Zone de libre-échange africaine : une bonne idée, à condition de bien répartir la croissance générée

Mercredi 10 Octobre 2018

La meilleure nouvelle que nous avons reçu de l’Afrique cette année c’est la décision de l’Union africaine de mettre en œuvre une zone de libre-échange à l’échelle du continent, s’est félicitée la Directrice exécutive du Centre du commerce international (ITC), lors d’un entretien avec ONU Info.


« C’est à mon avis un pas en avant très intelligent », a affirmé Arancha Gonzalez au sujet de cette initiative. Au mois de mars plus de quarante pays ont accepté de signer l'accord sur la zone de libre-échange continentale africaine.
Elle estime que cette zone libre africaine entraînera plus de compétitivité et permettra aux petites et moyennes entreprises, « qui constituent 90% du tissu entrepreneurial africain », de participer au commerce à travers l’insertion dans ce marché continental.
Selon Mme Gonzalez, le défi auquel est confronté le continent africain est qu’il compte trop de petits marchés, trop cloisonnés, rendant le développement des chaines de valeur et de production très compliqué, au détriment des petits producteurs qui restent confinés à des marchés plus petits.
Or les marchés plus petits « ça veut dire très souvent très informels, moins rémunérateurs et avec une qualité d’emploi de plus faible qualité », a précisé la cheffe de l'ITC, une agence conjointe de l'ONU et l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
 

Éviter de creuser les inégalités

Selon elle, il importe d’assurer que l’ouverture du marché à l’échelle africaine ne creuse pas les inégalités sur le continent.
« Il faut s’assurer que la croissance générée par ce marché ne soit pas concentrée sur le 1% de la population au détriment des 99% de la population », a souligné la cheffe du Centre de commerce international.
Pour y arriver, elle appelle à mettre en œuvre des politiques nationales sociales, qui assurent que les entrepreneurs aient les qualifications nécessaires pour participer aux secteurs du commerce avec le plus de valeur ajoutée, qui mettent en place un système d’imposition plus juste et qui investissent suffisamment dans les infrastructures.
« Ceci est vrai pour l’Afrique, mais c’est vrai aussi pour les Etats-Unis et pour l’Europe » a ajouté la Directrice. « Dans cette phase de la globalisation mondiale on a vu une concentration des bénéfices trop fortes sur le 1% et une concentration des problèmes beaucoup trop grande sur les 99% de la population et ce n’est pas soutenable dans le long terme ».

Réformer l’OMC à la table des négociations

Pour réformer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il ne s’agit pas qu’un pays impose la solution à un autre, il s’agit de trouver une réponse commune aux problèmes qui sont communs, a affirmé la cheffe de l’ITC.

« Je suis d’accord avec cette critique que l’on fait de l’Organisation mondiale du commerce, comme quoi il faut la réformer », a dit Arancha Gonzalez, soulignant notamment qu’il faut mettre l’OMC aux normes du 21ème siècle, dont la révolution digitale. « Il faut que les négociateurs de tous les membres de cette Organisation viennent à Genève, s’installent autour de la table. Ils vont tous avoir leurs propres doléances, ils vont tous avoir la liste des sujets à renouveler. La solution doit venir d’un dialogue entre eux tous ».

Améliorer les règles du commerce, oui… mais pas de façon unilatérale

Face aux rivalités croissantes entre les États Unis et la Chine, Arancha Gonzalez appelle les États africains a demandé à ces deux puissances de revenir autour de la table des négociations de l’OMC à Genève.
Selon elle dans une économie globalisée et interconnectée « on n'est pas isolé et on ne peut pas s’isoler », d’où l’importance pour ces pays de « dire aux Chinois et aux Américains que ce que vous faites créent des turbulences qui nous impactent au moment où l’on commençait à sortir de la crise économique de 2008 et on commençait à regagner la croissance ».
Cette rivalité accrue ne règle pas les problèmes de fond, selon Mme Gonzalez. « Les problèmes de fonds, d’ailleurs des deux côtés, c’est que les règles du commerce international doivent être améliorées mais on n'améliore pas les règles du commerce international avec des mesures unilatérales qui n’ont comme réponse que des réponses unilatérales ».
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