Marine Le Pen est néanmoins parvenue à convaincre plusieurs millions de Français de glisser dans l’urne un bulletin en sa faveur, accomplissement majeur qui démontre à quel point elle a su dédiaboliser un mouvement créé il y a 44 ans par son propre père, Jean-Marie Le Pen. Celui-ci avait provoqué il y a 15 ans un choc terrible en France, lorsqu’il était parvenu à atteindre le second tour de l’élection présidentielle de 2002, devançant le Premier ministre socialiste sortant de l’époque, pour finalement échouer lourdement face à un Jacques Chirac réunissant 82,2 % des suffrages. Cette fois-ci, nous n’avons pas assisté à la mobilisation de ce que nous avions hier appelé le « front républicain », véritable soulèvement général contre l’extrême droite, ce qui démontre ici encore combien Marine Le Pen est parvenue à désenlaidir le type de discours tenus par l’extrême droite française pendant des décennies. Au-delà de cet accomplissement, elle a su bâtir un culte autour de sa personnalité, parvenant à dompter ses troupes, à commencer par sa propre nièce Marion Maréchal-Le Pen, qui est certainement une jeune femme à suivre au cours des prochaines années. La candidate Le Pen a également réussi à véritablement imposer dans le débat national français les thèmes traditionnels du populisme contemporain. Ces thèmes – identité nationale, peur de l’immigration et de la mondialisation, rejet de l’Europe – nous les avons bien sûr entendus chez Donald Trump ou lors des discussions sur le Brexit, et il faut s’attendre à les voir persister dans le débat national français encore un certain temps.
Traduit de l’anglais par Martin Morel
Christine Ockrent, journaliste et écrivain basée à Paris, est productrice de l’émission Affaires Étrangères diffusée sur France Culture.