- Monsieur Gargouri, vous êtes depuis bientôt quatre ans à la tête de Bsic Sénégal (Banque sahélo-saharienne pour l'investissement et le commerce). Durant cette période, la place de Dakar a enregistré l’installation de nouvelles banques, la mutation d’enseignes historiques et l’arrivée de sociétés d’assurance dans le secteur bancaire. Comment avez-vous vécu ce bouillonnement ?
La concurrence est un principe fondamental des économies de marché et elle est aussi source d’émulation et nous oblige à une remise en question permanente tant au niveau de notre stratégie que de notre offre commerciale. Notre banque s’est préparée pour faire face à cette concurrence.
Nous sommes présents sur le marché sénégalais depuis de nombreuses années. Nous fêtons d’ailleurs nos vingt ans cette année , ce qui nous donne un important avantage comparatif en termes de connaissance du marché.
Nous sommes actuellement dans le Middle Market et nous ambitionnons d’ici quelques années de rejoindre le peloton de tête des banques sénégalaises.
Nous avons des produits en phase avec les besoins de notre clientèle et nous avons une équipe commerciale dynamique et très engagée. La banque a connu une forte croissance de ses encours en trois ans et a accentué sa présence sur les différents segments, les grandes entreprises, les Pme, les particuliers & la diaspora.
Nous avons aussi été partenaire de l’Etat du Sénégal dans des projets structurants dans le transport (Brt), les infrastructures sanitaires, etc... Ces évolutions ont permis à la banque d’enregistrer de fortes croissances au niveau de ses principaux agrégats avec une hausse de 83% de son total bilan, de 146% de ses encours de crédits directs et enfin de ses ressources de 128% sur la période 2021-2023.
- Comment comptez-vous tirer votre épingle du jeu dans un environnement de plus en plus concurrentiel et aux règlementations plus strictes ?
Nous pensons que notre première force est l’appartenance à un groupe bancaire panafricain présents dans différentes zones économiques en Afrique. Cette appartenance et notre organisation agile nous permettent de nous adapter par rapport aux évolutions constantes de notre secteur d’activité.
De façon plus spécifique, Bsic Sénégal reste alerte et fait preuve de réalisme pour se donner les moyens d’améliorer sa position dans le marché bancaire sénégalais avec un maillage du territoire cohérent. Nous avons défini une stratégie commerciale à la fois dynamique et souple, adaptable aux contraintes du marché. Le digital occupe une place importante avec la création de produits innovants tels que le Smart Tpe destinés à recevoir les paiements via carte bancaire et/ou via le wallet ou mobile money.
Le lancement de notre salle de marché est un tournant important avec en perspective, la centralisation de la Trésorerie Groupe mais aussi l’offre de services divers et variés aux clients institutionnels. Enfin, nous ne pourrons éluder le lancement imminent de nos cartes Visa avec un statut de délégataire.
- Quel est votre avis sur le relèvement des taux directeurs de la Bceao dont l’objectif principal est de freiner l’inflation ?
Nous comprenons les enjeux de politique monétaire sous-jacents même si le relèvement du taux directeur de la Bceao a une incidence très forte sur nos conditions de financement qui risquent de devenir plus cher pour notre clientèle.
Le relèvement va avoir aussi pour impact l’effritement de la marge d’intérêts des banques. En effet, la hausse des taux directeurs se traduit sur le marché par le renchérissement des ressources notamment interbancaires et clientèle et ce surcoût n’est pas automatiquement répercutée sur le portefeuille crédit, d’une part, et d’autre part il est souvent très difficile de revenir sur des conditions particulières accordées à une certaine cible de clients.
De façon générale, cette hausse, si elle s’installe dans la durée, peut aussi être un facteur réduisant l’accès au financement pour certaines catégories d’entreprises comme les Pme et aussi les ménages, et donc avoir un impact négatif sur la croissance de l’économie.
Nous restons toutefois optimistes et pensons que ce sont des mesures conjoncturelles qui évolueront à la faveur des bonnes perspectives économiques escomptées.
- Quels sont les principaux avantages concurrentiels de la Bsic?
En tant que filiale d’un important groupe bancaire, la Bsic offre une large gamme de produits et services à haute valeur ajoutée et s’évertue à fournir une qualité de services.
Nous proposons à chaque type de clients une offre complète et cohérente de produits adaptés à ses besoins spécifiques.
La banque a mis en place par exemple au cours de l’année 2024 une salle de marché comme évoqué plus haut offrant à la clientèle des solutions sur le trade , la couverture à terme sur les évolutions défavorables des cours de change et des prix des commodities.
Nous avons aussi mis l’accent sur des solutions de cash management comme les coffres forts intelligents et de smart-chèques déployés chez certains de nos clients. Nous avons également des solutions de paiement utilisant le wallet, accompagné de la diversification de notre offre monétique avec comme partenaire Visa.
- Certains spécialistes disent que les banques au Sénégal ne comprennent pas le langage des Pme et vice-versa. Partagez-vous ce constat ? Le cas échéant, qu’est-ce qui explique cette incompréhension ?
Les Pme constituent pour les banques un marché à fort potentiel mais c’est aussi un marché qui présente des faiblesses et un risque très élevé pour les banques. Les problèmes des Pme se situent au niveau de la qualité de l’information financière, le manque de fonds propres et l’insuffisance des garanties réelles.
Les Pme sont l’épine dorsale de l’économie sénégalaise et représentent 98% des entreprises au Sénégal. Elles sont au cœur de notre stratégie et nous avons pour mission de participer activement à leur développement. Le financement des Pme présente certes des risques à plusieurs égards, mais il existe aujourd’hui des mécanismes qui permettent de lever ces obstacles et de faciliter leur accès au financement.
La Bsic s’appuie sur les dispositifs mis en place par l’Etat (Adepme, Fongip etc.) et par la Bceao pour accompagner les Pme dans la formalisation de leur activité, la fiabilisation des informations financière et la mise à disposition d’instruments de garanties pour répondre à leurs besoins de financement.
La Bsic a mis en place une équipe de professionnels dédiés à l’accompagnement de ce segment spécifique d’entreprises.
Parallèlement, la Bsic a développé des partenariats avec des Sae comme l’Adepme pour mieux aider les Pme à structurer leurs demandes de financement, à tenir une comptabilité et une bonne gestion permettant d’assurer la pérennité des entreprises ou de limiter au maximum les vulnérabilités au risque de faillite.
- En avril 2023, vous avez signé avec l’Adepme une convention de partenariat dont l’objectif est de faciliter aux Pme l’accès au financement. Près d’un an plus tard, quel bilan tirez-vous de cette initiative ?
Cette convention est toujours en cours d’appropriation par les Pme. Nos équipes sensibilisent et font vivre ce partenariat. Le bilan est prévu en fin d’année afin de déterminer les axes d’amélioration. Nous espérons récolter les fruits de ce partenariat sur l’année 2025.
- Le capital-investissement constitue une source de financement qui attire les Pme, lesquelles se plaignent souvent des difficiles conditions d’accès au crédit bancaire. Considérez-vous les acteurs de l’écosystème du capital-investissement comme des concurrents ou des partenaires condamnés à collaborer pour le bien des économies africaines ?
Le capital investissement est un instrument important pour les Pme et suppléent à leurs manques de fonds propres et de crédits bancaires à longs et moyens termes pour des investissements indispensables pour le développement des Pme. Le capital investissement apparait comme complémentaire à l’activité de financement bancaire.
Nous sommes en train de mettre en place des synergies avec ces acteurs qui nous sollicitent beaucoup dans le cadre de leur opérations de levée de fonds (dette) au profit de leurs partenaires.
Nos équipes travaillent étroitement avec certains fonds d’investissement dédiés au financement des Pme-Pmi. Le capital-investissement est donc plus vu comme un partenaire ayant une valeur ajoutée complémentaire par la Bsic.
- Quels sont les projets de développement de la Bsic, notamment au bénéfice du secteur privé ?
Nos ambitions est de continuer sur la même lancée que les années précédentes en accentuant nos financements au secteur privé. Parmi ces projets : nous avons piloté une levée de fonds de FCFA 25 Milliards pour la mise sur pied et l’aménagement d’un parc industriel à Bargny-Sendou.
Nous sommes conscients de l’importance du secteur industriel dans la pérennité de notre économie et nous comptons renforcer l’enveloppe dédiée pour contribuer à la création de Champions Locaux.
Le secteur agricole fait également partie de nos cibles grâce au financement des campagnes agricoles (arachides, oignons, pommes de terre), etc.
- Avant de prendre la direction de Bsic Sénégal, vous avez été à la tête de la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat) à Tripoli. Quelles sont les différences et les similitudes des secteurs bancaires nord-africain et ouest-africain ?
Les secteurs bancaires nord-africain et ouest-africain présentent à la fois des différences et des similitudes. Sur le plan similitudes nous pouvons citer :
-Les deux régions ont des autorités de régulation qui supervisent le secteur bancaire.
-Les deux secteurs cherchent à améliorer l'inclusion financière en développant des services bancaires accessibles pour les populations non bancarisées.
-Dans les deux régions, on trouve des banques internationales qui opèrent et offrent une gamme de services financiers, renforçant la concurrence.
-L'essor des fintechs et des services de banque numérique est une tendance observée dans les deux régions, cherchant à moderniser les services bancaires.
D’un autre côté il y a certaines différences liées à la nature des économies des deux zones où nous avons des économies nord africaines plus diversifiées et industrialisées. Aussi le niveau du taux de bancarisation qui est plus important en Afrique du nord avoisinant les 46%. Par conséquent on va trouver une offre de services plus étendue.
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