L’Organisation mondiale de la santé, par exemple, a joué un rôle déterminant pour rassembler des parties prenantes disparates derrière un objectif commun. Par l’entremise de collaborations comme la percée des mesures d’accélération de l’accès aux vaccins contre la COVID-19 (COVACT), les autorités nationales, les organisations multilatérales, les entreprises et les philanthropes ont contribué à l’administration de vaccins, de traitements et de trousses de diagnostic aux régions du monde qui n’en avaient point.
Certes, on a pu assister à un niveau sans précédent de collaborations internationales, entre le secteur privé et le secteur public et entre entreprises au cours de la pandémie. Lorsqu’un besoin urgent s’est fait sentir pour des applications logicielles de recherche des contacts, les grands rivaux du secteur des technologies ont mis de côté leurs différends pour trouver une solution en collaboration avec les organismes de santé publique. La vitesse de la mise au point, de la mise à l’essai et de la production des vaccins a été rendue possible par une vaste initiative à laquelle participent des États, des instituts universitaires, de nouvelles entreprises de recherche médicale et de grandes entreprises pharmaceutiques. Il en va de même pour la collecte des données et la prévision des maladies, des domaines où participent des chercheurs universitaires, des entreprises technologiques et des agences gouvernementales.
Contourner les silos bureaucratiques et sectoriels profondément ancrés a produit des résultats impressionnants qui pourraient nous inciter à rehausser nos attentes pour la santé publique mondiale. Pour assurer la prospérité à long terme il est primordial d’assurer un accès universel, équitable et abordable à des soins de santé de qualité. Mais aujourd’hui, les organisations de santé ne peuvent à elles seules produire les outils numériques et économiques nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. La plupart de ces outils n’émanent pas du secteur de la santé et nécessitent du financement, des innovations et des connaissances d’un vaste éventail de sources pour qu’ils soient déployés efficacement.
C’est pourquoi nous sommes trois chercheurs qui travaillons à l’heure actuelle avec un vaste éventail de partenaires pour pérenniser la dynamique de collaboration issue de la pandémie. La tâche immédiate consiste à recenser les idées et solutions concrètes qui devraient être mises en œuvre immédiatement dans le cadre de la reprise des activités après la crise.
Nos efforts portent principalement sur les technologies. De nouveaux outils numériques et analytiques très efficaces nous permettent désormais de détecter les urgences sanitaires, de les gérer et d’en récupérer plus rapidement que jamais. Bien sûr, de tels outils doivent souvent composer avec des obstacles sociaux et culturels, comme le manque de confiance du public envers les détenteurs de renseignements personnels ou envers les instances nationales, le monde de la recherche universitaire et les entreprises commerciales. Et le déploiement de nouveaux outils est encore plus difficile lorsque les ensembles de données sont parsemés et que les pratiques établies sont très figées. Mais, ici aussi, la pandémie a démontré que les vieilles habitudes et les silos peuvent être défaits quand la situation l’exige.
Lorsqu’il s’agit de détecter et de gérer des épidémies de maladies infectieuses, nous avons appris des récentes crises Ebola, Zika et COVID-19 que certains indicateurs ont un meilleur potentiel de prédiction que d’autres. En effectuant des contrôles des effluents d’égout, des médias sociaux, des données de mobilité ou des rapports à source collective, il est possible de détecter des menaces beaucoup plus rapidement que les systèmes usuels de surveillance microbiologique. (certains groupes sont même en train d’explorer si les données courantes de numération globulaire pourraient avoir un potentiel prédictif.)
Ces nouveaux outils numériques sont relativement peu coûteux, faciles à utiliser et bien adaptés à la protection ou à l’anonymisation des renseignements personnels. Il faudra cependant plus d’investissement pour élargir leur adoption avant que la prochaine pandémie potentielle se déclare.
Comme les investisseurs privés recherchent des occasions de réaliser des économies à long terme dans le but d’accroître le rendement de leurs placements, les décisions d’investissements publics devraient être prises de la même manière. Tout le monde admet que les investissements publics en infrastructures ou en acquisition de compétences sont nécessaires pour améliorer la productivité à long terme. Dans la plupart des pays, le financement public continue d’être injecté en ce sens même en période d’austérité budgétaire. Pourtant quand il s’agit de la santé, la plupart des pays semblent beaucoup trop enclins à laisser les maladies se développer quitte à payer la facture plus tard pour de coûteux traitements.
Presque tous les réseaux de santé des pays développés attribuent une faible valeur aux outils de diagnostic et d’évaluation des risques. Des 40 milliards de dollars dépensés annuellement dans le monde en aide au développement pour la santé, un maigre 374 millions de dollars est affecté à la préparation de la lutte contre les pandémies. Or, en investissant plus dans la prévention dès aujourd’hui, on peut éviter des coûts plusieurs fois supérieurs à l’avenir.
Une politique de financement continu de biens publics à l’échelle mondiale comme les vaccins, les diagnostics, l’assainissement, la vigie sanitaire et les outils de modélisation doit faire partie des acquis de la pandémie. Les retombées de ces investissements dépassent de loin leur coût individuel. Ces sommes représentent une dépense d’investissement en santé qui produira des gains de productivité considérables à longue échéance.
Des changements effectifs nécessiteront d’authentiques réformes pour inscrire cette logique d’investissement dans toutes les dépenses liées à la santé. Par exemple, les règles de comptabilité budgétaire devraient être revues pour distinguer nettement entre un investissement en santé et des dépenses de consommation.
Les membres de la communauté internationale devraient s’inspirer du modèle post-2008 du Conseil de stabilité financière pour fonder un Conseil des biens publics se consacrant à la santé publique mondiale et à la lutte aux changements climatiques dans le but d’affecter plus de financement vers les immobilisations qui renforcent la capacité d’adaptation de la société et assurent sa prospérité à long terme. Finalement, le temps est venu d’actualiser les statuts du Fonds monétaire international pour faire de la santé une partie intégrante des fonctions courantes de veille économique de cette organisation.
Nous sommes en train de proposer ces idées au sein des organisations où chacun des auteurs œuvre et nous en invitons d’autres à faire de même. En fin de compte, les bonnes solutions viendront d’innovateurs de toutes les régions du monde. Nos chances d’éviter la prochaine crise dépendent grandement de la diversité des esprits qui s’y attaqueront.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
Sally C. Davies est doyenne du Trinity College à Cambridge et préside la coalition The Trinity Challenge . Jeremy Farrar est directeur du Wellcome Trust et conseiller au Comité indépendant de haut niveau du G20 sur le financement des initiatives mondiales de préparation et de lutte contre les pandémies. Jim O’Neill est président de Chatham House et un membre de la Commission paneuropéenne sur la Santé et le Développement durable.
© Project Syndicate 1995–2021
Certes, on a pu assister à un niveau sans précédent de collaborations internationales, entre le secteur privé et le secteur public et entre entreprises au cours de la pandémie. Lorsqu’un besoin urgent s’est fait sentir pour des applications logicielles de recherche des contacts, les grands rivaux du secteur des technologies ont mis de côté leurs différends pour trouver une solution en collaboration avec les organismes de santé publique. La vitesse de la mise au point, de la mise à l’essai et de la production des vaccins a été rendue possible par une vaste initiative à laquelle participent des États, des instituts universitaires, de nouvelles entreprises de recherche médicale et de grandes entreprises pharmaceutiques. Il en va de même pour la collecte des données et la prévision des maladies, des domaines où participent des chercheurs universitaires, des entreprises technologiques et des agences gouvernementales.
Contourner les silos bureaucratiques et sectoriels profondément ancrés a produit des résultats impressionnants qui pourraient nous inciter à rehausser nos attentes pour la santé publique mondiale. Pour assurer la prospérité à long terme il est primordial d’assurer un accès universel, équitable et abordable à des soins de santé de qualité. Mais aujourd’hui, les organisations de santé ne peuvent à elles seules produire les outils numériques et économiques nécessaires à l’atteinte de ces objectifs. La plupart de ces outils n’émanent pas du secteur de la santé et nécessitent du financement, des innovations et des connaissances d’un vaste éventail de sources pour qu’ils soient déployés efficacement.
C’est pourquoi nous sommes trois chercheurs qui travaillons à l’heure actuelle avec un vaste éventail de partenaires pour pérenniser la dynamique de collaboration issue de la pandémie. La tâche immédiate consiste à recenser les idées et solutions concrètes qui devraient être mises en œuvre immédiatement dans le cadre de la reprise des activités après la crise.
Nos efforts portent principalement sur les technologies. De nouveaux outils numériques et analytiques très efficaces nous permettent désormais de détecter les urgences sanitaires, de les gérer et d’en récupérer plus rapidement que jamais. Bien sûr, de tels outils doivent souvent composer avec des obstacles sociaux et culturels, comme le manque de confiance du public envers les détenteurs de renseignements personnels ou envers les instances nationales, le monde de la recherche universitaire et les entreprises commerciales. Et le déploiement de nouveaux outils est encore plus difficile lorsque les ensembles de données sont parsemés et que les pratiques établies sont très figées. Mais, ici aussi, la pandémie a démontré que les vieilles habitudes et les silos peuvent être défaits quand la situation l’exige.
Lorsqu’il s’agit de détecter et de gérer des épidémies de maladies infectieuses, nous avons appris des récentes crises Ebola, Zika et COVID-19 que certains indicateurs ont un meilleur potentiel de prédiction que d’autres. En effectuant des contrôles des effluents d’égout, des médias sociaux, des données de mobilité ou des rapports à source collective, il est possible de détecter des menaces beaucoup plus rapidement que les systèmes usuels de surveillance microbiologique. (certains groupes sont même en train d’explorer si les données courantes de numération globulaire pourraient avoir un potentiel prédictif.)
Ces nouveaux outils numériques sont relativement peu coûteux, faciles à utiliser et bien adaptés à la protection ou à l’anonymisation des renseignements personnels. Il faudra cependant plus d’investissement pour élargir leur adoption avant que la prochaine pandémie potentielle se déclare.
Comme les investisseurs privés recherchent des occasions de réaliser des économies à long terme dans le but d’accroître le rendement de leurs placements, les décisions d’investissements publics devraient être prises de la même manière. Tout le monde admet que les investissements publics en infrastructures ou en acquisition de compétences sont nécessaires pour améliorer la productivité à long terme. Dans la plupart des pays, le financement public continue d’être injecté en ce sens même en période d’austérité budgétaire. Pourtant quand il s’agit de la santé, la plupart des pays semblent beaucoup trop enclins à laisser les maladies se développer quitte à payer la facture plus tard pour de coûteux traitements.
Presque tous les réseaux de santé des pays développés attribuent une faible valeur aux outils de diagnostic et d’évaluation des risques. Des 40 milliards de dollars dépensés annuellement dans le monde en aide au développement pour la santé, un maigre 374 millions de dollars est affecté à la préparation de la lutte contre les pandémies. Or, en investissant plus dans la prévention dès aujourd’hui, on peut éviter des coûts plusieurs fois supérieurs à l’avenir.
Une politique de financement continu de biens publics à l’échelle mondiale comme les vaccins, les diagnostics, l’assainissement, la vigie sanitaire et les outils de modélisation doit faire partie des acquis de la pandémie. Les retombées de ces investissements dépassent de loin leur coût individuel. Ces sommes représentent une dépense d’investissement en santé qui produira des gains de productivité considérables à longue échéance.
Des changements effectifs nécessiteront d’authentiques réformes pour inscrire cette logique d’investissement dans toutes les dépenses liées à la santé. Par exemple, les règles de comptabilité budgétaire devraient être revues pour distinguer nettement entre un investissement en santé et des dépenses de consommation.
Les membres de la communauté internationale devraient s’inspirer du modèle post-2008 du Conseil de stabilité financière pour fonder un Conseil des biens publics se consacrant à la santé publique mondiale et à la lutte aux changements climatiques dans le but d’affecter plus de financement vers les immobilisations qui renforcent la capacité d’adaptation de la société et assurent sa prospérité à long terme. Finalement, le temps est venu d’actualiser les statuts du Fonds monétaire international pour faire de la santé une partie intégrante des fonctions courantes de veille économique de cette organisation.
Nous sommes en train de proposer ces idées au sein des organisations où chacun des auteurs œuvre et nous en invitons d’autres à faire de même. En fin de compte, les bonnes solutions viendront d’innovateurs de toutes les régions du monde. Nos chances d’éviter la prochaine crise dépendent grandement de la diversité des esprits qui s’y attaqueront.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
Sally C. Davies est doyenne du Trinity College à Cambridge et préside la coalition The Trinity Challenge . Jeremy Farrar est directeur du Wellcome Trust et conseiller au Comité indépendant de haut niveau du G20 sur le financement des initiatives mondiales de préparation et de lutte contre les pandémies. Jim O’Neill est président de Chatham House et un membre de la Commission paneuropéenne sur la Santé et le Développement durable.
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