, riziers établis entre Ross-Béthio et Mboundom, semblent confirmer ces propos en précisant que le président Macky Sall est un chef d'Etat new look et atypique. Son combat, ont-ils poursuivi, consiste à faire comprendre au peuple sénégalais qu'il est grand temps de ne plus compter entièrement sur les importations massives d'aliments pour nourrir le Sénégal.
Pour Daouda Sène, enseignant domicilié à Ndiadoum, « autant on consomme sénégalais et autant on pourrait être en mesure, un jour, de se départir des problèmes récurrents de date de péremption dépassée de ces nombreux produits contrefaits ou frauduleusement introduits dans notre pays ». Les ingénieurs agronomes interrogés à la cité Saed de Ngallèle ont laissé entendre que la promotion de la production des denrées alimentaires, des produits artisanaux, pourrait permettre, à coup sûr, de contribuer efficacement au développement de la nation. A l'occasion de sa dernière visite dans la vallée, ont-ils rappelé, le chef de l'Etat n'avait pas cessé d'attirer l'attention des Sénégalais sur les nombreuses opportunités de mettre en valeur nos terres cultivables.
Des chercheurs de l'Isra et d'Africa Rice ont requis l'anonymat pour rappeler que le consommer local, c'est produire ce que l'on consomme et consommer ce que l'on produit. « C'est valoriser nos produits culturels, promouvoir l'artisanat utilitaire, réhabiliter la fonction artisanale, replacer l'apprentissage fonctionnel au centre du processus de développement qui s'articule autour de l'éducation, l'apprentissage aux métiers, la formation professionnelle ».
Vaincre le complexe du produit importé
L'un des défauts de certains Sénégalais, c'est de croire aveuglément que le produit importé est meilleur que celui local. Il y a urgence à sensibiliser les consommateurs pour vaincre ce complexe, estiment des acteurs.
Au premier Forum des journées économiques du Conseil des entreprises du Sénégal (Cdes), qui s'est tenu il y a quelques semaines à Dakar, l'association «Andandoo» s'est distinguée parmi la cinquantaine de structures qui exposaient divers produits de transformation. Dans ce stand, maints types d'emballages améliorés sont présentés. Et ils n'ont rien à envier à ceux importés. Mais cela ne suffit pas, à côté des emballages de qualité, il faut continuer à sensibiliser les Sénégalais sur le consommer local, préconise Mme Lucia Alvès Mendy, gérante de la centrale d'achat «Andandoo» logée à l'Institut de technologie alimentaire (Ita) et qui s'investit dans les emballages agroalimentaires. Et, pour elle, c'est heureux que le chef de l'Etat en ait fait son cheval de bataille. « C'est un bon signe. Mais c'est le complexe du Sénégalais de croire que ce qui vient de l'étranger est de meilleure qualité que ce que nous produisons chez nous, qui bloque. C'est tout à fait le contraire. Nous avons des produits de qualité qui sont vus, analysés et revus dans les laboratoires. L'Ita est en train de faire un travail remarquable dans ce sens-là. Il reste aux autorités de faire la promotion de ces produits dans les différentes manifestations », insiste la gérante de la centrale d'achat « Andandoo ».
Le filon de la transformation des céréales locales
A l'autre bout de la salle d'exposition, le stand du Réseau Arafat ((Associations autogérées des femmes de Tambacounda) se particularise par son achalandage. Ici, les céréales locales brutes, entre les mains des 1500 femmes qui composent le Réseau, deviennent des produits précuits. Le mil et le maïs sont transformés en différents types de brisures. Et au fonio, ces femmes de Tambacounda donnent un goût unique à la cuisson. Si ces produits se vendent bien dans la région orientale, il se trouve que ces braves dames sont confrontées au défi de l'emballage. « Nos produits sont de qualité mais leur valorisation fait défaut. Les emballages en plastique que nous utilisons ne sont pas adéquats d'autant plus que dans nos actions, il y a la lutte contre les déchets plastiques. C'est un peu paradoxal. Nous sollicitons de l'aide pour disposer d'emballages plus pratiques et attractifs », indique Mme Ba Fatimata Niang, présidente du Réseau.
Créer de la valeur ajoutée
Au-delà de l'emballage pour un conditionnement normé et des produits locaux plus attractifs, le président du Cdes, Babacar Diagne, a surtout invité les médias sénégalais à jouer leur partition dans la vulgarisation et la valorisation de ces produits. Car, selon lui, « cela permettrait de créer le marché et de participer, de manière efficiente, à la création de valeur ajoutée ». Outre cette communication, M. Diagne a insisté sur la nécessité de maîtriser l'ensemble de la chaîne de valeurs. « On produit beaucoup de mil, de maïs, mais on n'en commercialise pas. Il faut vendre. Et pour vendre, on a besoin de maîtriser ces chaînes de valeurs afin de susciter la consommation. Tout cela va nécessiter un ensemble d'instruments qu'il faudra mettre en place notamment des modules de formation adaptés et accessibles. Ceux que nous avons actuellement sont très chers, l'Etat doit les subventionner », a-t-il plaidé.
Plus loin, l'initiateur des Journées économiques du Cdes est d'avis qu'au Sénégal, les produits transformés sont d'assez bonne qualité. Cependant, il estime qu'on peut toujours mieux faire, d'où l'intérêt, selon lui, de renforcer l'encadrement des micros et petites entreprises. « Si les services d'appui leur permettant de répondre aux normes régies ne jouent pas leur rôle, le problème va rester entier. Nous avons un problème d'approche, les centres d'appui qui œuvrent dans le renforcement de capacités des micros et petites entreprises doivent centrer leurs actions sur ces acteurs afin que le consommer local ne soit pas un simple slogan sans lendemain mais une réalité », a-t-il souligné.
Amadou Sy, directeur général de l'Agence de régulation des marchés : « L'amélioration de la qualité des produits locaux est un processus qui suit son cours »
La consommation des produits locaux est un geste porteur de richesses pour le Sénégal, rappelle le directeur général de l'Agence de régulation des marchés (Arm), Amadou Sy. Dans l'entretien qu'il nous a accordé M. Sy appelle les consommateurs à la patience par rapport à la qualité des produits. L'Etat, ajoute-t-il, a fait beaucoup d'efforts pour permettre de meilleures conditions d'utilisation de ces produits par les ménages.
Monsieur Sy, qu'est-ce qui explique la décision de l'Etat de promouvoir la consommation des produits locaux ?
La décision de l'Etat d'encourager la consommation des produits locaux est salutaire. Elle participe à l'amélioration de la balance commerciale du pays, mais aussi à la création de richesses par rapport aux producteurs agricoles et des produits de la cueillette dans les zones écologiques du Sénégal. Nous encourageons fortement cette décision en travaillant sur l'oignon, la pomme de terre, le riz et même sur les autres produits comme le lait. Nous travaillons avec d'autres acteurs sur les produits de la cueillette à travers des plateformes que nous voulons mettre sur l'ensemble du pays.
La protection est faite sur certains produits comme l'oignon qui bénéficie d'un gel des importations chaque année. Comment s'effectue le processus ?
Le moyen de protection le plus utilisé, pour le moment, est le gel des importations. Nous gelons les importations, juste après les récoltes, en accord avec la Saed et la Dpv (Direction de protection des végétaux). Ce gel couvre la période de couverture des besoins. Depuis le démarrage de cette stratégie en 2003, nous sommes partis d'un mois de couverture à huit mois. Pour la carotte, nous sommes partis de trois mois en 2004 à sept mois en 2014. Les importations de carotte ont été gelées depuis le 10 janvier. Celles de l'oignon depuis 14 février. L'importation de la pomme de terre a été gelée depuis le 15 février. Nous encadrons les acteurs en rapport avec les autres services pour que les premiers puissent trouver des moyens notamment dans le domaine du stockage. Une cinquantaine de magasins de stockage a été construite. Des comités de gestion ont été créés pour que les producteurs puissent conserver leur oignon. C'est insuffisant, mais c'est un effort que l'Etat a fait pour un budget de plus de 200 millions de FCfa par an. Depuis la création de l'Arm, plus de deux milliards de FCfa ont été investis dans les magasins de stockage.
Le gouvernement semble vouloir reconduire le même processus avec le riz...
Pour le riz, nous avons toujours travaillé avec les acteurs sur la fixation des prix et l'encadrement. Cette année, nous avons, pour la première fois, réuni les importateurs et les producteurs. Depuis le Conseil présidentiel du 03 février dernier, nous avons mis en place un schéma en rapport avec les acteurs. Pour le moment, les importateurs ont acheté presque 90 % du riz produit dans la vallée. Nous allons reconduire le même schéma qui a été fait sur la tomate et le sucre. Pour le sucre, on suspend les importations pendant la récolte afin de permettre à la Css (Compagnie sucrière sénégalaise) de transformer l'ensemble de la canne qu'elle a produite. On calcule le sucre blanc par rapport à la consommation nationale. C'est le gap restant qui est partagé entre les importateurs. Pour la tomate, après la récolte, nous suspendons les importations. Nous demandons à l'ensemble des acteurs d'aller sur le terrain pour acheter la production. Dès qu'ils terminent, nous calculons le pourcentage de chacun. Si, par exemple, quelqu'un a fait 20 % dans le gap restant des 6 000 tonnes à importer, il importe les 20 %. La part d'importations est calculée à partir de l'effort fourni par l'acheteur auprès des producteurs. Nous voulons utiliser cette solution avec le riz, en rapport avec les acteurs. Nous sommes en train également d'étudier, en rapport avec un département de la Banque mondiale, la mise en place d'une loi-cadre sur le stockage.
D'aucuns indexent un manque de qualité des produits locaux. Que répondez-vous ?
Sur l'oignon, il y a un problème de qualité qui se pose. Mais quand on prend les dix dernières années, des efforts ont été faits pour l'amélioration de la qualité. Nous avons moins de récriminations sur la qualité de la pomme de terre et de la carotte. Sur le riz, il y a plusieurs variétés au Sénégal. Certains transformateurs ont des machines industrielles qui transforment le riz. Ce riz est de très bonne qualité. Peut-être, les ménagères ne maîtrisent pas la technique d'utilisation de ce riz. Il y a toute une campagne de communication à faire.
Est-ce que l'Etat a une stratégie pour améliorer la qualité des produits locaux ?
L'amélioration de la qualité de la production s'inscrit dans un cadre globale. Mais on ne peut pas se lever un beau jour et régler tous les problèmes de qualité. C'est un processus et nous sommes dans le processus. Des efforts sont en train d'être faits par les industriels et l'Etat.
Quelles recommandations formulez-vous à l'attention des consommateurs ?
La recommandation est d'abord la compréhension. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. L'effort que le gouvernement du Sénégal fait pour acheter des produits à l'extérieur nous coûte très cher. A titre d'exemple, sur les produits laitiers, nous dépensons plus de 60 milliards de FCfa. Il y a tout un effort pour accompagner les producteurs et comprendre que cet effort d'achat de la production locale participe au développement. Si nous prenons des pays comme la Chine, il a, à un certain moment, fermé ses frontières aux produits extérieurs et a travaillé pour avoir des produits de qualité et envahir le monde.
Le Soleil/allafrica.com
 
 
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