Un chiffre : 28 milliards de dollars (17 500 milliards de Fcfa) ! C’est le montant des échanges commerciaux d’investissements en 2022 entre le monde arabe et l’Afrique. Un montant jugé très faible encore, eu égard aux réserves financières importantes dans les pays du Golfe estimées à plusieurs milliards de dollars. Toutes choses qui justifient le thème principal de la 6ème édition des Financial Afrik Awards : « Renforcer le partenariat stratégique entre le monde arabe et l’Afrique ». Une édition qui, du 27 au 28 janvier dernier, a pris ses quartiers sur la « Terre d’Eburnie » (ancien nom de la Côte d’Ivoire), avec la présence de nombre de personnalités de la finance, du monde des affaires et surtout les représentants du Groupe de coordination arabe (ACG), une alliance stratégique de dix institutions financières de développement de premier plan. En parlant d’alliances, Adama Wade, Directeur de publication de Financial Afrik, initiateur du rendez-vous annuel de la finance africaine en collaboration avec la Banque arabe pour le développement en Afrique (BADEA), estime qu’ « Il ne s’agit pas d’alliances nouvelles car, entre les deux zones, les alliances sont séculaires parce que culturelles, sociales, économiques », indique-t-il en évoquant la Mauritanie et le Sénégal.
L’évènement a été rythmé, outre des rencontres B to B, par des panels de haut niveau sur des thématiques comme « Relier les marchés et mobiliser les capitaux pour la croissance ». Mais auparavant, le président de la Badea Sidy Ould Tah avait déjà campé le décor en déclarant lors de la cérémonie d’ouverture : « Nous sommes appelés à accroître le volume des investissements arabes en Afrique et accroître le volume des échanges commerciaux entre les 2 régions. » Comme pour le confirmer, Madame Nialé Kaba, ministre ivoirienne de l’Economie, du Plan et du développement, tout en remerciant tous « collectivement », a tenu « A vous diriger vers nos attentes pour un partenariat encore plus large », a-t-elle déclaré en lançant officiellement l’évènement. Cette édition, a-t-elle ajouté, « devrait servir de cadre pour ouvrir une lucarne et explorer les voies permettant de capter davantage de flux entrants d’Investissements directs (IDE) en Afrique, concevoir des approches stratégiques de long terme pour faciliter la collaboration entre les entreprises africaines et celles du monde arabe. »
Collaboration essentielle
Dans la discussion autour de la problématique « Relier les marchés et mobiliser les capitaux pour la croissance », le président de la Badea, Sidi Ould Tah, a rappelé les 50 milliards USD d’investissements annoncés en octobre dernier par son institution en vue d’accompagner les efforts de développement sur le continent. Ce partenariat stratégique entre le monde arabe et l’Afrique, dit-il, « illustre une ambition commune de bâtir une prospérité partagée et de promouvoir une transformation économique durable ».
Seulement, pour Serge Ekue, président de la Banque ouest africaine de développement (BOAD), « La manifestation de la coopération entre le monde arabe et l’Afrique va au-delà d’une simple question du financement. Il y a intérêt de promouvoir une coopération dans les domaines technologiques, par exemple, ou encore de la science, entre autres. L’idée est de travailler dans une coopération décomplexée. »
Vis-à-vis du secteur privé africain, les fonds arabes sont assez actifs, si l’on en croît le béninois Docteur Zul Kifl Salami, Président du Fonds Arabo-africain. L’économiste a ainsi mis en lumière les atouts du Groupe de coordination arabe qu’il considère comme un « modèle » dans la mobilisation de fonds. Ce groupe, rappelons-le, réunit dix institutions financières de développement de premier plan dont quatre nationales que sont le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe ; le Fonds saoudien pour le développement ; le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement et le Fonds du Qatar pour le développement. Les six autres sont régionales telles que le Fonds arabe pour le développement économique et social ; la Banque islamique de développement ; la Banque arabe pour le développement économique en Afrique ; le Fonds monétaire arabe.
Ce groupe, a indiqué le docteur Salami, « se distingue par une grande flexibilité dans ses procédures et s’affirme comme un partenaire stratégique pour le continent africain », tout en exhortant à une amélioration de la gouvernance, pour maximiser les contributions des institutions arabes au développement de l’Afrique.
Le problème qu’il faut résoudre cependant, c’est de savoir si la solidarité « incomparable à l’échelle du continent » entre le monde arabe et l’Afrique « s’est traduite en un changement radical en termes de croissance inclusive ? », a lancé l’économiste. L’enjeu est crucial puisque du point de vue du président de la Badea, « Dans ce monde de turbulences, cette collaboration entre le monde arabe et l’Afrique est essentielle pour stabiliser et transformer les économies africaines, en créant des emplois et en renforçant l’industrialisation », selon Sidi Ould Tah.
Des Fonds sans fond
Les pays arabes en particulier ceux du Golfe, disposent d’importantes ressources financières qui peuvent être captées par les pays africains. Il s’agit notamment du Fonds saoudien d’investissement (PIF) avec des montants estimés à plus de 700 milliards de dollars ; le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement (ADFD) dont la mission est d'aider les pays en développement à atteindre une croissance économique durable et à réduire la pauvreté ; le Qatar Investment Authority (QIA), fonds souverain d’investissement de long terme (plus de 500 milliards de dollars. En 2024, pour la deuxième année d'affilée, la moitié des dix fonds souverains les plus actifs dans le monde étaient liés soit aux Emirats arabes unis, soit à l'Arabie saoudite, soit au Qatar, comme l’indique le dernier rapport du cabinet spécialisé Global SWF (Sovereign Wealth Fund).
Les fonds souverains de la région du Moyen-Orient ont démontré leur influence dans le système monétaire et financier international. Leur rôle a été déterminant dans le sauvetage du système financier international, en particulier lors de la crise financière de 2007, en injectant plusieurs dizaines de milliards dans le capital des institutions financières. Ces mesures ont non seulement permis de soutenir les institutions financières en évitant toute crise systémique, mais aussi ont contribué à soutenir le dollar américain.
L’ambition primaire d’un fonds souverain est d’accumuler une épargne nationale à long terme au bénéfice des générations futures, notamment en diversifiant les investissements sur les plans sectoriel et géographique. Reprenant cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant le record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Durant la dernière décennie, ceux-ci sont montés en puissance, prenant un poids considérable au point de devenir des acteurs majeurs de l’économie mondiale et de constituer une nouvelle classe d’investisseurs. Sur les 5 500 milliards de dollars détenus aujourd’hui par les fonds souverains, près de 40 % proviennent des pays du Golfe.
On notera que quatre des dix premiers fonds de la planète sont originaires du Moyen-Orient. A eux seuls, ils concentrent 40 % des actifs mondiaux du secteur. Même si leur notoriété est relativement récente, la plupart d’entre eux ont été fondés il y a déjà plusieurs décennies. Comme souvent, c’est le Koweït qui a été précurseur avec la création de son fonds dès 1953.
Il demeure cependant toujours aussi difficile de connaître avec précision l’étendue de leurs ressources financières, qui restent en règle générale largement sous-évaluées. Toujours est-il que, avec un total de 60 milliards de dollars engagés de 2012 à 2022, les Émirats se placent au quatrième rang des investisseurs en Afrique sur la dernière décennie, derrière la Chine, l'Europe et les États-Unis. En 2023, les liens entre les Émirats Arabes Unis et l'Afrique ont atteint leur apogée, marqués par l'engagement d'Abu Dhabi à investir 4,5 milliards de dollars dans les énergies propres du continent.
Malick NDAW
L’évènement a été rythmé, outre des rencontres B to B, par des panels de haut niveau sur des thématiques comme « Relier les marchés et mobiliser les capitaux pour la croissance ». Mais auparavant, le président de la Badea Sidy Ould Tah avait déjà campé le décor en déclarant lors de la cérémonie d’ouverture : « Nous sommes appelés à accroître le volume des investissements arabes en Afrique et accroître le volume des échanges commerciaux entre les 2 régions. » Comme pour le confirmer, Madame Nialé Kaba, ministre ivoirienne de l’Economie, du Plan et du développement, tout en remerciant tous « collectivement », a tenu « A vous diriger vers nos attentes pour un partenariat encore plus large », a-t-elle déclaré en lançant officiellement l’évènement. Cette édition, a-t-elle ajouté, « devrait servir de cadre pour ouvrir une lucarne et explorer les voies permettant de capter davantage de flux entrants d’Investissements directs (IDE) en Afrique, concevoir des approches stratégiques de long terme pour faciliter la collaboration entre les entreprises africaines et celles du monde arabe. »
Collaboration essentielle
Dans la discussion autour de la problématique « Relier les marchés et mobiliser les capitaux pour la croissance », le président de la Badea, Sidi Ould Tah, a rappelé les 50 milliards USD d’investissements annoncés en octobre dernier par son institution en vue d’accompagner les efforts de développement sur le continent. Ce partenariat stratégique entre le monde arabe et l’Afrique, dit-il, « illustre une ambition commune de bâtir une prospérité partagée et de promouvoir une transformation économique durable ».
Seulement, pour Serge Ekue, président de la Banque ouest africaine de développement (BOAD), « La manifestation de la coopération entre le monde arabe et l’Afrique va au-delà d’une simple question du financement. Il y a intérêt de promouvoir une coopération dans les domaines technologiques, par exemple, ou encore de la science, entre autres. L’idée est de travailler dans une coopération décomplexée. »
Vis-à-vis du secteur privé africain, les fonds arabes sont assez actifs, si l’on en croît le béninois Docteur Zul Kifl Salami, Président du Fonds Arabo-africain. L’économiste a ainsi mis en lumière les atouts du Groupe de coordination arabe qu’il considère comme un « modèle » dans la mobilisation de fonds. Ce groupe, rappelons-le, réunit dix institutions financières de développement de premier plan dont quatre nationales que sont le Fonds koweïtien pour le développement économique arabe ; le Fonds saoudien pour le développement ; le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement et le Fonds du Qatar pour le développement. Les six autres sont régionales telles que le Fonds arabe pour le développement économique et social ; la Banque islamique de développement ; la Banque arabe pour le développement économique en Afrique ; le Fonds monétaire arabe.
Ce groupe, a indiqué le docteur Salami, « se distingue par une grande flexibilité dans ses procédures et s’affirme comme un partenaire stratégique pour le continent africain », tout en exhortant à une amélioration de la gouvernance, pour maximiser les contributions des institutions arabes au développement de l’Afrique.
Le problème qu’il faut résoudre cependant, c’est de savoir si la solidarité « incomparable à l’échelle du continent » entre le monde arabe et l’Afrique « s’est traduite en un changement radical en termes de croissance inclusive ? », a lancé l’économiste. L’enjeu est crucial puisque du point de vue du président de la Badea, « Dans ce monde de turbulences, cette collaboration entre le monde arabe et l’Afrique est essentielle pour stabiliser et transformer les économies africaines, en créant des emplois et en renforçant l’industrialisation », selon Sidi Ould Tah.
Des Fonds sans fond
Les pays arabes en particulier ceux du Golfe, disposent d’importantes ressources financières qui peuvent être captées par les pays africains. Il s’agit notamment du Fonds saoudien d’investissement (PIF) avec des montants estimés à plus de 700 milliards de dollars ; le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement (ADFD) dont la mission est d'aider les pays en développement à atteindre une croissance économique durable et à réduire la pauvreté ; le Qatar Investment Authority (QIA), fonds souverain d’investissement de long terme (plus de 500 milliards de dollars. En 2024, pour la deuxième année d'affilée, la moitié des dix fonds souverains les plus actifs dans le monde étaient liés soit aux Emirats arabes unis, soit à l'Arabie saoudite, soit au Qatar, comme l’indique le dernier rapport du cabinet spécialisé Global SWF (Sovereign Wealth Fund).
Les fonds souverains de la région du Moyen-Orient ont démontré leur influence dans le système monétaire et financier international. Leur rôle a été déterminant dans le sauvetage du système financier international, en particulier lors de la crise financière de 2007, en injectant plusieurs dizaines de milliards dans le capital des institutions financières. Ces mesures ont non seulement permis de soutenir les institutions financières en évitant toute crise systémique, mais aussi ont contribué à soutenir le dollar américain.
L’ambition primaire d’un fonds souverain est d’accumuler une épargne nationale à long terme au bénéfice des générations futures, notamment en diversifiant les investissements sur les plans sectoriel et géographique. Reprenant cette logique, les pays du Golfe ont alimenté pendant de nombreuses années leurs fonds souverains grâce aux gigantesques rentes pétrolières, notamment lorsque les cours du brut étaient au plus haut, atteignant le record historique de 143 dollars le baril en 2008.
Durant la dernière décennie, ceux-ci sont montés en puissance, prenant un poids considérable au point de devenir des acteurs majeurs de l’économie mondiale et de constituer une nouvelle classe d’investisseurs. Sur les 5 500 milliards de dollars détenus aujourd’hui par les fonds souverains, près de 40 % proviennent des pays du Golfe.
On notera que quatre des dix premiers fonds de la planète sont originaires du Moyen-Orient. A eux seuls, ils concentrent 40 % des actifs mondiaux du secteur. Même si leur notoriété est relativement récente, la plupart d’entre eux ont été fondés il y a déjà plusieurs décennies. Comme souvent, c’est le Koweït qui a été précurseur avec la création de son fonds dès 1953.
Il demeure cependant toujours aussi difficile de connaître avec précision l’étendue de leurs ressources financières, qui restent en règle générale largement sous-évaluées. Toujours est-il que, avec un total de 60 milliards de dollars engagés de 2012 à 2022, les Émirats se placent au quatrième rang des investisseurs en Afrique sur la dernière décennie, derrière la Chine, l'Europe et les États-Unis. En 2023, les liens entre les Émirats Arabes Unis et l'Afrique ont atteint leur apogée, marqués par l'engagement d'Abu Dhabi à investir 4,5 milliards de dollars dans les énergies propres du continent.
Malick NDAW