Sidy Lamine Ndiaye, Directeur exécutif de l’Apsfd-Sénégal: «Le secteur de la Microfinance est le vecteur majeur de l’inclusion financière »

Lundi 30 Décembre 2024

Avec 4 306 771 membres/clients, un encours d’épargne de 570,5 milliards de FCfa, et un encours de crédit de 752,6 milliards soit 14,5% des crédits à l’économie au 31 décembre 2023, on peut dire que le secteur de la Microfinance se porte bien au Sénégal. Dixit Sidy Lamine Ndiaye, Directeur exécutif de l’Association professionnelle des systèmes financiers décentralisés (Apsfd-Sénégal). Dans cet entretien avec Le journal de l’économie sénégalaise (Lejecos), M. Ndiaye analyse l’évolution du secteur. Il revient également sur le lancement de la plateforme « Sunu Nafa » ; la loi sur la réglementation du secteur ; l’éducation financière.


  • Monsieur le Directeur exécutif, comment se porte le secteur de la microfinance au Sénégal ? Quelle est sa contribution réelle à l’inclusion financière et à l’économie sociale et solidaire ? A quels défis le secteur fait-il face ?
Le secteur de la Microfinance au Sénégal se porte bien. Il suit sa tendance de progression positive depuis plus d’une douzaine d’années, faisant de lui le leader de la Microfinance dans l’Uemoa. Le dynamisme du secteur est illustré par les chiffres suivants :  4 306 771 membres/clients, un encours d’épargne de 570, 5 milliards FCFA, un encours de crédit de 752, 6 milliards soit 14,5% des crédits à l’économie au 31/12/2023.

 Le secteur de la Microfinance est le vecteur majeur de l’inclusion financière, avec une contribution de 40% à l’inclusion financière au Sénégal. Etant son bras financier, le secteur de la microfinance contribue beaucoup au financement de l’économie sociale et solidaire, dont certains Systèmes financiers décentralisés (Sfd) de type Imcec   sont des acteurs.   

 Malgré son dynamisme avérée dans le financement de l’économie sénégalaise, le secteur de la Microfinance fait face à de nombreux  défis, notamment celui  de la bonne gouvernance, et de la conformité par rapport à la nouvelle loi sur la microfinance, d’une part , et d’autre part, celui de la digitalisation, de ressources longues à coût faible afin de pouvoir faire face à la demande de financement grandissante des Pme/Pmi et , enfin celui de l’assainissement  du portefeuille à risques des acteurs,  fortement impactés par les créances défectueuses.
 
  • Récemment une nouvelle loi portant réglementation du secteur de la microfinance a été édictée. Comment l’Apsfd compte accompagner le processus de mise en conformité des institutions assujetties ?  
Effectivement une nouvelle loi uniforme régissant la microfinance a été adoptée par le Conseil des Ministres de l’Uemoa en décembre 2023. Son entrée en vigueur au Sénégal va nécessiter sans doute des adaptabilités au sein des institutions de microfinance particulièrement les Imcec. Ces dernières seront obligées de se transformer en société coopérative d’épargne et crédit, conformément aux textes de l’Ohada qui régissent lesdites sociétés.

Ainsi, l’Apsfd-Sénégal compte accompagner ses membres à se conformer à cette nouvelle réglementation en menant les actions suivantes :
  •  Informer et sensibiliser sur la nouvelle loi
  • Former sur les textes de l’Ohada relatifs aux Scoop
  • Elaborer un guide de conformité par rapport à la nouvelle loi sur la microfinance dans l’Umoa  
  • Apporter une assistance technique aux Institutions de microfinance (Imf) sur le processus de transformation institutionnelle et juridique
  • Editer et distribuer à tous les agents et acteurs du secteur de la Microfinance au Sénégal, la nouvelle loi adoptée par le Sénégal (projet : un agent d’Imf , une copie de la loi sur la microfinance)
 
  • Certains acteurs avertis déplorent souvent le défaut de capacités techniques, institutionnelles et financières qui freine le développement du secteur de la microfinance. Que répondez-vous à ces interpellations ?  
Personnellement et avec une expérience d’une trentaine d’année dans ce secteur, il faut reconnaitre que les institutions de la microfinance ont beaucoup évolué sur le plan institutionnel, technique et financier.  Des avancées notoires ont été notées, c’est pourquoi, nous avons au Sénégal des institutions de microfinance de référence dans l’Uemoa et même en Afrique. Néanmoins, il faut le reconnaitre, des Imf, surtout celles isolées et de petite taille, sont en effet, confrontées à ces problèmes menaçant de ce fait leur viabilité.
Il faut aussi souligner que la résolution de ces problèmes techniques, institutionnelles et financières est l’un des motifs qui ont prévalu à l’adoption de cette nouvelle loi sur la microfinance qui vise à la création de réseaux d’Imf viables et pérennes.
  • Votre organisation a lancé en partenariat avec l’opérateur « Gsie Technology », la première plateforme mutualisée de Mobile Banking dénommée « Sunu Nafa ». Quels sont les objectifs et la portée de ce projet ?
La création de la plateforme mutualisée de Mobile Banking dénommée « Sunu Nafa » en partenariat avec Gsie vise à faire profiter à nos institutions des avantages de la digitalisation des opérations, qui est pour elles, une nécessité absolue pour être efficientes à l’ère du numérique dans le secteur financier.

Avec la plateforme « Sunu Nafa» , nous voulons en tout temps et en tout lieu que les clients  puissent être en contact avec les Imf . De même, elle contribue à la diversification des canaux de services aux Imf et désormais, en leur offrant les facilités d’intégrer la plateforme interopérabilité des services financiers de la Bceao (Pisf)
 
  • Dans le secteur, il est noté une recrudescence des institutions de microfinance en difficulté. Quels sont les facteurs explicatifs ? Le cadre réglementaire et institutionnel est-il incitatif ? Que faites-vous pour booster la relance et accroitre le dynamisme du secteur ?
 Il faut plutôt nuancer, il n’y a pas une recrudescence des Imf en difficultés, toutefois, reconnaissons- le, il y’en a certaines qui sont dans cette situation.   Dans ces cas, les facteurs explicatifs sont divers et variés. Ils vont de la mal gouvernance, à la faiblesse des capacités techniques des dirigeants (agents et élus), en passant par des créances en souffrances très importantes, et surtout une insuffisance de ressources financières, sans oublier maintenant la trop faible voire négative rentabilité.

Le cadre réglementaire et institutionnel actuel présentait des obstacles, qui avec la nouvelle loi sur la microfinance seront levés quand elle sera insérée dans le corpus juridique au Sénégal.

Pour booster le secteur, l’Apsfd-Sénégal met l’accent sur le renforcement des capacités techniques et financières des Imf et de leurs agents. L’Apsfd-Sénégal va continuer à faire le plaidoyer et développer des partenariats, afin que les Imf puissent avoir les ressources financières très importantes de longue maturité à des conditions profitables à leur rentabilité et à leur viabilité.
  • Quelle est la contribution de l’Apsfd à la mise en œuvre du programme national d’éducation financière ? Quels sont les défis majeurs identifiés ?
 Effectivement le Sénégal dispose d’un programme national d’éducation financière (Pnef) dont sa mise en œuvre contribuera à l’inclusion financière. Pour votre information c’est l’Apsfd-Sénégal qui a été l’initiatrice du premier programme d’éducation financière au Sénégal destiné aux clients des Imf en partenariat avec Crs ( Catholic Relief Service )et la Direction de la microfinance (Dmf). S’appuyant sur les résultats positifs de ce programme, l’Apsfd-Sénégal apportera son expérience et son expertise pour contribuer fortement à la mise en œuvre du Pnef.

Les défis majeurs identifiés sont surtout d’ordre financier c’est-à-dire mobiliser le budget nécessaire, qui est de l’ordre d’une vingtaine de milliards de FCfa pour sa mise en œuvre. Il faut aussi, à la fois, un cadre d’exécution, une harmonisation des interventions et de suivi correct de sa mise en œuvre.
Lejecos Magazine
 
Actu-Economie


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